lundi 21 janvier 2008

18e envoi - La Thaïlande





































18e envoi : La Thaïlande
Outre les escales à Bangkok, nous avons visité la Thaïlande en deux temps : d’abord quatre jours à Chiang Mai, dans le nord, avant d’aller au Laos, Viêt Nam et Cambodge, puis une deuxième fois en allant sur une île au sud de Bangkok, Kho Samet et dans la capitale, Bangkok. Notre expérience dans ce pays a donc été entrecoupée, ce qui joue aussi sur l’impression générale. De plus, c’est aussi le seul pays où le hasard a fait en sorte que se sont déroulées quelques petites expériences moins agréables.

Quelques données générales
Contrairement aux trois autres pays du Sud-est asiatique que nous avons visités, la Thaïlande n’a pas connu de guerre au cours des dernières décennies. Elle a été affectée par la Deuxième grande guerre mondiale, notamment par une invasion par le Japon, mais autrement, c’est un pays qui est demeuré en paix, donc qui n’a pas à se reconstruire comme les trois pays voisins visités. Plus encore, ce pays a permis l’établissement de bases américaines sur son sol lors de la Guerre américaine au Viêt Nam, ce qui lui a amené des retombées importantes sur le plan économique. Enfin, c’est un pays qui est reconnu pour posséder des plages qui sont parmi les plus belles du monde, avec un sable d’une excellente qualité. Plusieurs stations balnéaires sont considérées comme de petits paradis terrestres, ce qui amène un grand nombre de touristes et donc des retombées économiques. Dans cette vague s’inscrit sans doute aussi un côté plus pernicieux, celui du tourisme sexuel, puisque la Thaïlande est reconnue comme l’une des premières destinations au monde en cette matière. Enfin, Bangkok est l’un des carrefours importants dans la région du sud-est asiatique, servant souvent de lieu de transit pour les transports aériens notamment et aussi comme siège de nombreux bureaux internationaux. Tout cela fait en sorte que c’est un pays relativement « riche » à côté des pays voisins, du moins ceux que nous avons visités, tout en demeurant un pays en émergence, bien sûr. On peut le constater aussi par le nombre de touristes Thaïlandais que nous avons rencontrés dans les autres pays, les habitants des pays voisins n’ayant pas suffisamment de sous pour voyager. On le voit aussi par la qualité des infrastructures (métro, etc.), par la mécanisation de la réfections des routes, par les grands édifices, etc. Cela n’empêche pas que, même si elles sont moins apparentes, on retrouve des zones de grande pauvreté. C’est le cas notamment de certaines ethnies dans le Nord du pays en particulier, mais aussi de certaines zones comme celle que nous avons vue en banlieue de Bangkok.
C’est aussi le pays parmi les quatre qui est de loin le plus « occidentalisé ». Bangkok ressemble beaucoup à une grande métropole avec ses autoroutes suspendues, les congestions automobiles, son métro et son sky train ultramodernes et ses nombreux néons. Le rythme de vie y est aussi plus rapide comparativement aux autres métropoles et capitales du Sud-est asiatique. Hormis dans les grands restaurants et hôtels chics où on retrouve des femmes habillées avec un costume traditionnel, tout le monde est habillé à peu près comme chez nous, incluant les jupes courtes, les camisoles et les décolletés pour les femmes, et le jean, bermuda ou camisole pour les hommes, même le pantalon porté à la fourche dans le cas des jeunes. Plus encore, les grandes chaînes de restaurants « fast food » s’y retrouvent (McDo, PFK, Subway, etc.) avec aussi son complément… un nombre croissant de personnes en surpoids. Cela nous a marqué de constater le nombre de personnes en surplus de poids ici comparativement aux pays voisins où le phénomène est beaucoup plus rare. Bref, c’est nettement le plus occidentalisé des pays du Sud-est asiatique que nous avons visités.

