vendredi 28 décembre 2007

Le Vietnam

16e envoi : VIÊT NAM
Après le Laos, nous voici au Viêt Nam. Nous entreprenons notre quatrième mois. Comme le temps passe vite! Nous allons toujours bien et l’essentiel est là, c’est-à-dire la santé.
Le Viêt Nam est un pays de 83 millions d’habitants dont plusieurs sont issus de d’autres pays asiatiques dont des Chinois, des Thaïlandais, des Laotiens, etc. C’est un pays en émergence bien qu’il demeure un pays du tiers-monde. On peut voir ce développement par de nombreuses constructions un peu partout dans le pays, par de grands édifices modernes, par la présence de grandes compagnies surtout japonaises comme Toshiba, Samsung, Honda, Toyota, Hitachi, etc. Très peu de compagnies américaines ont un siège ici. Il faut dire que les États-Unis ont régularisé leurs relations avec le Viêt Nam seulement sous le règne de Clinton, donc relativement récemment.
Ce qui est remarquable dans les villes que nous avons visitées, ce sont les motos, des milliers de petites motos. Par exemple, sur une population de 8 millions d’habitants à Ho Chi Minh City, 3 millions de personnes ont une moto. Les petites motos, en général, coûtent plus ou moins 400.00 $. Ce sont des copies des modèles japonais réalisées par les Vietnamiens, les Chinois et les Coréens. Cependant, ce ne sont pas des motos comme nous connaissons au Québec, elles ressemblent davantage à des scooters. Autant les femmes que les hommes conduisent ces scooters. On voit souvent des femmes, talons aiguilles, habillées très chic, conduire ces motos. Il n’est pas rare de voir quatre à cinq personnes sur un scooter soit par exemple, les deux parents avec trois enfants, mais même aussi quatre adultes. Les enfants sont très à l’aise sur ces engins, on constate qu’ils en ont fait l’apprentissage dès leur jeune âge. Les motos servent aux activités quotidiennes : se rendre au travail, faire l’épicerie, etc. Les gens transportent un peu tout en moto, même des portes! D’autres motos servent de taxi. Nous en avons fait l’expérience, « side by side » comme ils disent. Les conducteurs sont prudents et ils savent se débrouiller dans la circulation intense. Il n’y a que quelques filles qui conduisent des motos taxis. En général, les « motorbikes » (mot pour désigner les motos taxis) sont moins dispendieux que les voitures taxis et plus chers que les « cyclos ». Ceux-ci sont un autre moyen de transport au Viêt Nam. Ce sont ces bicyclettes, avec à l’avant, un siège pour une ou deux personnes. Nous en avons vus qui servent à des fins personnelles pour transporter un peu n’importe quoi. Ces cyclos sont des taxis pour de courtes distances. En Inde on les appelle les rikshaws mais, ici au Viêt Nam, ce sont des cyclos. J’ai (Jeanne-Mance) préféré ceux du Viêt Nam car nous sommes assis en avant du chauffeur, ce qui nous permet de mieux voir le paysage, alors qu’en Inde nous sommes derrière le chauffeur. Par ailleurs, nous ne savons pas s’il est plus facile pour le chauffeur de pousser le cyclo que de le tirer. Le dernier moyen de transport est évidemment la voiture qui sert également de taxi pour habituellement de plus longues distances. Il reste aussi la traditionnelle bicyclette. Voilà donc les 4 moyens pour se déplacer : la bicyclette, la moto, le cyclo et le taxi tout en n’oubliant pas la marche. Ces quatre moyens se partagent la route dans un respect des uns et des autres.
