mardi 21 juillet 2009

Suède et Norvège

Suède et Norvège

Quelques clarifications s’imposent pour commencer. On parle souvent des pays Nordiques pour parler en fait de cinq pays qui se trouvent au Nord de l’Europe : le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège et l’Islande. Ces cinq pays partagent plusieurs points en commun et ont établi plusieurs ententes entre eux au sein du Conseil Nordique. Parler des pays Nordiques est différent de parler de la Scandinavie qui comprend essentiellement le Danemark, la Suède et la Norvège. Ces trois pays diffèrent sur plusieurs aspects des autres pays Nordiques. D’abord, l’origine ethnique et la langue parlée en Finlande sont davantage d’origine russo-hongroise et se rapprochent de certains pays voisins à l’est comme la Latvie et l’Estonie alors que la Norvège et la Suède ont développé des langues issues du Danois, trois pays dont le peuple d’origine était les Vikings. Les habitants de ces trois pays peuvent facilement se comprendre, ce qui n’est pas le cas de la Finlande. La Suède, le Danemark et la Finlande font partie de l’Union européenne et l’Islande est en démarche pour le devenir alors que ce n’est pas le cas pour la Norvège. En fait, les Norvégiens tiennent farouchement à leur indépendance envers l’Europe. Il y a eu deux référendums sur le sujet et, à chaque fois, la population s’est prononcée largement contre l’adhésion à l’Union européenne. Ce sont tous des pays relativement peu peuplés. L’Islande, le plus petit pays parmi eux ne comptait qu’environ 300 000 habitants en 2006 (Wikipédia), soit moins que la population de la ville de Québec. Par ailleurs, sur le plan géographique, le sud de ces pays correspond à peu près au Nunavuk. Juste pour donner une idée, Bergen qui est dans la partie sud de la Norvège se situe juste au-dessus du 60e parallèle soit environ à la hauteur d’Inukjuak. Donc, la partie la plus au nord de ces pays se situe dans le cercle polaire. Comme nous y sommes quelques jours à peine après le solstice d’été, c’est dire que le soleil ne se couche pratiquement jamais. C’est une période qui s’étend de la mi-mai à la mi-juillet.

La participation au congrès à Göteborg nous ouvrait aussi la possibilité de renouer avec le type de périple que nous avions fait il y a un an, mais en beaucoup plus court. Une période de deux semaines nous semblait courte, mais quand même intéressante. Les pays nordiques offrent un attrait particulier, surtout lorsqu’on s’intéresse aux questions relatives aux genres. De tout temps, ils arrivent en tête de liste selon l’ONU pour les mesures en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. La social-démocratie étant très présente depuis plusieurs années fait en sorte que souvent leurs mesures sociales sont prises comme des modèles. Par exemple, le programme de congé parental en place depuis quelques années au Québec s’est largement inspiré du modèle norvégien. Actuellement, le congé parental québécois, plus généreux que le programme canadien, prévoit un congé de maternité et en parallèle un congé de paternité (de 5 à 8 semaines), suivi d’un congé parental qui peut être pris par l’un ou l’autre des deux parents ou divisé entre eux.

La Suède
La Suède est le plus populeux des pays Nordiques avec près de 9,2 millions d’habitants dont les ¾ vivent dans le sud du pays.


Göteborg
Nous sommes d’abord atterris à Göteborg, la deuxième plus grande ville du pays. Nous avons eu un vol un peu long. Le trajet impliquait un court arrêt à Toronto puis un deuxième à Frankfurt en Allemagne avant d’arriver à Göteborg, notre premier arrêt. Cependant, nous avons manqué le vol prévu à Frankfurt, ce qui nous a obligés à passer quatre heures d’attente pour le vol suivant qui lui-même est parti une heure en retard. Bref, nous sommes arrivés à l’hôtel Gothia à Göteborg vers 16h00, soit environ 24 heures (incluant le décalage horaire) après notre départ de Québec. Gilles a pris rapidement une douche et s’est changé pour aller au congrès de la Word Association of Sexual Health où la partie discutée de son poster avait lieu dans les minutes qui suivaient. Pour Gilles, d’ailleurs, le temps passé à Göteborg a été essentiellement centré sur le congrès, congrès intéressant par ailleurs, notamment en matière de santé des hommes.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance en a profité pour faire un tour de ville, notamment de la vieille partie de la ville. Comme il lui arrivait très souvent pendant le long voyage, elle se promenait seule dans les villes, à contempler les gens et leur mode de vie. Bien sûr, comme ce sont des pays industrialisés et développés, l’exotisme est moins grand. À la fin de la journée, elle a profité d’un petit tour sur les canaux de la rivière. Quand même, elle a osé monter dans une tour de 86 mètres, la Lilla Bommen qui lui a donné une vue panoramique sur la ville de Göteborg. Ce n’est pas très haut pour la plupart des gens, mais pour elle. qui a le vertige, c’est un exploit.

La veille du départ de Göteberg, nous avons soupé avec Robert Heasley, le président de l’American Men’s Studies Association qui fera aussi partie du réseau international que Gilles tente de mettre sur pied, et Betsy, sa conjointe, de même que quelques autres participants au congrès. La soirée a été très agréable. Belles discussions, bons échanges, très sympathiques. On a notamment pu découvrir les qualités de G.O (Gentille Organisatrice comme on dit dans les clubs MED) de Betsy. Elle a trouvé un excellent restaurant pouvant accommoder les huit personnes que nous étions. Bravo Betsy! Et cela a été une autre occasion d’échanger avec Robert. C’était la 4e fois que Gilles et lui se rencontraient, et à chaque fois avec beaucoup de plaisir. Avec ces personnes, nous avons partagé nos points de vue sur les accommodements raisonnables, sur l’intégration des immigrants… pas facile ce genre de discussion quand la langue anglaise n’est pas notre première langue (particulièrement pour Jeanne-Mance). Notamment, Matthew Yau, un Chinois de Hong Kong qui a immigré en Australie a donné de bons exemples à partir de sa propre expérience. Quand même un débat animé même si c’était en anglais….

Même si Götebord se situe dans la partie Sud su pays, déjà on voit l’effet nordique. À 22h00 le soir, il fait encore très clair. Puis s’installe un crépuscule qui dure toute la nuit avant que le soleil ne se lève très tôt vers 3h00 le matin.

Stockholm
Stockholm, la capitale de la Suède, constituait notre dernière étape avant le départ. En fait, nous avons commencé et fini par la Suède. Nous sommes arrivés par avion de Tromsø pour nous rendre chez Peder, notre hôte, avec qui nous avons eu notre deuxième expérience avec Couchsurfing. Jon, notre hôte Couchsurfing de Tromsø nous avait introduits à Peder. Celui-ci nous a donné plein d’information sur la ville, la culture, et les habitudes des Suédois en plus de nous faire goûter des mets traditionnels dont la soupe aux pois, un peu comme on la fait au Québec, mais sans le jambon parce que Peder est végétarien. Comme dessert, des crêpes avec de la confiture aux fraises et de la crème fouettée. Le tout fut arrosé par une liqueur de type Schnaps très alcoolisée. Une autre belle rencontre. Nous avons pu constater à quel point Peder aime son pays. En soirée, nous avons profité avec Peder d’une petite balade dans un parc. Le coucher de soleil était tout simplement magnifique.

Gilles en a profité pour rencontrer Lars Jalmert, un chercheur bien connu en Suède sur les réalités masculines. Notamment, les échanges ont porté sur l’actuel débat ayant cours sur le congé parental en vue de le rendre à parité, soit 9 mois pour les mères et 9 mois pour les pères, soit le total de 18 mois. La place accordée aux pères se sent bien en Suède (comme en Norvège) où on voit régulièrement aussi bien des pères que des mères avec des poussettes, des pères qui semblent très habitués à prendre soin des bébés et des enfants en général. Les chercheurs sur les réalités masculines travaillent en fait au sein de groupes de recherche sur le genre, certains se spécialisant sur les réalités des femmes, d’autres sur celles des hommes ou sur les deux. Il y a eu, semble-t-il, des échanges corsés au début mais très vite l’unité s’est faite autour de la notion d’égalité des genres. La Suède est issue d’une longue tradition de social-démocratie au sein de laquelle les valeurs de justice, d’équité, de démocratie sont bien ancrées.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance en a profité pour visiter le musée Nobel. On se rappelle qu’Alfred Nobel était un Suédois. Il avait stipulé dans son testament que, chaque année, une partie des revenus de sa fortune serait décernée à des personnalités novatrices en physique, chimie, médecine, littérature ainsi qu’au service de la paix. Ces prix devaient être distribués sans égard aux revenu, au sexe, à la nationalité. Ce qui, à l’époque, n’a pas fait l’unanimité dans la population et les élites en particulier. On voulait réserver les prix Nobel exclusivement aux Suédois. Jeanne-Mance s’est laissée inspirer par les idéaux des grands qui ont changé le monde. Plus de 750 lauréats ont été honorés par le prix Nobel depuis 1901. On sait certainement que des personnalités comme Nelson Mandela, Marie et Pierre Curie, Jean-Paul Sartre (qui a refusé ce prix) sont parmi les personnalités. Parmi les autres points touristiques visités, notons le palais royal qui date du 18e siècle et qui constitue la résidence officielle de sa Majesté le Roi. Stockholm est la ville des musées : de l’armée, de la dance, de la police, de l’ethnographie, de la photographie, de la porcelaine, musée juif, de l’opéra… pour ne nommer que ceux-là.