Chiang Mai
Lorsque nous disions que nous avions eu quelques petits pépins avec la Thaïlande, cela n’est pas nécessairement lié au pays. Par exemple, le premier petit pépin est venu de l’agence de voyage en Inde. Nous avions demandé un voyage en avion de Varanasi à Chiang Mai. L’agent de voyage nous avait répondu que cela ne se faisait pas, qu’il fallait acheter deux portions différentes (Varanasi-Bangkok et Bangkok-Chiang Mai) et qu’il ne pouvait assumer la deuxième. Nous avons donc acheté un billet séparé par nous-mêmes sur Internet à la dernière minute mais cela impliquait un coucher à Bangkok et donc des frais supplémentaires. Cependant, le même avion qui nous a amenés à Bangkok poursuivait sa route ensuite… à quel endroit vous pensez ? Vous avez bien deviné ! Nous avons donc dû payer inutilement le taxi pour les transferts (l’aéroport est loin de la ville) et hôtel pour repartir tôt le lendemain matin…
Chiang Mai est probablement la ville la plus touristique du Nord du pays. Elle est le point de départ du Triangle d’Or. C’est une ville relativement calme entourée de canaux. Deux cent mille personnes seulement vivent à Chiang Mai. Le samedi et surtout le dimanche soirs, la ville s’anime autour du marché, deux marchés de soir qui se ressemblent mais celui du dimanche est encore plus grand et plus animé. Les gens des villages environnants y viennent pour y vendre un peu de tout, dont leur artisanat. De 16h00 à 23h00, la foule se promène autour des multiples petits kiosques pour y négocier des achats à bas prix. C’est à voir! Mais aussi, il faut se retenir car les bas prix et les belles choses nous amènent à dépenser…
De plus, on retrouve un peu partout dans la ville de petits salons de massage où les gens se font masser les pieds, ou tout le corps (massage Thai tout habillé), tous enlignés sur des fauteuils, parfois installés à même le trottoir. C’est comme ci toute la ville se fait masser… Amusant!
Pour nous, le passage à Chiang Mai a surtout été une période de repos. L’Inde avait été fort stimulante mais aussi épuisante. Ces quatre jours de repos nous ont été profitables pour le reste de notre séjour dans l’Asie du sud-est. Nous logions dans une petite auberge de jeunesse à 10 minutes du centre-ville, donc éloignée du bruit, de la circulation, bref ce dont nous avions besoin pour refaire le plein.
Nous avons quand même payé un taxi pour aller voir le camp des éléphants et une ferme d’orchidées. Cependant, nous sommes arrivés au camp des éléphants alors que la barrière venait d’être fermée, le chauffeur de taxi s’était trompé (?) au sujet des heures d’ouverture. Vous imaginez ma (Jeanne-Mance) déception. Autre petit pépin, quoi! Le jardin d’orchidées (j’ (Gilles) en ai quelques unes à la maison) ne valait pas le déplacement. J’aurais (Jeanne-Mance) pu suivre de cours de cuisine, prendre des tours pour aller visiter des villages et bien non…on est resté sagement à l’auberge.
Kho Samet
À nouveau, il nous fallait faire un transit par Bangkok. L’hôtel n’avait pas confirmé et n’offrait pas de service pour nous prendre à l’aéroport. Sur place, tard le soir, il nous a fallu négocier le prix du taxi qui, au premier prix qui nous était donné, revenait à 10 fois le prix de ce que nous avions payé les fois précédentes. Finalement, nous avons accepté une offre d’un « tout compris », incluant une chambre d’hôtel, le déjeuner, et les transferts de l’aéroport à l’hôtel puis le lendemain vers le terminus d’autobus. La première partie s’est bien déroulée mais nous avons eu à négocier le lendemain pour aller au bon terminus d’autobus (il y en a plusieurs) pour pouvoir prendre le bus requis pour Ban Phe et de là le bateau pour Kho Samet. J’ (Gilles) ai dû me choquer mais nous y sommes arrivés. L’autobus a pris un peu plus de quatre heures (et non pas trois comme cela était annoncé), puis le bateau environ une demi-heure. Nous avions réservé une chambre dans un hôtel par Internet mais nous n’avions pas reçu de confirmation. Une fois sur place, le prix était plus du double que celui indiqué sur Internet. Mais nous avons trouvé rapidement quelque chose de très bien ailleurs à prix abordable, le Samet Green Inn, bien situé à trois minutes de la plage.