Nous avons appris que pour traverser une rue, il ne faut pas hésiter, y aller d’un pas ferme. Si nous attendons soit la lumière verte ou soit qu’ils nous laissent passer, c'est peine perdue. Une fois engagés sur la route, on fait attention aux piétons, mais il ne faut pas hésiter. Alors nous nous disions « OK, on y va! » et cela d’un pas énergique. Même qu’une fois, en cours de route j’ai (Jeanne-Mance) pris le bras d’une Vietnamienne pour m’aider à traverser une grande artère. Elle a trouvé cela à la fois surprenant et très drôle…super sympathique ! Une autre fois, voyant mon hésitation devant le trafic intense, c’est un Vietnamien qui m’a (Gilles) carrément pris la main pour me faire traverser la rue. C’est dire qu’il faut regarder certains gestes comme ceux-là avec d’autres yeux qu’un regard usuel d’Occidentaux…
Comme en Inde, les conducteurs de cyclos sont parfois des gens qui ne savent ni lire ni écrire et cela nous amène dans de drôles de situation. Par exemple, nous présentons l’endroit où nous voulons aller avec l’aide d’une carte d’affaire ou d’une carte géographique. On nous dit « OK, OK ». On demande combien, on s’entend sur un prix, par exemple 50 000 Dongs, et hop, nous sommes partis! Mais en cours de route, on se rend compte qu’il ne sait pas vraiment où se rendre. À quelques reprises, il demande à quelqu’un sur la rue l’adresse en lui montrant la carte. Les gens répondent toujours gentiment. Au début, nous étions un peu inquiets mais très vite on a compris le système. Et une fois rendus sur place, alors là, ce n’est plus le même prix, mais nous restons fermes sur l’entente. Le Lonely Planet nous met en garde concernant ce stratagème qui, dans les faits, nous comprenons bien, cela représente une stratégie de survie. Nous avons rencontré un père de famille avec une femme et trois enfants dont le seul revenu était celui provenant du service de cyclo. Il faut dire que le revenu moyen de plusieurs personnes est relativement faible, soit environ 50$US par mois pour les gens qui travaillent en usine (C’est déjà par ailleurs, un peu plus qu’au Laos où cela représente le salaire d’un professionnel comme un médecin, donc beaucoup moindre pour les autres).
Quand on veut visiter un temple ou tout autre endroit, on nous offre de nous attendre, ce qui peut parfois durer une heure ou deux. Nous n’avons pas encore eu de problème à nous rendre là où nous voulions aller, à chaque fois, les conducteurs (motobikes et cyclos) nous ont conduits à bon port et nous attendaient patiemment.