Stockholm est une ville magnifique, surnommée la Venise du Nord avec ses nombreux canaux, ses ponts ses vieux édifices particulièrement dans la vieille cité.

La Norvège
En fait, nous avons plutôt décidé de passer plus de temps en Norvège dont les décors nous semblaient plus pittoresques. La Norvège est un pays peu populeux avec seulement 4,7 millions d’habitants répartis sur un grand territoire. Sa partie Nord se situe à l’intérieur du cercle polaire. La végétation et le paysage ressemblent beaucoup à ceux du Québec: conifères, pins, fleurs sauvages très connues ici, mais là s’arrête la comparaison. Leur nourriture, l’heure des repas, leurs mesures sociales sont assez différentes… surtout le coût de la vie qui est beaucoup plus élevé : pour vous donner une idée, nous avons acheté une bouteille de vin et sept morceaux de gâteau pour 58.00 $. Un repas très simple comme des pâtes alimentaires avec crevettes nous a couté 50.00 $.

Moss et Oslo
Nous avons pris l’autobus de Göteborg jusqu’à Moss où nous attendait une famille Servas, Asta, Kjell, leur fils Knut et leur fille Liv. Il ne manquant que l’aînée qui était en stage d’immersion en Allemagne pour y perfectionner son Allemand. Les trois enfants sont étudiants dans trois universités différentes mais se retrouvent à la maison familiale pour les congés et les vacances d’été. Un ami de Knut, Martin, était aussi à la maison et le cousin germain, Thomas, s’est joint à nous aussi pour l’un des repas. Bref, une belle immersion dans une famille norvégienne avec des discussions intéressantes, notamment avec des jeunes adultes qui nous ont parlé du système d’éducation en Norvège. Disons simplement que l’université est gratuite ici (en Suède aussi d’ailleurs). Les étudiants ont aussi droit à un système de prêts et bourses pour les aider à financer leur subsistance, régime qui semble un peu plus généreux que le régime québécois. Nous avons eu droit là aussi à un mets typiquement norvégien.

Moss est situé à environ 45 kilomètres d’Oslo, la capitale de la Norvège. Même si Oslo est la ville la plus importante de Norvège, elle ne comprend qu’un demi-million d’habitants environ. Nous avons passé une journée à Oslo. Gilles y a rencontré un groupe qui travaille auprès des hommes, le Reform (http://www.reform.no/) et Jorgen Lorentzen, un chercheur bien connu en Norvège. Malheureusement, Øystein Holster, avec qui j’étais déjà en contact avant, était en vacances à l’extérieur de la ville. Les deux sont membres d’un centre d’études sur le genre et ont mené plusieurs recherches sur les hommes en Norvège. Pour sa part, le Reform est un organisme communautaire financé par l’état pour faire avancer les questions relatives aux hommes et aux masculinités dans l’ensemble du pays. Dans les faits, ils sont six permanents et une personne à temps partiel, ce qui limite leurs possibilités. Ils travaillent donc à établir des projets pilotes en soutenant d’autres organismes qui veulent bien implanter l’un ou l’autre de leurs programmes. L’organisme travaille sur divers plans dont la promotion de l’engagement paternel, la violence conjugale (groupes de traitement et prévention), la santé, notamment concernant les hommes et la dépression post-partum (celle des pères et celle des mères) et l’éducation (réussite scolaire des garçons, plus de garçons dans les professions d’aide et de soins). Les échanges avec Elise du Reform et Jorgen ont été particulièrement intéressants pour bien comprendre où en est la Norvège en matière de travail avec les hommes et la dynamique avec les pays voisins.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance s’est promenée dans les rues d’Oslo. Ensuite, nous nous sommes dirigés vers l’île de Bygdøy où nous avons visité le musée du folklore et celui des Vikings.

Raufoss et Gjøvik
Notre prochain arrêt prévu était Raufoss pour y rencontrer Torbjørn un collègue de Gilles rencontré lors du dernier congrès de l’American Men’s Studies Association à Montréal et Britt sa conjointe. Le couple était passé nous voir à Québec (début avril). Nous avions eu un bon moment ensemble et nous avions bien hâte de les revoir. Nous nous retrouvons dans des situations semblables alors que tous les quatre sommes des travailleurs sociaux, Torbjørn, tout comme Gilles, enseigne en service social et Britt travaille sur le terrain, un peu comme Jeanne-Mance. Nous avons passé deux jours merveilleux avec eux. Ils nous avaient prévu une petite croisière sur le lac Mjosa de Gjøvik à Totenkiva. Le soleil était radieux. Puis Torbjørn nous a amené faire le tour de Gjøvik et visiter quelques endroits de la région. Ils y sont allés aussi avec de bons conseils pour la suite de notre tournée en Norvège. Torbjørn est presqu’un guide touristique, tellement il s’y connaît bien et se retrouve facilement sur Internet pour nous dénicher une Auberge de Jeunesse à Bergen ou un train qui nous amène également à Bergen. Bien sûr, Gilles et Torbjørn en ont profité pour échanger sur leurs travaux de recherche. Bref, un séjour court mais très agréable.

Bergen et les fjords
Torbjørn a eu la gentillesse de venir nous reconduire à Hønefoss pour y prendre le train pour Bergen. En route, nous sommes arrêtés à une fabrique de verre selon la méthode artisanale. Le train vers Bergen est réputé pour être l’un de ceux qui offrent les vues les plus panoramiques de Norvège. De la verdure d’été de Hønefoss, nous avons traversé une région montagneuse sans arbre, puis une région de glaciers pour redescendre vers Bergen. Nous avions l’impression de passer les quatre saisons en quelques heures. Le trajet dure environ 5h30. Puis, ce fût la célèbre Bergen, deuxième plus grande ville de Norvège avec 250 000 habitants, mais surtout la plus visitée à cause de son cachet et aussi parce qu’elle constitue l’une des principales portes d’entrée vers les pittoresques fjords. Nous étions à l’auberge de jeunesse Montana, un peu loin du centre-ville mais très bien.

Dès notre arrivée, nous nous sommes rendus du côté de Bryggen, le quartier historique. Ces maisons de bois datent du Moyen Âge et elles contribuent au charme de la ville. Elles tiennent toujours debout et elles sont encore utilisées par les commerces qui s’y trouvent, même si elles sont croches. Quelques-unes ont été rénovées dans le respect du passé. C’est un très joli quartier qu’on ne peut manquer. Le lendemain a été la journée pour mieux connaître cette belle ville : le célèbre marché de poissons, le funiculaire et téléphérique qui donnent des vues impressionnantes sur la ville et les fjords qui l’entourent. Nous en avons profité aussi pour simplement arpenter les rues.

Bien sûr, nous ne pouvions pas manquer une tournée dans les fjords. Des paysages à en couper le souffle. Nous avons opté pour le bateau longeant le Sognefjorden, le fjord le plus long de Norvège, long de 204 km. jusqu’au célèbre petit village de Flâm. L’« expressboat » prend 5h30 pour le trajet arrêtant dans plusieurs petits villages en chemin. Plus nous avancions et plus le paysage était pittoresque ave les cascades d’eau de plusieurs mètres de haut, les petites maisons isolées dans les montagnes, les sommets enneigés même au cœur de l’été,. Les fjords sont le symbole de la Norvège.
Nous nous sommes reposés à Flâm, un très petit village, situé dans un décor superbe mais excessivement touristique. Puis le lendemain, nous avons pris l’autobus local jusqu’au petit village de Gudvangen. La route pour s’y rendre ne compte que 9 kilomètres mais presqu’en totalité dans un très long tunnel. Arrivés à Gudvangen, nous avons pris un autre bateau pour suivre le parcours du Naerøyfjorden, reconnu comme patrimoine mondial par l’Unesco. Ce fjord est le plus étroit au monde, le plus escarpé de tous (250 m.) et des plus pittoresques. Le fjord du Saguenay est le deuxième (notre région natale). C’est incroyable de constater que des gens vivent tout au long du fjord. Puis, arrivés à Flâm, nous avons passé une nuit dans une petite auberge. Quelle ne fut pas notre déception de voir arriver un énorme bateau de croisière dans ce tout petit village et qui plus est, déguise la nature… tourisme oblige ! Puis, nous avons pris le train qui monte en pente jusqu’à Myrdal. Ce train traverse 20 tunnels creusés à la main et presque 80% du trajet a une pente de 55 %. Enfin, de Myrdal nous reprenions le train régulier vers Bergen.