Kho Samet nous permettait aussi un peu de repos et du temps pour que Gilles se mette à jour sur le plan du travail pendant que Jeanne-Mance … relaxait à la plage (elle est en vacances, elle!). Kho Samet est une des plages les plus fréquentées par les gens de Bangkok, l’une où on retrouve un peu moins de touristes, comparativement aux principales destinations comme Phuket ou encore Kho Samui. Bien sûr, c’est très relatif. Cela a été aussi une première occasion pour nous de constater l’ampleur du tourisme sexuel, même si le nombre d’Occidentaux était limité. C’est quand même impressionnant de voir la quantité d’hommes Occidentaux accompagnés d’une belle jeune escorte Thaïlandaise surtout, quoiqu’on a pu voir quelques femmes Occidentales accompagnées d’un charmant jeune Thaïlandais. Heureusement, elles semblaient toutes être d’âge adulte.
On a aussi profité des soupers au bord de la plage avec des spectacles : chansonniers, « hommes de feu », lanternes qui montent vers le ciel, feux d’artifices. Il faut dire aussi que cela correspondait au Nouvel An Thaïlandais. Que dire de plus sur Kho Samet sinon plages, soleil, sable blanc, bonne bouffe et fermer les yeux sur le tourisme sexuel (c’est dur pour une féministe!).

Bangkok
Nous avons passé la semaine qui suit à Bangkok. Au moment où nous sommes arrivés à Bangkok, la sœur du roi venait de décéder. On a pu voir le sentiment patriotique qui habite les habitants de Bangkok. Par exemple, de grandes photos de la défunte arpentaient les rues. Le jour des funérailles les rues à proximité du Royal Palace et du Wat Pho étaient bloquées, très difficile de circuler, des rubans blancs et noirs étaient accrochés dans les principaux édifices. J’(Jeanne-Mance) ai entendu quelqu’un me dire :« La sœur de mon roi est décédée ». Plusieurs personnes s’étaient habillées en noir pour souligner l’événement. Nous nous sommes retrouvés à l’auberge de jeunesse Sukhumvit 25. Une auberge très bien, avec Internet dans la chambre, un personnel très gentil, et un très bon restaurant italien sur place dont le personnel était particulièrement sympathique. Nous avons placoté avec eux et ils nous ont fait plusieurs recommandations. Le propriétaire est un Italien installé en Thaïlande depuis 14 ans et à Bangkok depuis sept ans et sa conjointe, une Polonaise d’origine. Il parle sept langues dont le Français, c’était donc très facile pour nous d’entretenir la conversation avec lui.
D’ailleurs mon attention (Jeanne-Mance) a été attirée par le nombre de personnes Occidentales qui vivent à Bangkok. Elles semblent bien installées, bien connaître la ville et n’ont absolument pas l’allure de touristes. Tel que nous le disions plus haut, Bangkok est le siège de plusieurs organisations d’aide humanitaire, de compagnies, etc. Nous avons rencontré des gens de l’Italie qui vivent à Bangkok depuis 15 et 5 ans, une femme de la Pologne depuis 14 ans, une française depuis 9 ans. Bref, il n’est pas rare de constater cette situation.
Le soir de notre arrivée, il y avait un cours de tango dans la cour du restaurant. Nous avons donc admiré ces apprentis danseurs et danseuses, dont certains sont assez remarquables il faut le dire.
J’ (Gilles) ai profité de ce temps pour préparer ma présentation à Tokyo sur la protection de la jeunesse au Québec. J’ai aussi fait les contrôles pour les suites de la mauvaise bronchite que j’avais eue en Inde (radiographies, etc.). Je me suis donc présenté à l’un des hôpitaux recommandés par l’Ambassade du Canada. Il s’agit d’un hôpital ultramoderne, très bien équipé, matériel à la fine pointe, extrêmement propre. Le service était aussi excellent, avec un Anglais impeccable et j’aurais même pu avoir accès à un interprète pour le français si j’avais voulu. Un hôpital qui rendrait jaloux le ministre de Santé et des Services sociaux du Québec. On comprend pourquoi Bangkok est devenu une destination médicale pour des Européens et des Américains qui y trouvent des services de haut calibre à moindres frais que chez eux.