HÀ NÔI
Hà Nô
i est la capitale du Viêt Nam avec une population de 3.5 millions d’habitants. C’est une ville qui bouge, qui a une vie nocturne active, qui frétille de toutes sortes d’activités, qui est palpitante et qui, en même temps inspire la paix, la tranquillité avec en plein cœur de Hà Nôi, le magnifique lac Hoan Kiem qui mène au temple Noc Son sur une ile.
Aussitôt arrivés (17 heures), nous nous sommes mis à la recherche du spectacle des Water Puppets, une spécialité du Viêt Nam. Ce sont des marionnettes manipulées dans l’eau. Cette forme d’art existe depuis le X1e siècle et le Viêt Nam est reconnu partout dans le monde pour cette performance. Le spectacle relate des scènes de la vie quotidienne des Vietnamiens. Les musiciens sont sur scène et ce sont eux qui donnent les répliques des personnages par des voix et surtout à l’aide de leurs instruments. Très joli spectacle.
Il faut dire que l’hôtel où nous logions était situé tout prêt. Il est plutôt rare jusqu’à maintenant que nous avons fait la publicité d’un hôtel, mais à Hâ Noi, nous vous recommandons le Democracy Hotel. Il y a là un personnel jeune, souriant, disponible, accueillant, qui nous fait nous sentir comme chez nous dès le premier instant. Nous avons trouvé des billets pour le spectacle de marionnettes très facilement. Un moment à ne pas manquer à Hà Nôi est la visite du mausolée de Ho Chi Minh, le fondateur du Parti communiste vietnamien qui a dirigé la lutte pour l’indépendance du pays contre la France et qui a été président de la République démocratique du Viêt Nam de 1946 à 1969. Tout d’abord, c’est dans un silence presqu’insupportable que nous devons traverser de grands corridors, guidés par des gendarmes, pour nous rendre au mausolée. L’atmosphère y est presque religieuse avec peu de lumière. On circule autour du tombeau par groupe. Cela ne dure que cinq minutes, mais quel moment! Pour ma part (Jeanne-Mance), j’ai été très impressionnée de saluer un si grand homme que les Vietnamiens considèrent comme l’homme qui a conduit le Viêt Nam à l’indépendance. Dans le parc juste à côté, nous pouvons voir les appartements (chambre, salon, salle de travail) où Ho Chi Minh a vécu de manière très modeste.
Par la suite, nous sommes arrêtés à la One Pillar Pagoda construite par un empereur en 1028, nous sommes en 2007 (je vous laisse faire le décompte). Elle est construite en bois sur une simple pierre de 1,25 m de diamètre qui sert de pilier. Puis, nous avons par hasard connu Hoang et son frère Thang qui nous ont offert leur service comme « motos-taxis » en « side by side ». Hoang avait sur lui un petit carnet avec plein de commentaires fort positifs de touristes venant de divers pays, ce qui inspirait confiance. Ils nous ont donc conduits aux différents musées en attentant après nous à chaque fois.
Le musée de l’ethnologie rend un hommage aux plus de 50 différentes ethnies qui composent le Viêt Nam. C’est un musée à voir même s’il n’est pas exceptionnel; il peut nous faire penser au musée de la Civilisation à Ottawa notamment la section sur les premières nations. Quand on est sortis du musée, nous nous sommes fait la réflexion suivante : il est difficile de connaître un pays tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas en contact avec les différentes cultures de ce pays. Notre connaissance d’un pays ne peut que demeurer que très partielle. J’(Gilles) avais lu que la Laos est composé d’un très grand nombre d’ethnies différentes, mais ce musée m’a fait réaliser l’ampleur de la complexité apportée par la multiplicité ethnique dans un pays, même s’il est relativement petit. Ce lieu est convoité par les mariés qui viennent pour des photos.
Le musée des femmes est dédié aux femmes pour souligner leur contribution lors de l’Américan War. Un guide nous a dit que sans la participation des femmes, jamais la guerre contre l’invasion par les États-Unis n’aurait été gagnée. Elles ont particulièrement servi d’espionne tout au long de la guerre. Elles travaillaient dans les restaurants, les bars, écoutaient les conversations des soldats américains quand elles ne s’en faisaient pas des «amis» pour soutirer de l’information. Les prostituées notamment, ont servi d’espionnes pour aider leur pays. Le musée fait ressortir par exemple que les femmes avaient, en-dessous du miroir des documents secrets, que leurs brassières avaient des doublures pour des documents et que leurs vêtements avaient de larges coutures doubles où étaient cachées des documents. D’autres femmes étaient sur le champ de bataille ou servaient comme infirmières. Durant cette guerre, autant les hommes que les femmes ont mis leur vie en danger. Cependant, il est plutôt rare de voir un musée dédié à la participation des femmes à la guerre. La plupart du temps on axe sur celle des hommes à la guerre.
Le contact chaleureux avec Hoang et Thang m’(Gilles) a amené à leur demander une entrevue sur la réalité des hommes au Viêt Nam. La conversation à ce sujet a été un peu complexe, compte-tenu que leur anglais demeure très limité. Hoang a appelé sa conjointe qui a servi d’interprète par téléphone interposé. Il a décliné mais m’a présenté à un de ses amis, Pham Tong Dat, qui enseigne l’anglais à l’université. Celui-ci s’est montré très ouvert et m’a invité chez lui. En fait, il avait un cours à 17h00 avec huit étudiants et étudiantes de baccalauréat. Le cours a servi pour eux de pratique d’anglais en discutant des relations entre les hommes et les femmes au Viêt Nam. Ainsi, pendant deux heures, j’ai pu savoir ce que des jeunes homme (il n’y en avait qu’un) et femmes pensent de la situation des hommes et des femmes dans leur pays. Le Professeur Dat est très gentil. Il est habitué de collaborer avec des chercheurs étrangers. Une revue américaine a d’ailleurs fait un reportage sur lui et sa famille. Les cours ont lieu dans sa demeure. C’est très sympathique. Bref, cela a été un moment assez inoubliable!