Tromsø
Jeanne-Mance tenait bien à visiter le cercle polaire et constater les nuits sans noirceur, le célèbre midgnight sun. Nous avons donc pris l’avion de Bergen vers Tromsø en passant par Oslo. L’avion partait à 6h00 du matin, il fallait donc nous lever vers 3h30 du matin pour prendre l’autobus de 4h10 pour nous mener vers l’aéroport. C’était amusant de voir que déjà à Bergen, bien plus au sud, les lampadaires se sont éteint à 3h30 parce qu’il faisait déjà assez clair. Cela donne un avant-goût des journées très longues sans noirceur qui nous attendaient à Tromsø.

Changement complet de température en arrivant à Tromsø. Il faisait autour de 25°C à Bergen et à Tromsø il ne faisait plus que 7°C avec un léger vent un peu glacial. La ville comme telle est sans attrait particulier si ce n’est qu’elle est la principale ville Norvégienne située à l’intérieur du cercle polaire. C’était aussi notre première expérience avec un hôte de Couchsurfing, une autre organisation qui favorise les échanges entre les gens de diverses cultures. Les membres sont en moyenne plus jeunes que ceux de Servas. Nous avons donc été accueillis par Jon, un jeune ouvrier de la construction très gentil. Le soir de notre arrivée, notre hôte allait avec des amis à un festival rock annuel ayant lieu en ville où se retrouvent des chanteurs et chanteuses rock d’un peu partout. Pour notre part, nous avons plutôt décidé de nous reposer au chaud. Nous nous étions levés très tôt le matin (pour ne pas dire la nuit). Le spectacle avait lieu à l’extérieur et nous avions passé plusieurs heures à marcher dans la ville au froid; nous étions un peu gelés. Le lendemain, nous avons visité le musée polaire qui rappelle les conditions de vie des premiers habitants du Nord (hormis les Samis, le peuple autochtone du Nord de la Norvège) mais surtout l’histoire de la chasse aux phoques et le rôle particulier de deux scientifiques. Encore de nos jours, la chasse aux phoques est très populaire. Notre hôte Jon chasse le phoque durant les mois de mars et avril au Groenland. Imaginez 2300 phoques en deux mois. Il faut croire que Brigitte Bardot n’est pas passée par la Norvège. Nous avons aussi assisté à un magnifique spectacle dans la petite cathédrale de bois mettant en vedette une célèbre organiste coréenne et un jeune violoniste norvégien de 24 ans.. Jeanne-Mance n’a pu se passer d’une petite visite à une vente de garage. Je (Jeanne-Mance) me suis levée à 3 heures du matin pour constater qu’il fait clair comme s’il était 15 heures au Québec. C’est très impressionnant! Je vous laisse admirer les photos prises à cette heure. J’ai vu beaucoup de monde dans les rues, c’était comme si les gens emmagasinaient du soleil en prévision de la période qui s’en vient, celle de la noirceur.

Notes sur les réalités masculines en Scandinavie
Notre séjour en Suède (5 jours) et en Norvège (11 jours) a été relativement court. En cette période vacances annuelles d’été, il était aussi plus difficile d’avoir des rencontres avec des chercheurs. De plus, en Suède en particulier, nos arrêts se sont limités aux deux plus grandes villes, ce qui ne donne pas une image vraiment juste de ce pays comportant principalement de petites municipalités. Bref, encore une fois, nous tenons à noter les limites importantes de nos commentaires qui demeurent de grands traits.

Au sein de classement international des pays en matière d’égalité des genres réalisé par l’ONU, la Norvège occupe le premier rang et la Suède le deuxième. Cela fait en sorte que le regard de plusieurs pays Occidentaux se porte sur eux pour déterminer les politiques à adopter en cette matière. La Scandinavie est souvent considérée comme une « zone expérimentale » en matière d’égalité des genres (Holster, Svage & Egeland, 2009). Par exemple, la Norvège a beaucoup inspiré le Québec dans son nouveau régime de congé parental qui reconnaît notamment une part plus importante au congé de paternité avec une possibilité pour les pères québécois de prendre entre 5 et 8 semaines de congé payé à la suite de la naissance de leur enfant et les parents peuvent aussi partager le congé parental qui suit le congé de maternité et le congé de paternité. La Norvège vient tout juste d’améliorer son régime portant le congé de paternité de 5 à 10 semaines avec comme objectif de le rendre à 14 semaines d’ici la fin du mandat du gouvernement actuel. Cela mènerait la Norvège à un régime semblable à celui de l’Islande, soit un tiers pour la mère, un autre pour le père et une troisième part au choix ou pouvant être divisée. La Suède a déjà un régime un peu plus généreux et elle vise un partage du congé en parties égales entre le père et la mère. Que ce soit en Norvège ou en Suède, le congé de paternité ne peut être pris que si la mère est au travail ou aux études au moins à 75% du temps ou encore en congé de maladie. Certaines entreprises offrent des conditions supérieures à ces normes gouvernementales afin de favoriser l’implication des pères dans la famille. Il faut dire cependant que la famille occupe une plus grande place dans ces pays qu’au Québec, au Canada ou aux États-Unis. Ces pays sont passés rapidement à l’ère moderne et dans ce passage, la famille est demeurée une valeur importante. Les pays Nordiques envisagent la famille dans une vision renouvelée, basée sur les principes qui leurs sont chers comme l’égalité, la justice et la démocratie. Ces pays ont connu un court passage au pouvoir de partis politiques plus à droite qui ont favorisé le retour des femmes au foyer, mais ces gouvernements ont principalement été dirigés depuis une centaine d’années par des partis socio-démocrates qui ont de tout temps favorisé une pleine participation des femmes à tous les niveaux.

Notons que la partie qui semble avoir plus avancée en ce qui concerne les hommes est sans contredit tout ce qui touche les soins des enfants. Une vaste enquête réalisée en Norvège en 1988 (Holster, 1988) montrait qu’il y avait encore des pas à franchir en matière d’égalité mais que les hommes étaient, de manière générale, largement d’accord avec le principe d’égalité dont le partage du travail salarié et des tâches domestiques surtout en ce qui concerne les soins aux enfants, les hommes Nordiques étant reconnus comme plus « family oriented » et « caring oriented » que les hommes des autres pays Européens (Holster & Olsvik, 2009). Cependant, certaines tâches domestiques semblent un peu plus difficiles à partager, notamment la lessive selon Holster et al. (2009).

Essentiellement, l’équité demeure une valeur centrale. Ainsi, contrairement à ce qu’on peut connaître au Canada et aux États-Unis notamment, cette valeur est perçue dans un travail conjoint des hommes et des femmes en regardant dans tous les aspects de la vie ce qui affectent négativement un genre ou l’autre. Le mouvement féministe est passé à une autre étape : finie la « guerre des sexes », maintenant solidarité dans la recherche d’égalité. En fait, la population de la Scandinavie, particulièrement celle de Norvège, est connue pour son sens pratique. On laisse de côté les luttes idéologiques pour viser des résultats pratiques. Les politiques sont conçues pour répondre aux valeurs d’égalité et de justice sociale. On connaît tout l’impact que peuvent avoir des politiques sociales dans les changements des mentalités. Par exemple, les politiques adoptées ces dernières années en matière de congé de paternité dans plusieurs pays occidentaux semblent avoir eu un impact important pour favoriser l’engagement paternel, bien au-delà des campagnes de sensibilisation réalisées dans les années précédentes.

C’est ainsi que certains programmes sont mis sur pied aussi pour les hommes et non plus seulement pour les femmes, et aussi avec l’appui du mouvement des femmes. Par exemple, des projets sont en marche pour favoriser que les garçons choisissent des disciplines traditionnellement féminines comme les soins et l’aide, en particulier les disciplines reliées aux soins et à l’éducation des enfants. En fait, ces programmes, encore à l’étape de projets pilotes, sont un peu la contre partie des mesures en place pour favoriser l’implication des filles dans des disciplines traditionnellement masculines comme le génie ou l’informatique. Notons au passage que cela peut prendre des formes très simples parfois comme le changement du nom du programme. Des jeunes nous ont parlé de deux programmes d’informatique, l’un typiquement appelé baccalauréat en informatique recrute environ 95% de garçons alors qu’un programme tout à fait similaire dans le contenu mais avec un titre du style informatique et environnement fait en sorte que les filles représentent environ 30% des étudiants. C’est déjà assez sensible comme changement! La Norvège en particulier s’intéresse à la réussite scolaire des garçons. Un peu comme au Québec, 63% des étudiants à l’université sont des filles (Kristiensen, 2008). Les difficultés scolaires des garçons préoccupent davantage du fait que les emplois manuels requérant une main d’œuvre moins scolarisée sont en nombre décroissant.

En matière de violence, seulement 4% des couples de Norvège rapportent avoir connu un épisode de violence (Holster et al., 2009), ce qui représente un taux plus faible que la plupart des pays occidentaux. On la considère comme plus reliée à l’âge qu’au genre, c’est-à-dire qu’elle se retrouve plus chez les jeunes couples que chez les couples plus matures et dans une proportion comparable entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, le réseau de soutien et d’intervention directe demeure encore peu développé si on le compare à celui du Québec. En Norvège, le Reform est le seul organisme spécialisé qui tente d’implanter son programme pour conjoints aux comportements violents dans d’autres villes sous forme de projets pilotes. Au Québec, on compte 36 programmes bien implantés couvrant la plupart des régions administratives. .