Nous avons rencontré le Dr Rutt Chuachoowong de la clinique MSM. La rencontre a eu lieu à la clinique. Il y a eu ici une anecdote assez spéciale : j’ (Gilles) avais rendez-vous avec lui et sa collègue qui fait de la recherche en sciences sociales sur le sujet à 9h00. Je me suis pointé à l’hôpital en question à 9h00 AM demandant les indications pour aller à la TUC (l’autre clinique où travaille ce médecin et qu’il m’avait dit qu’il y serait ce matin-là). J’ai demandé à quelques occasions et on m’a toujours envoyé au même endroit, qui correspond en fait (je l’ai bien su ensuite) à la clinique MSM, et non la clinique TUC. Mais comme tout est indiqué en Thaï, je ne peux que me fier au personnel de l’hôpital, même si je suis un peu sceptique. Les gens me répètent que la clinique n’ouvre qu’à 17h00 le soir mais je répète à chaque fois que j’ai bien un rendez-vous avec le médecin en question et sa collègue, l’infirmière me dit de l’attendre dans la salle d’attente. Vers 9h10, voyant qu’il n’arrivait toujours pas, je l’appelle. Pas de réponse à son bureau, j’appelle donc sur son téléphone mobile dont il m’avait donné le numéro en demandant à parler au Dr Chuachoowang. On me répond que je me suis trompé que le rendez-vous n’est pas à 9h00 AM mais bien à 9h00 PM. Je m’excuse et j’indique que je reviendrai à 9h00 PM. À 9h00 PM, je suis de retour, cette fois avec Jeanne-Mance puisque nous revenons d’une autre course ensemble. J’explique que j’ai un rendez-vous avec le Dr Chachoowang et la secrétaire me fait signe que c’est ok, comme si elle m’attendait et elle me demande d’attendre dans la salle d’attente. Quelques minutes plus tard, elle me demande d’aller à l’ordinateur pour compléter un questionnaire avant la rencontre, ce que je fais sans hésitation, un peu surpris cependant. Puis, comme 9h00 passait, je retourne au comptoir disant à la secrétaire, j’ai bien un rendez-vous avec le Dr Chuachoowang, je suis Gilles Tremblay de l’Université Laval, on doit discuter ensemble de son travail et, sur l’entre-fait, le médecin en question apparaît, se présentant et me disant qu’il est surpris car il m’attendait avec sa collègue ce matin à 9h00 AM! Je lui indique toutes mes démarches et on comprend que la personne qui a répondu sur le téléphone mobile n’était pas lui mais bien le coordonnateur clinique qui m’avait pris pour un client! Et cette personne avait inscrit mon nom dans l’ordinateur comme si j’étais un client. C’est bien pour cela que la secrétaire l’avait à l’ordinateur. Précisons que la clinique en question en est une de dépistage du VIH Sida. Bien sûr tout cela doit être mis en perspective du fait que la plupart du personnel de l’hôpital parle essentiellement Thaï et que seulement quelques personnes se débrouillent en Anglais, avec, il faut bien le dire, des ratés. J’ai alors bien apprécié que le Gouvernement Canadien fasse des recommandations qui tiennent compte de la langue, ce qui m’a permis d’être bien servi en Anglais à l’autre hôpital.