Le lendemain, nous avons pris un tour sur la Baie de Ha Long. Malheureusement, la journée était brumeuse et cela ne nous a pas permis de prendre des photos qui rendent justice à cette magnificence. Plus de 3000 îles de roches qui émergent de l’eau. Incroyable! Certaines d’entre elles sont dotées de grottes. Nous en avons visitées quelques unes. Dans la partie d’Ha Long Bay que nous avons visitée, nous y avons rencontré des marchés flottants de fruits et de poissons. Un village flottant habite 500 personnes qui ainsi vivent sur l’eau. Il y a même une école fréquentée par les enfants du village flottant. Nous n’avons pu visiter la culture de perles située dans cette baie (dommage! ce sera pour un autre voyage...). Le repas sur le bateau était délicieux et le contact avec la jeune vendeuse fort était sympathique.




HUÉ
Hué est une ancienne ville impériale. Une partie de la ville est occupée par une citadelle où étaient les quartiers généraux de l’empereur. C’est un site immense. De beaux monuments et édifices dont certains ont été rénovés et la rénovation est en cours pour les autres. En entrant dans la citadelle, on y voit le palais impérial.
Un moment important de notre séjour dans cette ville est sans contredit la visite de la zone démilitarisée. Entre autre, le tunnel Vinh Moc est un témoignage de la détermination des Nords-vietnamiens durant l’American War. C’était la première fois que nous entendions parler de cette guerre en la nommant American War et non la guerre du Viêt Nam. Quand on met les événements en perspective ils prennent un autre sens…Ce tunnel a été construit en 1966. Pendant 20 mois, les Nord-vietnamiens ont creusé ces tunnels divisés en 3 planchers qui s’étendent sur une profondeur entre cinq à 12 pieds. Pendant six ans, 300 personnes (50 familles) sont demeurées dans ce tunnel. On y retrouvait une cuisine, une salle d’accouchement, des chambres pour les familles, un centre de santé, etc. Vous pouvez voir sur la photo ci-jointe la composition du tunnel. Dix-sept enfants sont nés à l’intérieur du tunnel (voir photo). À vivre tant d’années dans un tunnel à peine éclairé, plusieurs personnes sont restées avec des séquelles importantes et particulièrement les enfants qui aujourd’hui ont 30-40 ans. Avec cette visite, était jumelée celle du Musée de l’Américan War.
Pendant que Gilles préparait son texte pour la formation au Cambodge, j’ai (Jeanne-mance) visité la Tu Dam Pagoda qui date de 1695 créée par un moine chinois. L’intérêt de cette pagode réside particulièrement dans le fait qu’elle a été le lieu où s’est établie l’association bouddhiste vietnamienne unifiée en 1961. On nous rappelle, dans cette pagode, un événement qui s’est passé en 1963. Un moine en signe de protestation contre les politiques en faveur de la guerre, s’est immolé sur la place publique. On expose la voiture dans laquelle il est arrivé dans la ville. J’ (Jeanne-Mance) ai également fait la visite d’une Maison de Jardins. J’ai vu un arbre qui produit la cannelle, un figuier, un arbre de papaye, un arbre qui produit le fruit du dragon. Ce lieu est habité par des gens qui se font un plaisir de nous faire faire le tour de leurs jardins.
À Hué, je (Jeanne-Mance) me suis fait confectionner un costume. Quelle habilité ont ces femmes pour la couture! À midi, elle prenait mes mesures et à 21 heures, le costume était prêt avec une seule petite retouche à faire, ce qui a été fait sur le champ.

HO CHI MINH CITY (SAI GON)
Originellement, cette ville s’appelait Saigon. En 1975, son nom a été changé pour celui de Ho Chi Minh City en signe de reconnaissance pour le feu président du même nom. On sent que plusieurs habitants ce cette ville éprouvent un certain regret de telle sorte qu’ils utilisent toujours le nom de Saigon. Elle se compose de huit millions d’habitants selon un guide, soit environ 10% de la population du Viêt Nam. C’est une ville florissante, qui ressemble à un peu n’importe quelle grande ville. Un soir, nous soupions au 9e étage d’un hôtel. De haut, on y voyait la ville. On ne se serait pas cru au Viêt Nam : grands édifices très illuminés, circulation intense, beaux parcs, grands néons de publicité, bref, on aurait pu être n’importe où. Cependant, ce qui fait la différence, c’est la chaleur humaine des Vietnamiens. On se sentait vraiment bien et on se disait combien on aurait de difficultés à revenir dans notre petit quotidien!
En arrivant à HCMC, je (Gilles) devais terminer de lire et commenter un chapitre de livre et expédier le tout dans la journée. Comme nous sommes 12 heures en avance, cela m’a permis que mes réactions entre à temps voulu. Puis j’(Gilles) ai tenté de rejoindre Care Ho Chi Minh City, qui a déjà eu un projet fort intéressant pour mobiliser les hommes dans la lutte contre le SIDA. Malheureusement, ce projet est terminé mais j’ai quand même pu avoir une entrevue avec un guide Vietnamien qui parlait suffisamment bien l’anglais pour me parler de la situation des hommes au Viêt Nam. Il s’agit d’un type assez exceptionnel, un portrait de ce que représente la résilience. Il est issu d’une famille sino-vietnamienne, soit le groupe qui a subit le plus la répression à la fin des années 70, dont plusieurs se sont enfuis du pays et qu’on a appelé les Boat People, à la base de la majorité des Vietnamiens qui vivent au Québec. La famille de cet homme, sept enfants plus les parents, était beaucoup trop pauvre pour payer un passeur et penser quitter le pays. Ces années ont été pour ces gens une période d’extrême pauvreté dont les souvenirs demeurent amers. Aujourd’hui, toute la famille s’en est bien sortie fort heureusement.
Pendant ce temps, Jeanne-Mance a suivi un cours de cuisine vietnamienne. On pourra donc tous goûter à de la bouffe vietnamienne au retour. Elle s’est procuré le tablier et les mitaines ainsi que le petit livre de recettes. Bref, tout ce qu’il faut, ou presque, pour faire de la bonne cuisine…