Les femmes et les hommes se partagent à part égale la direction des organismes de pouvoir à tous les niveaux (syndicats, organismes communautaires et instances politiques). L’espérance de vie s’est améliorée de manière comparable pour les deux genres, passant pour les hommes de 72,3 ans en 1980 à 75,5 ans en 1998 (Holster et al. 2009). Cependant, les mortalités par cancer sont deux fois plus fréquentes chez les hommes comparativement chez les femmes. Dans les deux pays, on retrouve trois fois plus de suicides chez les hommes que chez les femmes (quatre fois dans plusieurs autres pays industrialisés comme l’Australie et le Canada).

Par ailleurs, la Suède a probablement été le premier pays au monde à décriminaliser l’homosexualité en 1944. Ces deux pays sont reconnus comme « gay friendly », pour avoir une ouverture d’esprit en cette matière. Cependant, le mariage de conjoints de même sexe n’est reconnu que depuis mai 2009 mais le contrat de partenariat existait auparavant.

Bref, issus d’une tradition sociale-démocrate très forte, ces pays sont largement reconnus pour leur sens de l’équité et de la justice sociale plaçant l’égalité des genres comme une vertu tout comme la reconnaissance des droits des homosexuels. Sur le plan des politiques, la Norvège et la Suède font clairement œuvre de chefs de file. Par contre, sur le plan des services aux hommes, le réseau de groupes demeure très faible. Tout le poids porte sur quelques organismes centraux comme le Reform qui font un travail extraordinaire avec peu de moyens. Le travail de ces quelques groupes vise alors à influencer les organismes publics en place comme les écoles par exemple.

Remerciements
Nous tenons à remercier les familles Servas et Couchsurfing qui nous ont hébergés et qui nous ont permis de mieux connaître ces deux pays « de l’intérieur ». Merci donc à Asta, Kjiell, Liv, Knut, Martin et Thomas de Moss, Jon de Tromø, Peder de Stockholm. Un merci particulier à Torbjørn et Britt, avec qui nous espérons bien maintenir une longue amitié. Un sincère merci aux collègues Jorgen Lorenzen d’Oslo et Lars Jalmert de Stockholm qui se sont rendus disponibles en cette période d’été. Enfin, merci à l’équipe du Reform et à Élise en particulier qui m’ont chaleureusement accueilli et donné plein d’information sur leur travail.

Un an plus tard

Un an plus tard
Un an plus tard nous revenons à notre blog. En fait, on profite d’un court séjour en Suède et Norvège pour continuer la réflexion entreprise l’an dernier. Mais avant de parler de ces deux pays nordiques, un petit mot sur le retour au Québec.

D’abord, soulignons que nous étions bien heureux de revoir nos proches. Nous avons eu droit à un accueil des plus chaleureux alors que nos familles et quelques amis nous attendaient à l’aéroport. Nous avions acheté deux bouteilles de champagnes à l’aéroport de Londres, histoire d’écouler les dernières devises que nous avions en main et profiter du prix intéressant. Nous avons donc sablé le champagne avec eux dans le plaisir des retrouvailles.

Nous avons passé le jour suivant à Magog et Sherbrooke, pour passer un peu de temps avec Isabelle, notre nièce et sa petite famille avant leur départ à Haïti. Puis, ce fût le retour à Québec avec Catherine, notre fille, et son conjoint Mathieu qui nous ont accompagnés. Quel plaisir de constater que la maison était impeccable. Vraiment, nos locataire qui avaient loué notre maison s’en étaient occupé à merveille. Nous avons donc pris le temps de replacer la maison comme avant notre départ, puisque plusieurs choses avaient été mises au rangement pour faire de la place à nos locataires et tenir compte qu’ils ont de jeunes enfants et préféraient qu’on enlève les choses qui pouvaient être abîmées.

Une fois l’essentiel en place, nous nous sommes mis à ouvrir les boîtes que nous avions envoyées en cours de route. Il y en avait plus d’une trentaine, pleines de souvenirs de toutes sortes. À chaque fois, pleins d’images nous venaient en tête, d’anecdotes à raconter…

L’été a passé très vite surtout que le gîte a été rempli à pleine capacité tout l’été. L’année 2008 fêtait les 400 ans de la ville de Québec. Le flot d’activités gratuites (spectacles de Paul McCartney, Céline Dion et beaucoup d’autres) a amené beaucoup de touristes d’un peu partout dans le monde Encore plein de belles rencontres. Environ 85% de la clientèle nous venait d’Europe. Les discussions nous ont souvent ramenés à notre voyage : « Nantes, le restaurant La Cigale? Bien sûr, nous y étions avec Jacques et Anne-Marie il y a une couple de mois. » « Toulouse! Oui une belle ville qu’on a visitée avec Daniel »…. Le gîte nous a permis de continuer dans nos souvenirs.

Puis ce fût le retour au travail plus régulier. Jeanne-Mance au ministère de la Santé et des Services sociaux et Gilles à l’Université Laval. Quel choc! Certes, le gîte nous avait permis d’amortir le choc, mais il était quand même là. La dure réalité de la vie quotidienne nous a vite rattrapés. De plus, nous avions été émerveillés par la chaleur humaine et la qualité des relations qu’on peut retrouver assez facilement dans les pays sous-développés. Plus encore, finie l’excitation de nouvelles découvertes à tous les jours. Il fallait reprendre le travail quotidien bien connu, sans défi particulier, du moins à première vue.

Bref, ce retour « sur terre » a été quelque peu pénible. On nous avait dit qu’une telle expérience prendrait au moins quatre à cinq mois pour nous en remettre. Effectivement, ce fut le cas. Même si nous le savions avant de partir, cela s’est avéré plus difficile que nous le pensions. Heureusement, il y a eu des projets pour nous aider. De son côté, Jeanne-Mance s’est mise à la production d’un conte pour enfants, spécialement écrit pour Manouchka et Élie, conte qui a servi à la mère Noel le soir de notre party de famille. Quant à Gilles, il a pris au sérieux l’avis de Daniel Welzer-Lang et de Steve Robertson à la fin du voyage et il s’est mis à l’œuvre pour mettre les conditions en place pour créer un réseau international de chercheurs sur les hommes et les masculinités.

En fait, malgré ce contexte de retour difficile, cela a quand même été une « grosse » année. Jeanne-Mance a changé d’équipe de travail, donc nouveaux dossiers à s’approprier, nouvelle patronne, etc., sans compter la reprise de ses activités d’évaluation dans le cadre de la Loi sur le Curateur public. Gilles est allé au Nunavik présenter le rapport de recherche, à Toronto pour un colloque sur la paternité avec un article qui a été publié depuis, il y a eu l’évaluation d’un projet d’intervention auprès des hommes en milieu de travail, la préparation de la demande de financement et les contacts nécessaires pour l’étude de la possibilité de mise en place d’un réseau international de chercheurs, et une demande de financement pour une recherche comparative entre l’Ouest canadien, l’Australie, la Grande-Bretagne et le Québec, la participation au colloque « social work with men » en Alabama, la présidence d’un comité d’élaboration d’un programme de doctorat en thérapie conjugale et familiale et le travail avec un comité pour la rédaction d’un livre sur les réalités masculines au Québec.

Outre le projet très intéressant de mise sur pied d’un réseau de chercheurs, cette année d’étude et de recherche a été pour Gilles très riche en retombées : le projet sur la détresse psychologique chez les agriculteurs (en espérant qu’il soit financé), deux articles ont été publiés avec des collègues du Canada anglais sous la direction de Steve Robertson du Royaume-Uni, il y a eu la visite de John Macdonald d’Australie chez nous à Québec, la participation au panel de l’Américan Men’s Studies Association en avril dernier, un atelier pour le colloque étudiant sur le service social international, un séminaire de l’équipe Masculinités et Société sur les cadres théoriques des équipes de recherche visitées et des expériences d’intervention auprès des hommes dans les pays visités, une conférence pour le Réseau Hommes Québec en collaboration avec AutonHommie intitulée « Voyage aux pays des masculinités ». Dans la même lignée, il vient d’y avoir ma présentation au congrès ici en Suède sur les similarités et les différences entre les pays Occidentaux et les cultures orientales dans les relations entre hommes. Enfin, un livre est toujours sur la table de travail et deux maisons d’édition sont intéressées à le publier sans compter à l’automne dans le cadre du 3e Forum sur la condition masculine organisé pour le 25e anniversaire d’AutonHommie une conférence sur un état de situation sur la santé des hommes dans le monde. Bref, une année d’étude et de recherche qui a ouvert de nombreuses portes pour les années à venir.