Heureusement, le Dr Chuacoowang parle un excellent Anglais. Il nous a donc expliqué le fonctionnement de la clinique qui inclut un volet dépistage anonyme (dont j’ai pu comprendre les rouages en les testant moi-même par la force des choses) et aussi tout un travail de « reaching out » par un travailleur de rue qui va dans les bars, les lieux de dragues, etc. et y fait la promotion de la clinique mais aussi le recrutement pour leur recherche. L’équipe suit 1 000 hommes (MSM) depuis deux ans. Malheureusement, 20% environ de cette cohorte est infectée du VIH depuis le début du suivi. Cette recherche ressemble de très près à la celle de la Cohorte Oméga à Montréal pour ceux et celles qui connaissent un peu la recherche sur le VIH-SIDA au Québec. L’équipe recherche activement les moyens les plus efficaces pour faire en sorte que les hommes utilisent le condom et adoptent des pratiques sexuelles sans risque. Malgré toutes les difficultés pour se rencontrer et l’heure tardive de la rencontre, l’échange a été fort intéressant. J’ai aussi complété l’information le surlendemain par une entrevue avec un homme qui fait partie de cette clientèle. Jeanne-Mance a bien ri de la situation, mais Gilles un peu moins compte-tenu que j’ai manqué la rencontre avec la chercheure.
Enfin, on a fait aussi la connaissance d’un homme assez particulier, un chauffeur de taxi et guide. Il nous a appris plein de choses sur son pays et sur Bangkok en particulier, mais surtout il nous a marqués par sa vivacité d’esprit. Cet homme achève un baccalauréat en sciences politiques qu’il suit à temps partiel tout en travaillant. Il doit sûrement très bien réussir ses études puisqu’il est très allumé. Il poursuit ces études non pas pour travailler dans ce domaine mais pour pouvoir bien connaître les pays d’où proviennent ses clients et avoir de bonnes conversations avec eux. Il faut le faire! Il adore son métier. Nous voulions souper dans un restaurant situé sur le haut d’un building (un peu comme le Condorde à Québec). Il nous a conseillé plutôt un souper sur un bateau. J’(Jeanne-Mance) ai eu l’occasion de danser avec deux Coréens sur le bateau, très bons danseurs d’ailleurs.
Il nous a conduit pour aller chercher le complet sur mesures que je (Gilles) me suis fait faire. Il faut dire que je me suis laissé tenter étant donné que ce genre d’habit ce vend peut-être 10 fois plus cher chez nous. Imaginez : un complet trois pièces en cachemire et soie avec deux belles chemises assorties (sur mesures aussi) et une cravate pour 162$! Et la coupe est superbe et originale en plus! Après cela, nous sommes allés souper sur un bateau qui se promène sur la rivière près du Wat Phô, du Dawn Temple et du Royal Palace avec buffet agrémenté par une chansonnière.
J’(Jeanne-Mance) ai suivi des cours de cuisine thailandaise à l’école de cuisine Bai Pai. Nous n’étions que six élèves. Quel plaisir! J’ai rencontré là deux personnes de Londres qui opère un restaurant. Nous irons sûrement prendre une bouffe à ce restaurant à Londres. Sa conjointe ne cuisine absolument pas et elle n’aime pas cela et ne veut pas apprendre. Elle était là pour accompagner son mari qui lui, adore la cuisine. Un autre de l’Afrique du Sud qui, comme « par hasard », demeure dans une ville que nous visiterons. Il nous a fortement invités à le contacter. J’ai peu échangé avec les deux autres personnes. Nous avons cuisiné quatre plats mais malheureusement pas de dessert thailandais.
Autre activité pour Jeanne-Mance : la visite du Tiger Temple. Ces moines élèvent des tigres. Ce monastère est situé assez loin de Bangkok (trois heures en autobus) et un peu isolé. Il y a 20 ans, deux tigres et un bébé tigre ont été trouvés. Un chasseur a tué les deux parents. Un villageois a amené le bébé chez les moines pour en prendre soin. Ce qui fut fait. Par la suite, la population, voyant le succès de l’élevage amenait divers animaux chez ces moines. C’est ainsi que nous retrouvons des vaches, des chevreuils, des cochons, un ours noir (oui, oui, oui : un ours noir!), des coqs et des….tigres qui sont maintenant au nombre de 24. Il y avait quatre bébés tigres de seulement 15 jours nés d’une même portée. Fait assez rare semble-t-il. Cette place est devenue un attrait touristique. On peut prendre des photos avec un tigre de quatre mois seulement et des tigres adultes. Le tout est sous haute surveillance car il n’en demeure pas moins qu’ils sont des animaux sauvages. Par exemple, pour prendre les photos avec les tigres adultes, nous formons une grande ligne et les consignes sont très claires. On vient nous chercher un par un par la main après nous avoir dépouillés de nos lunettes, nos bouteilles d’eau, nos sacs à dos. Ce sont les guides qui prennent les photos (sans flash) et, par la suite, on nous ramène hors de danger. J’oubliais de vous dire que le rouge est la couleur à ne pas porter lorsque nous visitons les tigres. À ce moment, je pensais beaucoup à mes deux petits enfants, Manou et Élie, à qui je dédie cette visite.