Nous avons navigué dans le Delta du Mekong. Bel endroit qui a beaucoup servi à déjouer l’armée américaine lors de l’American War. À certains endroits, les canaux sont très étroits et comportent de nombreuses ramifications. De plus, la végétation sur les îles est très dense. Bref, un bel endroit pour déjouer les troupes ennemies pour des gens qui connaissent bien la région. Il faut dire que les ethnies locales ont été très impliquées dans le soutien à la guérilla. Sur la section du delta que nous avons visitée, il y a quatre îles importantes et la visite de l’une d’elle nous a permis de découvrir le village de « coconut candy ». En fait, on nous a montré comment, à partir de la noix de coco, on peut fabriquer des bonbons au coconut….délicieux! Évidemment, on en acheté une petite réserve.
Pour ma part (Jeanne-Mance), je suis allée voir le Palais de la réunification pendant que Gilles allait voir le tunnel de Cu Chi. Ce palais est le symbole de la libération et de la réunification du Viêt Nam. C’est là que le 30 avril 1975, un soldat vietnamien est entré en courant avec le drapeau du Viêt Nam pour proclamer la défaite des États-Unis et la victoire du peuple vietnamien. Une exposition dans ce palais nous montre une belle photo du soldat qui court au deuxième plancher avec le drapeau au bout du bras. Aujourd’hui, cet édifice sert pour des réceptions officielles du gouvernement ou des rencontres politiques du Parti communiste.
Les tunnels de Cu Chi sur certains aspects ressemblent à ceux de la zone démilitarisée. Des familles entières y vivaient. Cependant, c’est aussi là que se tenait le quartier général des Viet Congs. On y voit toute l’ingéniosité des Vietnamiens pour vaincre une armée puissante avec peu de moyens. Les débris des bombes américaines étaient récupérés pour fabriquer de petites bombes. Les soldats américains morts étaient dépouillés de leurs uniformes que les Vietnamiens mettaient par la suite pour tromper les soldats ennemis. L’armée américaine avait même des chiens pour tenter de trouver où se cachaient les Vietnamiens mais ceux-ci les ont déjoués en volant des barres de savon de telle sorte qu’ils avaient alors la même odeur que les Américains. Les tunnels, longs de plus de 200 km étaient construits de manière très ingénieuse. Plus encore, comme les Américains avaient identifié que le commandement vietnamien se trouvait dans le coin de Cu Chi, ils ont construit un camp à proximité, sans savoir qu’en fait, le camp était construit par-dessus les tunnels. Ainsi, il était facile pour les Vietnamiens, la nuit tombée, de semer la pagaille dans les rangs ennemis, ceux-ci tirant vers l’extérieur du camp croyant que l’ennemi arrivait de ce côté, alors qu’en fait, les tireurs vietnamiens étaient en plein milieu du camp! On voit aussi quelques photos des effets de l’agent orange tant utilisé au cours de cette guerre qui fait en sorte que plusieurs Vietnamiens vivent actuellement avec un handicap important. Mais les Vietnamiens demeurent discrets sur tous les effets néfastes, tant l’agent orange que les bombes au napalm. Ils répondent toujours vaguement lorsqu’on leur demande comment ils se sentent par rapport aux États-Unis. Officiellement, la page est tournée et c’est le temps de la réconciliation. Mais, on sent quand même, sans qu’aucun mot ne soit dit, une souffrance qui reste, qui a marqué un peuple. Il faut dire que cette guerre a duré 21 ans, soit de 1954 à 1975 et que des centaines de millions de bombes sont tombées sur le Viêt Nam. Mais peut-être aussi n’est-ce là que mon (Gilles) interprétation. Cela reste à voir. Chose certaine, c’est un peuple impressionnant par son ingéniosité et sa capacité de reconstruction tout comme sa force du pardon.

Commentaires généraux sur la situation des hommes au Viêt Nam
Encore une fois, nous tenons à nuancer considérablement nos commentaires. Nous n’avons visité essentiellement que trois grandes villes, nos contacts avec la campagne vietnamienne n’ont été presqu’essentiellement à partir de ce qu’on voyait en circulant en autobus ou en bateau. Or, 80% de la population vietnamienne est paysanne. Plusieurs ont noté que la situation est très différente entre la ville et la campagne, les paysans ayant souvent des valeurs beaucoup plus traditionnelles, notamment quant aux rôles de genre (Long, Hung, Truitt, Phuong Mai & Anh, 2000). De plus, comme on le soulignait dans la partie sur le musée de l’ethnologie, nous n’avons pas vraiment été en contact avec les minorités ethniques, sinon lors de passages en autobus. Par exemple, dans la région où était la zone démilitarisée, on retrouve une minorité laotienne dans quelques villages ruraux (les maisons ressemblent beaucoup aux maisons traditionnelles au Laos) au sein de laquelle les garçons se marient à 15 ans et les filles à 13-14 ans. Ces couples ont des familles de 8 à 10 enfants. On comprend que la vie pour eux se passe sans doute bien différemment que pour la majorité vietnamienne dont les couples se marient plus vieux et ont maintenant plus souvent de petites familles (2 ou 3 enfants). Cela joue considérablement sur les rôles joués par les hommes et les femmes. Enfin, notre séjour a été limité (12 jours seulement) avec seulement quelques entrevues. Cependant, j’(Gilles) ai pu mettre la main sur quelques textes fort intéressants qui alimentent la réflexion.