Autrement dit, revenir d’un périple comme nous avons fait n’est pas facile. Cette année à se promener dans 15 pays a été en fait non seulement un voyage comme on l’entend généralement mais aussi un « voyage » riche sur le plan professionnel par les contacts, les apprentissages, les nouvelles avenues qu’il a ouvert et sans doute aussi un « voyage personnel », « au fond de soi », au cours duquel on a pu apprendre beaucoup sur la vie humaine, celles des autres mais aussi sur la nôtre, comme individus, chacun de notre côté, et comme couple. Voyager, c’est passer presque tout son temps avec l’autre, du moins nettement plus que dans la vie quotidienne où on a chacun notre boulot et nos activités, et c’est aussi devoir prendre de nombreuses décisions sur de petites choses qui vont de soi dans la vie quotidienne mais qui exigent un consensus à établir lorsqu’on est en voyage, ne serait-ce que le choix d’un restaurant. Par ailleurs, ce qui aide, c’est de se donner de nouveaux défis, de nouveaux projets. Cela aide à redonner un sens au travail, et plus largement, à notre vie chez nous. Bien sûr, il y a les liens sociaux. Plus que tout, les liens avec les gens qu’on aime demeurent un fondement, Bref, ce voyage et plus qu’un voyage c’est une expérience humaine.

samedi 14 juin 2008

27e envoi: L'Angleterre, la multiculturelle

27e envoi : L’Angleterre : la multiculturelle

L’Angleterre est le 15e et dernier pays de notre périple. Nous avions d’abord pensé passer en Angleterre avant d’aller en France, cependant nous avons modifié cela après avoir contacté Steve Robertson, un collègue chercheur que j’ (Gilles) ai connu en Australie, qui nous apprenait qu’il changeait d’université et commencerait à la Leeds Metropolitan University au début de juin. Cela permettait donc de le rencontrer en même temps que Alan White dont j’avais entendu parler déjà. De plus, comme notre billet de retour partait de Londres, cela nous allait très bien de finir le voyage dans cette ville.
Nous sommes partis de Toulouse après deux heures de vol pour atterrir à Leeds. Depuis avril, nous parlions Français, arriver en Angleterre il nous a fallu se réhabituer à parler Anglais et à s’adapter à l’accent du pays. Les premiers jours ont été un peu difficiles sur ce plan. Mais au bout de deux ou trois jours, nous avions passablement repris le contrôle.
Un des premiers aspects qui a retenu notre attention, c’est la diversité culturelle de l’Angleterre. On y retrouve des communautés culturelles provenant de plusieurs pays du monde : Pakistan, Turquie, Pologne, Inde, pour n’en nommer que quelques uns. Selon les gens que nous avons rencontrés, ces communautés s’intègrent plutôt bien. Cela donne un cachet particulier à l’Angleterre. La communauté chinoise s’est développée un quartier bien à elle comme elle l’a fait au Québec et dans plusieurs autres villes. Bien sûr, Londres est de loin plus multiculturelle que les autres villes anglaises. Mais même à Leeds, on retrouve de nombreuses personnes issues de l’immigration, notamment en milieu universitaire. Un professeur nous racontait qu’il demande souvent aux étudiants étrangers pourquoi ils et elles choisissent l’Angleterre malgré certains aspects moins intéressants : « Why have you chosen to come in UK? The cost of living is expensive, it’s dirty, it’s wet, people are rude, why? » Et systématiquement, il reçoit la réponse : « But, it’s fun ». Ce ne sont pas que des étudiants qui arrivent mais des gens d’un peu partout. D’abord du Commonwealth, soit les anciennes colonies britanniques qui sont demeurées en lien avec la « mère-patrie » comme le Canada, mais aussi des pays plus pauvres d’Afrique et des Caraïbes avec des populations qui cherchent des conditions de vie plus avantageuses. C’est aussi le cas de pays d’Europe de l’est qui peuvent maintenant immigrer sans exigence de plus avec l’élargissement de la Communauté européenne. Comme la plupart de ces personnes doivent apprendre une nouvelle langue lorsqu’elles émigrent, plusieurs choisissent un pays où la langue d’usage est l’Anglais, soit une langue qui donne un accès beaucoup plus large par la suite comparativement à l’Allemand, au Français ou encore au Danois pour ne donner que quelques exemples. De plus, le marché de l’emploi demeure très bon en Angleterre, davantage par exemple qu’en France. Bref, beaucoup pour attirer les immigrants d’un peu partout.
Bien sûr, le climat est incertain, l’Angleterre étant sur une île, et selon que les vents proviennent du nord ou du sud, le climat peut changer rapidement. Nous avons eu droit à des belles journées de chaleur (24 à 26 C), mais aussi des journées froides pour ce temps-ci de l’année (13 à 16 C), avec de la pluie passagère ou même parfois un peu persistante. Par ailleurs, cela donne une végétation en pleine santé, radieuse.

Leeds
Encore là, nous avons connu des gens magnifiques, accueillants et nous avons découvert une ville charmante qui a environ la même dimension que Québec. Le dimanche de notre arrivée, nous avions rendez-vous avec Peter et sa conjointe Jane, en fait, pas seulement eux mais aussi avec la pluie. J’ (Gilles) ai connu Peter lors d’un congrès au Mexique il y a de cela 2 ans alors qu’il terminait son doctorat. Lorsque j’avais contacté Alan White, peu après je recevais un courriel de Peter me demandant s’il s’agissait du même Gilles Tremblay qu’il avait connu au Mexique. Il travaille maintenant à la Leeds Metropolitan University comme chercheur dans une équipe spécialisée sur la santé des hommes. Nous y reviendrons plus loin. Avec Peter et Jane, nous avons visité le National coal mining museum, une ancienne mine de charbon dont l’entrée est gratuite. C’est un ancien mineur qui nous servait de guide. Les mineurs y ont complété leur dernier horaire de travail en 1985 (pas si longtemps, quand même). Nous sommes descendus sous terre à 140 mètres de profondeur. C’est la première fois que nous entendions parler que des familles entières travaillaient dans une mine; pourtant ce n’est pas la première fois que nous en visitions. Le guide rapportait que des enfants de cinq ans passaient leurs journées dans le noir à surveiller l’ouverture et la fermeture des portes. Ils étaient attachés à la porte pour ne pas qu’ils se perdent ou se sauvent mais aussi pour retrouver facilement la porte à ouvrir. C’étaient les conditions de travail et de vie des familles ouvrières lors de la révolution industrielle. Quelles conditions de misère ! Par la suite, nous nous sommes rendus au Yorkshire sculpture park. Il s’agit d’une galerie d’art extérieure. On y retrouve plus de 40 sculptures à dimension humaine disposées un peu partout dans le parc, alors que d’autres œuvres sont situés dans des bâtiments prévus à cet effet. C’est ainsi que nous avons pu admirer des œuvres de Niger Hall, de Henry Moore et de Jonathan Borofsky, trois sculpteurs anglais bien connus. J’avoue que nous avons été impressionnés par quelques-unes d’elles. C’est magnifique cette idée de démocratiser la sculpture. Les familles y viennent prendre un pique-nique, l’entrée étant gratuite. Ce qui est également particulier de ce parc, c’est que les moutons, les canards s’y promènent partagent l’espace avec les sculptures et contribuent à donner à ce décor un joli coup d’œil.
Le lundi, nous attendaient Roger et Hannah qui sont membres de Servas et avec qui nous avons passé deux jours. Tous les deux travaillent à l’Université de Leeds en informatique, Roger comme professeur et directeur du département et Hannah comme chercheure sur l’intelligence artificielle. Elle est probablement une des rares femmes dans le monde à posséder une telle expertise. Elle est demandée dans beaucoup de pays pour des conférences.
Pendant que Gilles travaillait, Jeanne-Mance se plaisait à visiter la ville sous la pluie, une ville sous la pluie a quand même un certain charme n’est-ce pas ? J’ai vu la galerie d’art moderne où on y expose différentes collections de sculpture, dont des œuvres de Henry Moore, de peinture, des dessins, des bijoux, etc. Ensuite, je me suis rendue au Victoria Square, là où on retrouve des grands magasins comme Louis Vutton, Chanel, Gucchi pour ne nommer que ceux-là, mais attention, c’est très dispendieux. L’intérêt de ce lieu n’est certes pas de faire du magasinage (pour moi) mais d’y admirer l’architecture des bâtiments et de marcher dans cette rue piétonnière, très large, avec beaucoup de monde. Comme j’avais (Jeanne-Mance) proposé de cuisiner une entrée aux aubergines, nous sommes allés au Square market, tel que conseillé par Roger et Hannah, pour acheter tout le nécessaire. Ce marché est situé dans un vieil édifice dont malheureusement je ne connais pas la date de construction. D’ailleurs, dans ce marché on y retrouve de tout : de la petite culotte aux poissons frais.
Le mercredi, j’ (Gilles) étais attendu au Centre for men’s health de la Leeds Metropolitan University
(http://www.lmu.ac.uk/health/menshealth). Notons qu’Alan White est l'un des rares chercheurs à détenir un poste dédié spécifiquement à la santé des hommes. La chaire de recherche qu’il dirige comprend aussi Peter Branney et Steve Robertson et deux autres personnes. Un peu comme le centre dirigé par John MacDonald en Australie, ce centre dédié à la santé des hommes travaille non seulement à développer la recherche mais travaille aussi au transfert des connaissances auprès des professionnels de la santé et des hommes en général. L’avant-midi a passé à toute vitesse à échanger plein d’informations sur nos projets de recherche respectifs, sur des références et des textes. Il faut dire aussi qu’Alan est très impliqué au sein du forum européen sur la santé des hommes (http://www.emhf.org) et qu’il connaît pas mal tous les chercheurs qui travaillent sur ce thème en Europe. Puis, à l’heure du lunch, je présentais une petite conférence sur l’application de notre modèle en 10 points aux hommes abusés sexuellement dans leur enfance. Il n’y a avait pas foule en cette période-ci de l’année mais il y avait des professionnels qui travaillent auprès des hommes aux comportements violents et aussi en toxicomanie. Encore une fois, notre modèle a suscité beaucoup d’intérêt. Puis, Peter, Steve et moi sommes allés prendre le lunch ensemble dans un petit café coquet et nous avons continué nos échanges. J’ai tenté très fort de convaincre Steve de mettre Québec sur sa liste lors de son voyage d’étude au Canada l’été prochain. Bref, ce fût une journée des plus enrichissantes.
Le soir, nous étions invités pour le repas et le coucher chez Peter et Jane dans leur agréable maison qui date de plus de 250 ans. Pendant que Jane mettait la dernière main pour la préparation du repas, Peter nous a amenés visiter un endroit particulier tout près de chez lui : Surprise view. Effectivement, la vue sur la vallée est magnifique. En même temps se déroulait une compétition locale de course à pied. Nous avons pris quelques minutes pour encourager les marathoniens et les marathoniennes qui franchissaient le haut de l’immense escalier qui mène au sommet de la colline.