J’ai (Jeanne-mance) également visité le marché flottant. C’est carrément des gens en bateau qui vendent leurs produits de toutes sortes allant des fruits et des poissons, aux chapeaux et plats préparés. Très joli à voir!
Nous sommes restés une semaine à Bangkok. C’est très intéressant de s’implanter, de s’accrocher les pieds quelque part. Nous avons le temps de jaser avec les gens, de prendre notre déjeuner à la même place, de se faire dire « votre mari est parti » ou encore « où est votre femme? ». C’est comme si on fait partie du coin, du quartier.

Commentaires sur les hommes en Thaïlande
Comme pour les autres pays, nous tenons à relativiser nos commentaires. Notre séjour en Thaïlande a été court, divisé en deux en plus, le nombre d’entrevues réalisées a été très limité malheureusement et un seul chercheur a été rencontré, et ses recherches portent sur un aspect très spécifique. J’ (Gilles) ai trouvé quelques articles sur Internet qui alimentent aussi la réflexion, mais cela ne constitue pas pour autant une recherche exhaustive sur le sujet.
Comme le dit si bien un document trouvé sur Internet, la Thaïlande est à la fois un pays conservateur et moderne sur le plan des valeurs et de la culture (Thaï Family, non daté). Sans doute aussi que les valeurs dites « modernes », occidentales devrions-nous dire, gagnent rapidement en importance dans ce pays en développement accéléré, surtout dans la capitale, Bangkok. Ainsi, les hommes occupent toujours le premier rang dans cette société bouddhiste, même si les femmes sont de plus en plus présentes dans toutes les sphères et que le gouvernement fait des efforts pour favoriser qu’elles aient le même statut que les hommes et qu’elles soient de plus en plus présentes aux diverses instances de décision de l’appareil gouvernemental, notamment à la Chambre des représentants. Cela demeure où société où on s’attend que l’homme travaille et fasse vivre sa famille, selon le mode plus traditionnel. Les tâches ménagères et les soins des enfants demeurent sous la responsabilité des femmes quoique, de nos jours, « plusieurs hommes aident aux tâches ménagères » (traduction libre, Thaï Family). Sur le plan légal, ce n’est que récemment que les femmes ont le droit de demander le divorce alors que c’était le cas déjà pour les hommes bien avant. Il a eu un débat en 2007 sur le viol conjugal qui a mené à une loi en cette matière car une femme ne pouvait poursuivre son mari en cette matière auparavant, cela étant encore perçu comme « une expression d’amour ». Autre preuve de l’avancement de la condition des femmes, elles forment maintenant 50% de la population étudiante universitaire.