Rapidement, nous avons remarqué que les femmes sont très présentes au Viêt Nam. On les voit partout, autant que les hommes. Certains domaines sont nettement plus masculins, comme chauffeurs de taxi, de « motobike » ou de « cyclo » ou encore comme policiers, mais les femmes sont un peu plus présentes que les hommes dans les boutiques et magasins alors qu’ils et elles se retrouvent en nombre comparable et faisant sensiblement les même tâches dans les restaurants et les hôtels. De plus, les femmes sont aussi très affirmatives et viennent à nous tout autant que les hommes. Sur le plan des lois, l’égalité est reconnue comme un principe depuis 1946 (Harris, 2007), notamment les femmes ont droit au même salaire que les hommes. Une loi interdit la violence conjugale depuis 1986 (Harris, 2007), soit avant même celle du Québec. De plus, le Parti communiste a toujours favorisé le développement d’organismes pour les femmes. Le rapport de Dong et al. (2000) rappelle que la participation des femmes à la guerre de même que les positions politiques du Parti communiste ont fait en sorte que les femmes ont occupé une place importante à plusieurs niveaux, dont sur le plan de la représentation politique.
Cependant, ce même rapport identifie que la politique de la Doi Moi, soit l’ouverture à l’économie de marché, a eu des effets positifs sur le développement économique (surtout) des villes mais que depuis, l’écart entre la ville et la campagne s’est agrandi et que la situation des femmes a régressé, notamment dans les villages où les valeurs traditionnelles concernant les rôles de genre seraient, semble-t-il, de retour comme d’ailleurs, le nombre de femmes en politique aurait aussi décliné de manière importante et la scolarisation des filles aurait régressé dans les campagnes. À l’opposé, dans les villes, surtout à Ho Chi Minh City, les femmes se retrouvent plus souvent sur le marché du travail et avec plus de partage des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. Il semble que les campagnes sur l’engagement paternel auraient marqué des pas importants dans les villes de telle sorte qu’on a pu voir à plusieurs reprises des pères s’occuper de leurs enfants. Peut-on faire le lien avec le peu de travail qui a été fait auprès des hommes ? Cela reste à voir. Harris (2007) identifie notamment que plusieurs valeurs patriarcales n’ont pas été questionnées notamment dans le travail auprès des hommes, qui, il faut dire, aurait été négligé. Par exemple, le crédit demeurerait difficile d’accès pour les femmes, les familles continueraient à valoriser davantage la naissance de garçons que de filles, un peu comme dans plusieurs pays d’Asie, tout comme la scolarisation des filles qui demeurerait encore moins valorisée que celle des garçons. Bref, dans les faits, il semble bien que les femmes demeurent encore au deuxième plan, même si la situation semble mieux que dans d’autres pays. Par ailleurs, les valeurs traditionnelles demeurent, semble-t-il, présentes aussi sur le plan de la violence familiale, notamment la conception qu’un père doit corriger physiquement son fils pour « bien » l’élever (Rydstrom, 2000), de même qu’en ce qui concerne la violence conjugale (Harris, 2007).
Harris (207), tout comme le Lonely Planet, précise que même si l’homosexualité demeure illégale au Viêt Nam, il n’en demeure pas moins qu’elle est de plus en plus visible dans les grandes villes. Par exemple, il semble qu’Ho Chi Minh City aurait tout un réseau de bars et restaurants s’adressant à la clientèle gaie. Signe que les temps changent, j’ (Gilles) ai vu un panneau publicitaire (comme on en a chez nous) s’adressant spécifiquement aux gais dans la lutte contre le VIH et le SIDA.
Un peu comme en Inde et au Laos, beaucoup d’hommes fument. Il semble qu’il soit mal vu qu’une femme fume la cigarette, donc on en voit très peu, alors qu’on voit plusieurs fumeurs. Il semble aussi qu’il y ait une croissance du problème de jeu compulsif chez les hommes.
Care Ho Chi Minh City avait développé un projet intéressant dans la lutte contre le VIH et le SIDA, le Men to Know Project, qui, au lieu de considérer les hommes comme les grands responsables de tous les maux, les approchaient sur une base positive en s’appuyant sur leur rôle traditionnel de protecteur de la famille (Quang, 2000). Le projet questionnait les perceptions des rôles hommes-femmes, le partage des tâches, aussi bien que les comportements à risque. Il semble que le projet a reçu une ouverture fort intéressante et qu’il apportait des changements importants dans la famille. Malheureusement, il n’est plus financé depuis 2005. Harris (2007) soulignait, dans sa présentation au colloque de l’AMSA, l’importance de développer un travail communautaire sur le terrain si on veut vraiment changer les choses dans la vie quotidienne et non seulement travailler sur le plan politique. Il semble bien que l’histoire du Viêt Nam sur ce plan le confirme. C’est l’un des pays qui a avancé le plus rapidement sur le plan de l’égalité de droits pour les femmes, mais cette égalité tarde, semble-t-il, à se transformer dans les faits au sein des familles, notamment dans les campagnes.
Ici aussi, on sent de plus en plus une occidentalisation. Le téléphone cellulaire, de même qu’Internet sont très présents. De plus, chez les hommes, on sent une valorisation du corps musclé. Par exemple, à quelques reprises, des jeunes hommes vietnamiens m’ (Gilles) ont pris le bras pour me dire qu’ils me trouvaient musclé (et je ne le suis pas beaucoup il me semble, mais à côté d’un petit homme vietnamien, je le suis…). La situation est plus marquée à Ho Chi Minh City qui prend l’allure d’une ville occidentale.