Liverpool
Liverpool, ce nom vous dit quelque chose ? Eh bien oui ! C’est la ville des Beatles, là où ils sont nés, ont grandi et ont commencé leur carrière. Depuis le début de mon séjour en Angleterre, je (Jeanne-Mance) me disais qu’on ne peut passer à côté de Liverpool et que je ne voulais pas rentrer au Québec avec le regret de ne pas y être allée. Après consultation du site officiel du bureau de l’information touristique, je découvre qu’on organise des activités autour des Beatles : musée de renommée mondiale sur l’histoire des Beatles, visite des maisons de l’enfance de John Lennon et de Paul Mc Cartney et aussi du Cavern Club. Mais quelque chose freinait mon ardeur. Gilles, pour sa part, travaillait cette journée, et je devais faire quatre heures de train (aller-retour), me retrouver seule dans cette ville inconnue et dont on disait que l’accent local était incompréhensible pour les étrangers et surtout que les deux jours précédents j’étais affectée par un mal de gorge et d’oreille. Je me posais même la question à savoir si ce n’est pas une folie ou un caprice de « jeune fille ». Jusqu’au matin même du départ, je n’étais pas certaine d’y aller. N’écoutant que mon courage et ma détermination, j’ai décidé de partir pour Liverpool sur les traces des Beatles le même jour où Gilles était occupé à l’université. Cette ville a été nommée Capitale européenne de la culture en 2008. Je me suis d’abord rendue visiter le musée The Beatles Story qui est situé sur le bord du canal dans un sous-sol d’un vieux bâtiment, probablement pour simuler le Cavern Club. Passer trois heures dans ce musée nous imprègne de la musique, de l’histoire, de la vie, des photos, des vidéos, des objets souvenirs – dont la première guitare de John Lennon - des Beatles et évidemment du talent de ce groupe. J’y ai même rencontré une dame qui les avait déjà vus…la chanceuse. Malheureusement, aucune photo n’est permise à l’intérieur du musée. Les commentaires audio sont dits par Julia Lennon, la sœur de John. Je doute fort que ce soit elle qui parle en français mais je lui laisse le bénéfice du doute. La visite se termine dans une salle toute blanche, piano blanc, tapis blanc, murs blancs et comme seul objet décoratif une photo de John Lennon sur le piano. On y entend la célèbre chanson « Imagine » et les paroles sont écrites sur le mur. C’est superbe ! Une seule ombre au tableau : au début, Julia Lennon parle des quatre gars en disant que John est le plus intelligent des quatre, que Paul est un gars sympathique et j’oublie les qualificatifs pour les deux autres. Personnellement, je trouve ce commentaire un peu déplacé et pas très gentil pour les trois autres. Je n’ai pu obtenir de billets pour la visite des maisons de John et Paul. Il m’aurait fallu attendre jusqu’à 17heures et cela m’aurait amenée trop tard à Leeds. Ce sera pour une autre fois ! Je vous conseille de réserver avant votre arrivée, car la demande est forte. Ensuite, je me suis rendue sur la rue Mathew au fameux Cavern Club. Les Beatles ont joué dans ce club 272 fois. J’imagine l’atmosphère dans ce club dans les années 60. Il faut descendre quatre étages pour se retrouver dans un sous-sol. Le Cavern Club a conservé ses senteurs de sueur, de cigarette, d’alcool, de sous-sol humide et de quelque chose d’autre…! D’ailleurs, dans le musée, cet espace est reproduit pour bien montré tout le symbole qu’il représente. Cet endroit est gardé intact même si aujourd’hui le Cavern Club est toujours un bar et non un endroit historique. La scène où ont joué les Beatles est encore là avec le même décor en arrière. La rue où il se trouve est commémorative de la naissance des Beatles : il y a un hôtel qui se nomme « Hard days night », des sculptures des Beatles longent la rue, des magasins vendent des souvenirs des Beatles. Bref, ça sent la Beatlesmania ! C’est ici que se termine ma journée à Liverpool, heureuse d’y être allée.