Un proverbe thaïlandais dit que les hommes sont comme les jambes avant d’un éléphant et les femmes les jambes arrière, marquant ainsi que c’est à l’homme de décider et à la femme de suivre. Les hommes Thaïlandais sont réputés aimer se retrouver entre amis (le masculin est ici important) ou collègues, prendre un verre, rencontrer les travailleuses du sexe et rentrer tard à la maison, ce qui serait l’une des plaintes les plus importantes de leurs conjointes d’ailleurs. Plusieurs Thaïlandaises préfèreraient se marier avec un étranger pour deux raisons : les Occidentaux sont réputés être plus romantiques, plus attentifs à leurs conjointes et plus présents à leurs familles que les hommes Thaïlandais et aussi, il faut bien le dire, ils ont souvent plus d’argent. Un homme rencontré nous a raconté qu’il s’était fiancé il y a quelques années, mais que sa future conjointe a décidé de le laisser pour un étranger ayant deux fois son âge. Il considère que les hommes Thaïlandais avec leurs revenus moindres ne peuvent compétitionner avec les étrangers sur ce plan et il fait maintenant le deuil d’une vie conjugale. Sur le site Thaï Family, on rapporte une enquête de 2001 sur la polygamie qui indique que ce sont surtout des hommes d’affaires qui entretiennent une deuxième femme (parfois plus que deux). L’étude rapporte, semble-t-il, que ce sont surtout des jeunes femmes de 20 à 30 ans marquées par l’insécurité, même si elles ont souvent un cours collégial. La peur du SIDA ferait en sorte que les hommes préfèreraient avoir une amante stable que d’aller voir les prostituées. Cependant, le même texte dit que le nombre de bordels typiquement pour les Thaïlandais serait en hausse (Thaï Family). Il semble d’ailleurs qu’ « un garçon de 15 ans n’est considéré « un vrai homme » que lorsqu’il a visité une travailleuse du sexe » (traduction libre de Hata, 1995 dans Zoll, non daté). Notons que le gouvernement estime qu’il y a 60 à 70 nouvelles infections au VIH par jour (Pusaksrikit & Barnes, 2004), il y a donc de quoi s’inquiéter à ce sujet. Il semble que, malgré tout, les campagnes pour le port du condom marque des pas dans ce pays, notamment parce qu’elles ont su s’adapter à la culture locale en intégrant la notion de plaisir qui prend ici une grande place semble-t-il et qui est appelé « sanuk » (McAndrew, 2000).
Sur le plan de la santé, les Thaïlandais se portent relativement bien comparativement à leurs voisins. L’espérance de vie pour un homme est de 70 ans et elle est de 74 ans pour une femme. L’usage de la cigarette est nettement un phénomène masculin puisqu’il demeure mal vu dans les pays bouddhistes qu’une femme fume. Selon la Oncological (cancer) Society of Thailand, le cancer du poumon (principalement causé par l’usage de la cigarette) tue en moyenne 19 Thaïlandais par jour (Pusaksrikit & Barnes, 2004). Dès l’adolescence, les garçons apprennent à consommer de l’alcool, de telle sorte que la Thai Health Promotion Foundation estime que 1,06 millions de garçons (moins de 18 ans) consomment de l’alcool régulièrement. Un peu comme au Québec, le problème serait en hausse rapide chez les filles (Pusaksrikit & Barnes, 2004), tout en demeurant une réalité nettement moins présente que chez les garçons. L’alcoolisme serait en hausse majeure chez les hommes en général d’ailleurs (Assanangkornchai, Saunders & Conigrave, 2000). La Thaïlande présente aussi un haut taux d’accidents de la route, dont l’une des premières causes serait la conduite en état d’ébriété, les hommes sont, bien sûr, surreprésentés dans ce domaine.
Un peu comme dans les pays voisins, on retrouve, de manière encore plus visible, des katoeys, ou lady-boys comme on les appelle en Anglais. Ils ou elles (certaines de ces personnes fonctionnent un peu plus en hommes et d’autres nettement en femmes) sont, à première vue, bien intégrés dans la société. Par exemple, dans la même journée, on en a côtoyé trois qui occupaient diverses fonctions dans des commerces. On a appris par la suite, qu’il s’agit davantage d’une question de tolérance qu’une réelle acceptation ou intégration. Le Bouddhisme, faut-il le rappeler, est une religion qui insiste sur l’importance de la tolérance. On retrouve aussi toute une panoplie de styles chez les hommes. Par exemple, sans que ce soit un très grand nombre, il n’est pas rare de voir certains maquillés ou encore avec du fond de teint pour se pâlir la peau. À Bangkok en particulier, les boutiques de vêtements