Impressions sur des touristes
Quand on voyage, on constate des aberrations de la part de certains et certaines touristes. Depuis le début de notre voyage, nous tentons de développer un tourisme responsable et respectueux. Parfois certaines attitudes de tourismes nous invitent à la prudence en espérant que nous ne reproduisons pas ces mêmes façons de faire. Nous avons le devoir, comme touristes ou comme voyageurs, d’être de bons ambassadeurs de notre pays. Nous aimerions ici rapporter quelques faits qui nous on fait réagir. Par exemple, lors du vol vers Luang Prabang en provenance de Chang Mai, il y avait une jeune fille qui portait une blouse, que l’on appelait dans les années 70, une blouse indienne, cette blouse blanche un peu transparente avec une brassière noire et une paire de petites culottes en dessous, donc sans bermuda ou pantalon. Évidemment, tout le monde la regardait. Le personnel de l’aéroport était quelque peu intimidé, d’autant plus que tous les guides touristiques sur la Laos parlent de l’importance de respecter les traditions de ce peuple, notamment que c’est un peu prude où on ne porte par de shorts par exemple. Nous attendions nos bagages et je me disais (Jeanne-Mance) : « Je vais lui parler, cela n’a pas d’allure ». Alors n’écoutant que mon courage et ma détermination, je m’approche de la jeune fille en question. D’abord, je lui demande si elle parle anglais et elle me répond oui. « J’ai quelque chose à vous dire, je trouve que la manière dont vous êtes habillée n’est pas très respectueuse pour le peuple laotien et pour nous. Je ne sais pas si vous avez lu sur le Laos, mais ce n’est pas dans leur coutume. (elle me répond non). Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire et merci ». Quelques minutes plus tard, elle portait des pantalons.
Un autre exemple, cette fois-ci à la poste à Hué. Un Américain envoyait un paquet dans son pays. La pratique est que les personnes responsables du courrier international ouvrent tous les paquets, vérifient le contenu de chacun d’eux; c’est long. Il faut penser que nous sommes ici dans un pays communiste. Alors notre Américain s’impatiente en voyant que la jeune fille ouvre la boîte dans laquelle était la belle cravate pour son père ou son beau-frère…! Il crie à la jeune fille « It’s a tie », en faisant le geste. J’étais très choquée de ce ton, alors je lui dis « Nous sommes dans un pays du Tiers Monde, cela demande un peu de patience ». Il s’est calmé.
Une Française au mausolée de Ho Chi Minh avait réussi à passer sa caméra malgré les mesures de sécurité. Un gardien, en vietnamien lui dit probablement « vous devez aller porter votre caméra à la consigne tel qu’il est indiqué ». Indignée, la Française lui dit
« Je parle Français, monsieur, parlez-moi en Français ». Je m’en veux encore de ne pas lui avoir répondu.
Pire, dans l’un des musées sur l’American War, un Américain avait écrit dans le « Guest Book » que si on voulait entendre LA vérité sur cette guerre, il fallait aller aux USA. Je (Gilles) n’ai pas pu m’empêcher d’écrire une réplique en soulignant qu’il n’y pas qu’une seule vérité et que celle des USA ne constitue certes pas LA vérité, qu’il y avait ici suffisamment d’effets visibles pour comprendre qu’une guerre comme celle-là est une horreur et que, malheureusement, les USA ne semble pas avoir compris puisqu’ils récidivent avec l’Irak. Un Espagnol qui était à côté de moi m’a félicité pour mon commentaire! J’étais quand même impressionné du front qu’avait eu cet homme d’arriver dans un pays qui, jadis, a été envahi par son propre pays et d’oser « cracher » ainsi sur ce peuple à nouveau, sans aucun égard.