Londres
Le jeudi, nous sommes partis pour Londres en train. C’est aussi en pensant à notre fille Catherine que nous l’avons visitée alors qu’elle était venue dans cette ville en 2001. De manière générale, il a fait beau, un beau soleil la majorité du temps passé à Londres. Les premières journées se sont déroulées chez Chris et Fiona, un couple Servas, à Uxbridge en banlieue ouest de la ville. La première journée a passé en visites touristiques. Tout d’abord, le Buckingham Palace, la résidence officielle où se sont succédés les rois et reines de ce pays. Nous avons appris comment on peut savoir si la reine est présente dans le palais : Quand il y a le drapeau du Royaume Uni sur le toit du palais, c’est qu’elle est absente et quand c’est le drapeau royal, alors elle est au palais. C’est donc dire que tous les jours, il y a une personne qui monte ou descend le drapeau. Nous sommes arrivés juste à temps pour le changement de garde qui ne nous a pas impressionnés puisqu’il n’a rien d’exceptionnel. Ensuite, nous sommes passés par le Trafalgar Square qui commémore la grande bataille navale de 1805 contre les Français défaits par la Anglais sous la gouverne de Lord Nelson en l’honneur de qui une longue colonne de 170 pieds a été érigée. Par la suite, nous nous sommes dirigés vers la tour Big Ben avec son horloge de 23 pieds de diamètre et les aiguilles indiquant les minutes ont 14 pieds - que nous ne pouvons malheureusement pas gravir. La tour est intégrée au parlement et nous en avons profité pour assister à une séance de la Chambre des Communes où se discutait un projet de loi en deuxième lecture sur le droit de vote à 16 ans. À peine une dizaine de députés étaient présents. Il faut croire que ce projet de loi n’attire pas vraiment l’intérêt des parlementaires… Nous sommes arrêtés prendre des photos du Wesminster Abbey. Puis nous avons marché le long de La Tamise, ce fleuve qui est au centre de Londres. Ainsi, nous avons vu de proche le London Eye, la plus haute grande roue au monde construite pour le nouveau millénaire. À voir cette structure de 135 mètres de haut, cela ne nous a pas donné le goût de l’essayer. Chris et Fiona nous ont raconté leur plaisir d’identifier les différents édifices à partir d’en haut, mais il faut bien les connaître. Un de leurs amis, pour son anniversaire, avait réservé une bulle et y avait invité ses amis avec champagne et gâteau d’anniversaire. Cela doit être assez amusant de fêter ainsi ! Il faut dire que la bulle prend 45 minutes pour faire un tour complet. Dans leur cas, ils avaient eu droit à deux fois le tour complet soit une heure et demie. Puis nous nous sommes arrêtés juste en face voir l’exposition de Dali Universe, l’un des grands génies du vingtième siècle. Plus de 500 travaux font partie de l’exposition. Cette prestigieuse collection nous montre d’importantes sculptures, de rares graphiques, des bijoux et des meubles. Nous tenons à vous rappeler que Dali explore trois thèmes : Sensualité et féminité, Religion et mythologie et Rêves et fantaisie. Le soir, nous avons invité Maude McCloud que nous avions connue à Vientiane au Laos pour prendre le repas avec nous. Ceux et celles qui nous lisent régulièrement se souviendront de cette dame de 80 ans avec qui j’avais (Jeanne-Mance) passé une journée au Laos. C’était très agréable de la revoir. Elle vient de fêter ses 81 ans et elle est toujours en pleine forme.
Le lendemain matin départ pour une autre journée et une autre famille Servas, celle de Renée et de son fils Genessee. Renee est travailleuse sociale auprès des familles d’accueil. Nous avons eu donc d’intéressantes discussions sur le système de soutien aux enfants en besoin de protection et le soutien aux familles d’accueil. Notamment le programme de formation pour celles-ci prévoit tout un volet pour les pères d’accueil et pour les enfants biologiques des familles d’accueil. Son fils a treize ans et joue de la guitare. C’est une jeune assez "allumé" comme on dit au Québec. Avec elle, Genessee et un de ses amis, nous sommes allés à un festival dans un parc, une activité où les gens de Londres participent. Ce n’est pas touristique et nous aimons beaucoup ce genre d’activités. Cela nous permet de voir les manières de vivre des gens de la place : les relations parents-enfants, les relations de couple, les activités locales, etc… et en plus, il faisait super beau !
Le lundi, nous nous sommes dirigés vers l’auberge de jeunesse où nous logions dans le quartier SoHo. Alors que Gilles travaillait, Jeanne-Mance en a profité pour visiter la rue Oxford et y faire du « shopping » puisqu’il s’agit de l’un des lieux les plus prisés des Londonniens et Londonniennes pour magasiner. Le quartier Soho, rappelons-le, est un quartier très multiculturel, un peu alternatif, qui est un lieu prisé des artistes et des écrivains, possiblement le plus coloré de Londres, avec pleins de boutiques et de restaurants. On y retrouve aussi le Chinatown et le quartier gai.
À trois reprises au cours du voyage, on m’avait parlé de Fathers Direct, qui est devenu depuis février dernier le Fatherhood Institute (http://www.fatherhoodinstitute.org). C’est ainsi que j'ai (Gilles) rencontré Adrienne Burgess, l’une des permanentes de l’institut chargée notamment du volet recherche. Le groupe existe depuis une quinzaine d’années. Il travaille sur le développement de politiques sociales qui reconnaissent la place des pères. Ils sont sept permanents, sans local comme tel, fonctionnant à partir de leurs domiciles respectifs, certains demeurent dans des villes relativement éloignées, mais ils sont toujours en contact par courriel, téléphone ou autrement tout en se réservant une réunion d’une journée complète aux trois semaines. Le groupe a développé différents volets, bien sûr tout l’aspect politique pour lequel Adrienne souligne qu’ils ont remporté de bons succès, mais aussi un travail pour implanter les politiques, ce qui est beaucoup plus complexe. En ce sens, ils élaborent des outils de soutien pour les intervenants et intervenantes, notamment en périnatalité pour les sages-femmes, ou encore pour les travailleurs sociaux qui œuvrent auprès des délinquants, ou encore qui outils qui visent des clientèles spécifiques comme les pères issus de familles immigrantes des Caraïbes, les pères prisonniers, etc. Leurs outils sont particulièrement bien faits et à chaque fois, bien appuyés par des données probantes provenant de résultats de recherche à jour. Bref, nous avons eu une discussion d’une couple d’heures qui a été passionnante sur les pratiques québécoises et anglaises dans le domaine. J’ai aussi vu quelques minutes son mari qui participe à un groupe d’hommes (groupe de parole) du même type que le RHQ depuis 25 ans, ce qui représente sans doute un record de longévité pour un groupe du genre.
Ensuite, j’ai rencontré Mathew Hodson du Gay Men’s Health Centre (http://www.gmfa.org.uk). Ce groupe est né dans les années 90 dans la foulée du travail contre l’épidémie de SIDA. La prévention du VIH/SIDA demeure un volet important de leur travail mais en fait, le groupe a développé une approche plus globale de la problématique. Ils travaillent de manière plus générale sur la santé sexuelle mais aussi dans une approche qui favorise l’appropriation du pouvoir. Ils font un travail plus général de sensibilisation et de promotion, mais aussi un travail plus spécifique auprès de communautés plus à risque ou moins rejointes par les campagnes usuelles, par exemple les gais de certaines minorités ethniques. Par leurs interventions, ils touchent aussi les bisexuels, mais le groupe demeure largement centré sur les réalités homosexuelles. En fait, les années Tacher ont, semble-t-il, amené plusieurs reculs pour les droits des gais, ce qui a été corrigé par la suite au cours des années 90, mais la communauté gaie demeure vigilante et craint qu’un élargissement aux bisexuels - ou encore aux MSM comme on parle souvent dans le travail en prévention du VIH/SIDA pour parler des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes même si plusieurs ne s’identifient pas comme homosexuels – soit utilisé pour limiter le soutien aux organismes dédiés à la communauté homosexuelle.
Puis mardi, nous nous sommes ensuite retrouvés chez Joanna et Richard, un autre couple Servas. Ce sont deux professeurs d’université, Richard en informatique et Joanna en sciences humaines. Ils ont une grande maison dans le quartier Harringay, un autre quartier très multiculturel où on retrouve notamment beaucoup de personnes originaires de la Turquie. Dans le cadre de son travail, Joanna élabore des outils de formation. Elle travaille pour l’université à distance (Open University). Comme elle a une formation en histoire, elle a développé plus spécifiquement la méthode du conte (storytelling) qui amène les personnes concernées à raconter leur histoire de vie. Elle a notamment travaillé sur un cours portant sur le placement d’enfants pour les travailleurs sociaux en utilisant cette méthode où un jeune homme raconte son histoire de placement. Le deuxième soir, nous sommes allés manger dans un restaurant du quartier servant de la cuisine du sud de l’Inde : pas trop épicée et délicieuse.
Pour notre dernière grande journée à Londres, nous avons fait une autre série de visites touristiques. Nous avons probablement marché un bon cinq kilomètres autour de l’auberge de jeunesse et de la rue St-Paul. Nous avons visité d’abord la Cathédrale St-Paul, qui date de 1400 ans. Elle demeure l’un des joyaux de la ville. Elle a été témoin du mariage de Lady Dy et du prince Charles et du quatre-vingtième anniversaire de la reine Élizabeth II. Nous sommes passés ensuite par un lieu de commémoration des soldats morts en mer lors des deux grandes guerres. Vingt-quatre mille noms sont inscrits sur des grands murs. C’est comme un cimetière où le respect et le silence sont de mise. Puis la Tour de Londres, un monument historique important. Elle a eu plusieurs fonctions au cours des années : prison, forteresse, etc. Le billet d’entrée était très cher (une trentaine de dollars chacun), nous nous sommes donc contentés de la regarder de l’extérieur. Mais nous avons pris la visite du Tower-Bridge. Ce pont date de 1894. Son mécanisme est fort ingénieux car il permettait aux piétons de continuer de le traverser en utilisant la section supérieure lorsque la section du bas était levée pour laisser passer les bateaux. Nous sommes arrêtés au Tate Modern Museum, une immense galerie d’art moderne ouverte en 2000 avec des expositions permanentes et d’autres qui sont temporaires. Il s’agit d’un musée très réputé dont au moins trois personnes nous avaient dit de ne pas manquer. Après, nous sommes revenus à l’auberge de jeunesse en passant par le Pont du Millénaire, un pont piétonnier ouvert en 2000. Ce pont a été fermé peu après son ouverture jusqu’à ce que l’on remédie au défaut de fabrication décelé, ce qui a pris trois ans. Nous avons terminé la journée par une soirée au théâtre en nous rendant voir Les misérables, ce drame musical que nous n’avions pas vu au Québec.