Nous ne portons pas de jugement sur ces attitudes; parfois c’est simplement une question d’ignorance, parfois de la fatigue accumulée, de l’impatience ou tout simplement un moment d’agressivité et que ces personnes en dehors de ces situations sont probablement tout à fait charmantes. Nous soulignons ces faits, d’abord pour nous, en espérant que quelqu’un nous interpellera si nous agissons de la sorte et aussi pour montrer comment nos attitudes, même si elles sont involontaires, peuvent choquer inconsciemment. C’est parfois difficile de garder son sang froid et son calme quand pendant les cinq premières minutes à prendre un café dans un restaurant, nous sommes sollicités par huit vendeurs (de lunettes, de briquets, de hamacs, de copies de Lonely Planet, de parfums, de bijoux, de journaux), tout aussi insistants les uns que les autres. Mais encore une fois, ce sont des stratégies de survie de gens très pauvres. Mais aussi, est-ce que nous nous permettrions d’être aussi exigeants et agressifs dans un pays développé? Ce n’est pas certain, on aurait des chances de se faire mettre à notre place assez vite alors que dans les pays moins développés, le tourisme est tellement important pour la survie, que plusieurs commentaires inacceptables de touristes sont tolérés.

En conclusion, nous voulons remercier particulièrement le personnel du Democracy Hotel à Hà Nôi, le professeur Pham Tong Dat et son groupe d’étudiants, Hoang et Thang nos « motorbikes » de Hà Nôi, et Andy de Ho Chi Minh City. Nous voulons souligner le courage, l’ingéniosité et la détermination du peuple vietnamien qui a eu raison de l’impérialisme américain (ce n’est pas rien) après avoir lourdement conquis son indépendance de la France.

Références
Harris, J.D. (2007). A Good Husband Does Not Feed His Wife Sweets. Power point presenté à l’American Men Studies Association Conference, Kansas City.
Harris, J.D. (2007). Gender in Vietnam: The Importance of Men’s Studies. Texte non publié remis par l’auteur.
Long, L.D., Hung, L.N., Truitt, A., Phuong Mai, L.T. & Anh, D.N. (2000). Changing Gender Relations in Vietnam’s Post Doi Moi Era. Policy Research Report on Gender and Development Work Paper Series (14). The World Bank Development Research Group - Poverty Reduction and Economic Management Network.
United Nations Population Fund (UNFPA) (2007). New “Common Sense”: Family-Planning Policy and Sex Ratio in Viet Nam – Executive summary. 4th Pacific Asia Conference on Reproductive and Sexual Health and Rights. October 2007. Hiderabad, India. Disponible sur Internet.
Quang, M.N. (2000). In VietNam in the know take responsibility to stop HIV/AIDS. International Conference AIDS, July 9-13. Abstract WePeD4650. Disponible sur Internet.
Rydstrom, H. (2006). Masculinity and Punishment. Childhood, 13 (3) 329-348.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi aussi je te trouve musclé,Gilles!!!Curieux de ne pas te voir conduire un vélo,J Mance.Y a beaucoup de monde la bas !!
Bonne Année a vous 2 xxxxlyse et bob......

Dodo a dit…

Bonjour à vous deux,
J'ai écrit un premier message mais ça n'a pas eu l'air de fonctinner, alors, si vous recevez les deux, ce n'est pas du Alzheimer...
Quel beau voyage vous faites! J'ai bien du plaisir à vous lire. C'est enrichissant et bon pour ma culture ! Jeanne-Mance je pense beaucoup à toi, surtout pendant cette belle période des Fêtes ou il y a des décorations partout. Je sais que tu adorais ça. Je vais bien, je travaille fort au bureau car je remplace Hélène qui est partie à sa retraite. J'espère qu'elle se trouvera quelqu'un d'autre bientôt, pas assez forte pour survivre à se traitement... Je suis en vacances pour la période des Fêtes, Dieu que ça fait du bien! Je n'ai pas le verbe aussi facile que vous deux, mais Jeanne-Mance je te garde dans mes pensées et je voyage avec toi. Gros câlins.

Anonyme a dit…

Décidément Jeanne-Mance, tu m'étonneras toujours : Avoir le courage, ou plutôt le "front" de dire à la tourisme que ses "dessous" étaient de mauvais goût. Toutefois, ce n'est pas une première puisque, si tu te souviens bien Jeanne-Mance, t'es aussi intervenue dans une situation à peu près semblable à la Cafétériat du "Joffre". Assurément, habillez vous convenablement...Jeanne-Mance y voit de près.

Bravo pour ton courage.