Réalités masculines en Angleterre
Malheureusement, notre séjour en Angleterre a été très court (13 jours), sans doute un peu trop court. De plus, nous l’avons dit, l’Angleterre est sans aucun doute le plus multiculturel des pays que nous avons visités. De ce point de vue, il est clair que les réalités masculines sont très diversifiées ce qui complexifie l’image que l’on peut en dresser. Dans ce contexte, le rappel des limites de ce genre d’exercice demeure important.
Cela étant dit, nous allons quand même tenter de dresser quelques grandes lignes plus générales.
Bien sûr, pour nous Québécois et Québécoises, lorsque nous pensons à l’Angleterre, nous référons assez rapidement à la monarchie et aussi à la reine Élizabeth II. Jusqu’à un certain point, cela donne un premier aperçu de l’état de ce pays en matière de relation entre les genres. Bien avant Élizabeth II, il y a aussi eu la reine Victoria qui a fait sa marque, bien autant que bien des rois. Autrement dit, il y a là un premier symbole d’une vision égalitaire où une femme peut occuper un poste de premier plan. Parmi les pays industrialisés, l’Angleterre a sans doute été l’un des premiers à élire une femme à la tête du pays avec Margareth Tatcher. Certains disent que son règne a par ailleurs nui considérablement à l’avancement de la cause des femmes : les positions de son gouvernement conservateur ont ramené l’Angleterre en arrière en matière de lois sociales, notamment nous a-t-on dit, en ce qui concerne les droits des gais et lesbiennes, donnant ainsi une image négative des femmes au pouvoir. Il n’en demeure pas moins que, si d’un côté l’Angleterre, à certains égards du moins, a toujours eu ses solides défenseurs du conservatisme, d’un autre côté elle a aussi ses personnes qui représentaient des images très fortes de la remise en question de la masculinité traditionnelle. Déjà dans les années 60 et 70, même si cela n’était pas exprimé ainsi, les Beatles ont clairement bousculé le modèle aristocratique de l’homme. Par son habillement, son maquillage et son homosexualité connue de tous, Boy George a aussi marqué. Et nous pourrions en nommer plusieurs autres, plus ou moins adulés, mais qui ont tous connu une forme de célébrité marquant ainsi en quelque sorte l’acceptation par la population de la différence, notamment sur le plan de l’orientation sexuelle. Même Tony Blair lors de son entrée au pouvoir à l’époque avait noté l’importance qu’il accordait à sa vie de père, ce qu’on a rarement entendu de la bouche d’un politicien. En ce sens, on peut comprendre qu’on y retrouve un important organisme financé par l’État pour soutenir le travail auprès des pères. Des pressions sont faites pour et s’assurer que cette dimension soit présente.et pour adapter les politiques aux réalités des pères. Certes, beaucoup demeure à faire pour voir à l’implantation de tout cela et s’assurer du soutien aux intervenants et intervenantes pour y arriver. Il n’en demeure pas moins que le congé de paternité de 15 jours lors de la naissance d’un enfant est largement utilisé et plusieurs pères, semble-t-il considèrent qu’il n’est pas suffisant (April & Romero, 2008). Notons qu’en Angleterre aussi, l’organisme Fathers for Justice est très présent et fait des démonstrations publiques du type « Batman » comme on connaît bien au Québec. Cela oblige les autres organismes qui travaille au soutien et à la promotion de l’engagement paternel à constamment se démarquer pour ne pas soulever de réaction négative au sein de la population.
Bien sûr, cela ne signifie pas que l’égalité des genres soit acquise. Le taux d’emploi des femmes atteint 70%, soit un taux relativement près de celui des hommes (79%) si on compare à plusieurs autres pays. Cependant, les femmes occupent souvent des emplois moins bien rémunérés de telle sorte que pour des emplois à temps complet, elles gagnent encore 29% de moins de l’heure que les hommes (Watson, 2006). Un peu comme chez nous, les garçons réussissent moins bien à l’école de telle sorte que seulement 49% des garçons (59% des filles) obtiennent une cinquième secondaire (Watson, 2006), soit dans les deux cas, des taux inférieurs à ceux du Québec. Selon l’Office national de la statistique (2004), les différences entre les genres s’amenuisent considérablement au fil des ans, mais il n’en demeure pas moins des écarts comme ceux que nous venons de parler mais aussi dans la vie quotidienne. Dans toutes les familles où nous sommes demeurés, les tâches domestiques étaient partagées, cependant il ne semble pas que ce soit le cas de toutes les familles anglaises. « La majorité des tâches domestiques et des soins des enfants demeurent encore la province des femmes », concluait une recherche du bureau de la statistique (ONS, 2006 : 1). Le taux de divorce augmente et du même coup le nombre de mères qui assument seules les soins des enfants (ONS, 2006). De plus, les hommes se distinguent clairement sur le plan de la criminalité (quatre fois plus que les femmes) et dans le cas des voies de fait, ils sont plus souvent victimes et aussi agresseurs (ONS, 2006). Bref, ce sont là quelques chiffres mais aussi des chiffres qui varient considérablement selon les origines ethniques il faut bien le dire.
L’Angleterre est sans doute le deuxième pays parmi ceux que nous avons visités où l’avancement du travail et de la réflexion sur les réalités masculines est le plus notable. Le gouvernement britannique n’a certes pas investi autant que le gouvernement australien et par le fait même, le niveau de services disponibles est nettement inférieur. Ce qui est fait en matière de santé des hommes est en ce sens très indicateur. On y retrouve un centre spécialisé qui développe de la recherche et des outils pour les intervenants (Conrad & White, 2007). Ce centre joue aussi un rôle important sur le plan européen. Alan White et son équipe sont particulièrement dynamiques. Ils approfondissent des dimensions de la santé des hommes encore peu explorées dont par exemple l’obésité (White & Pettifer, 2007). De plus, un réseau de groupes locaux s’est développé dans les grandes villes (du moins à Londres et à Leeds) pour sensibiliser les hommes à leur santé. En cette matière, les données les plus récentes disponibles placent le Royaume Uni de manière avantageuse comparativement aux autres pays industrialisés pour certains problèmes de santé. Par exemple, le taux de suicide chez les hommes de 15 à 24 ans était de 8,2 par tranche de 100 000 de population en 2002 comparativement à, selon les données de l’année 2000, 12,1 pour la France, 17 pour les États-Unis et 20,2 pour le Canada (White & Holmes, 2006). Il semble bien que, tout comme au Québec, le taux de suicide chez les hommes tend à diminuer en même temps que les professionnels notent une augmentation de la demande d’aide des hommes (Burgess, 2008, entretien personnel). Par contre, pour d’autres problèmes de santé, la situation de l’Angleterre est moins enviable pour ce qui concerne la mortalité chez les hommes de 35 à 44 ans à la suite d’une maladie cardiovasculaire, dont le taux par 100 000 de population atteignait 36 en 2002 comparativement pour l’an 2000 à 30,7 en France, 50,3 aux États-Unis et 25,3 au Canada. (White & Holmes, 2006). Par ailleurs, l’espérance de vie des hommes est de 70 ans et celui des femmes de 80 ans (ONS, 2006), soit un peu moins que ce que nous connaissons au Québec. De plus en plus, des travaux sont faits pour mieux identifier comment la dépression se profile chez les hommes et s’assurer qu’elle est bien dépistée par les professionnels de la santé (Branney & White, 2007, 2008). De plus, des travaux permettent de mieux comprendre les représentations de la masculinité qui interfèrent dans la demande d’aide des hommes mais aussi dans l’interprétation que les professionnels font des problèmes que les hommes vivent (Robertson, non daté, 2006, 2007).
En matière de violence conjugale, le gouvernement britannique a adopté une nouvelle loi en 2004 et du même souffle a renforcé son réseau de services qui semble bien implanté tant en ce qui concerne le soutien aux victimes que celui offert aux hommes aux comportements violents. Notamment, le gouvernement a mis en place une ligne d’écoute pour ceux qui commettent ou ont peur de commettre des abus en plus de celle qui existait déjà pour les personnes qui sont victimes de violence (Bristish Government, 2005).
Enfin, nous avons ouvert quelque peu sur les réalités des hommes bisexuels et gais en parlant notamment d’artistes comme Boy George. L’Angleterre est bien connue pour son ouverture sur ce plan. Du moins, la situation semble avoir évolué positivement depuis le milieu des années 90 après la fin du règne du gouvernement conservateur et des suites de l’époque Tatcher. Le mouvement gai demeure cependant sur ses gardes de peur qu’un autre recul puisse arriver à nouveau. De plus, le réseau de services pour les gais est visiblement bien en place. Le mariage de conjoint demeure cependant illégal, mais il est remplacé par un contrat de partnership. Comme peu d’hommes homosexuels pratiquent une religion (70% ne sont pas pratiquants selon une enquête), cela ne représente pas une revendication pour eux actuellement.

Remerciements :
Nous tenons à remercier les familles Servas qui nous ont hébergés chaleureusement : Roger et Hannah à Leeds, Chris et Fiona, Renée et Genessee, de même que Joanna et Richard à Londres. Un merci aux collègues avec qui les échanges ont été très fructueux : Alan White, Steve Robertson et Peter Branney. Un merci spécial à Peter et Jane pour la visite à la mine et au parc des arts et de nous avoir accueillis chez eux où nous avons pu échanger davantage. Merci à Adrienne Burgess du Fatherhood Institute et à Matthew Hodson du Gay Men’s Health Centre. Merci aussi à Maud que nous avons bien aimé revoir.

Références
Abril, P. & Romero, A. (2008). Including men into work-life balance: Fostering caring masculinities. QMIP Newsletter (5) 11-15. The British Psychological Society.

Branney, P. & White, A. (2007). Why do men die younger? HCPJ, july.
Branney, P. & White, A. (2008). Big boys don’t cry: Depression in men. Advances in Psychiatric Treatment, 14.
Bristih Government (2005). Domestic violence: A national report. London: Bristih Government.
Conrad, D. & White, A. (ed.) (2007). Men’s health. How to do it. Oxford & New York: Radcliffe.
Office for National Statistics (2004). Focus on Gender. London: Office for National Statistics.
Robertson, S. (non date). Lay men’s and health professionals’ beliefs about masculinity and preventative health care. Final Report for NHS Executive Northwest R&W Fellowship Award. Lancaster : Lancaster University.
Robertson, S. (2006). Masculinity and Reflexivity in Health Research with Men. Auto/Biography (14) 1-18.
Robertson, S (2007). Understanding Men and Health – Masculinities, Identity and Well-Being. Bekshire (UK): Open University Press.
Watson, J. (sous la présidence de ) (2006). Facts abour Men & Women in Great Britain. London: Equal Opportunities Commission.
White, A. & Pettifer, M. (ed.) (2007). Hazardous Waist. Tackling male weight problems. Oxford & New York: Radcliffe.
White, A. & White, M. (2006). Patterns of mortality across 44 countries among men and women ages 15-44 years. Journal of Men’s Health and Gender, 3 (2) 139-151.