pour hommes sont nombreuses. Il faut dire aussi que le prix d’un habit sur mesures ne se compare pas à ce qu’on voit au Québec. Il en coûte environ 9 à 10 fois moins pour un habit de grande qualité. Parmi les quatre pays du Sud-est asiatique que nous avons visité, la Thaïlande est sans doute le pays où l’homosexualité est la mieux acceptée. Bien sûr, il ne s’agit pas d’expression ouverte, tout demeure relativement discret, quoique, parfois, surtout à la plage, avec des étrangers, des comportements un peu plus évidents, comme cela l’est aussi pour les femmes qui se tiennent avec des étrangers. Selon le Dr Chuachoowong, plusieurs des hommes que l’on voit ainsi avec des étrangers sont en fait des hommes qui mènent une vie hétérosexuelle et qui deviennent travailleurs du sexe pour y récolter des sous. En parallèle, nous dit-il, les hommes homosexuels des régions ont tendance à émigrer vers Bangkok pour ne pas que leur famille soit au courant alors que ceux de Bangkok auraient tendance à s’en aller vivre dans d’autres grandes villes comme Singapore. Mais il semble bien que peu à peu une communauté gaie s’organise de telle sorte qu’il y a maintenant deux associations actives à Bangkok. L’équipe qui travaille en prévention du VIH auprès de cette clientèle doit travailler fort pour les rejoindre (Jommaroeng & Kanggarnrua, 2004). Ces efforts marquent des points importants puisqu’elle a réussi, de concert avec les organismes du milieu gai, à recruter une cohorte de 1000 hommes à Bangkok et les environs qu’elle suit depuis deux ans. Malheureusement, un groupe important (20% environ) est maintenant infecté (Chuachoowong, entretien personnel 2008).
Sur le plan de la demande d’aide, un peu comme chez nous, les hommes demandent moins souvent d’aide que les femmes et arrivent plus souvent à la dernière minute présentant une symptomatologie plus sévère. Il faut dire que, de manière générale, la culture (et aussi le manque de sous) fait en sorte que les gens attentent plus tard ou tentent davantage de corriger la situation par eux-mêmes avant de consulter. Mais il demeure que moins d’hommes que de femmes (18% c. 23%) utilisent les centres de santé, les femmes se présentent d’abord à une clinique alors que les hommes se rendent souvent directement à l’urgence de l’hôpital (Semsri, Pummanpuen & Panya-Ngam, daté en Thaï).

Quelques notes sur le tourisme dans le Sud-est asiatique
Le Laos et le Cambodge ont signé des ententes de collaboration sur le plan du tourisme. Il s’agit de deux pays très pauvres pour qui le tourisme représente une source de revenu importante. Dans les deux cas, les pays visent un tourisme responsable. C’est intéressant de voir par exemple une promotion contre le tourisme sexuel qui exploite les enfants. On voit à Phnom Penh des affiches sur les tuk-tuks, des dépliants dans les hôtels, bref, on sent une volonté de dénoncer et d’arrêter ce fléau. Ces pays sont aussi très actifs dans la lutte au trafic de femmes. Aussi, il y a toute une organisation pour favoriser l’éco-tourisme et le tourisme responsable. C’était plus évident à Luang Prabang, mais c’était aussi présent à Phnom Penh et à Siem Reap. Notamment des coopératives artisanales de femmes ou encore de personnes handicapées sont mises sur pied, on voit des tours organisés qui s’assurent qu’une part importante des bénéfices revienne aux villages impliqués, on a déjà parlé des restaurants Friends International, mais aussi des musiciens handicapés à la suite des bombes anti-personnelles regroupés en coopérative pour produire des spectacles et cd. Bref, des aspects très positifs.
Cela n’empêche pas bien sûr, de voir parfois, un homme occidental, souvent d’âge mur, accompagné d’une jeune femme locale qui lui sert de « guide » personnel pour ne pas dire d’escorte. Parfois, c’est une femme occidentale avec un jeune homme local. D’autres fois, c’est un homme d’âge mûr avec un jeune homme local. Cela est plus particulièrement visible en Thaïlande comme on en a parlé plus haut, mais c’est aussi présent dans les autres pays du Sud-est asiatique. La différence de couleur de peau rend sans doute la chose plus évidente. Mais au moins quand cela se fait entre adultes, c’est déjà ça. À ce propos, lorsqu’on aime bien recevoir un bon massage, disons aussi qu’il faut sans aucun doute bien distinguer le type de massage puisque, comme le souligne le Lonely Planet sur le Viêt Nam et le Routard sur le Laos et le Cambodge et la Thaïlande, il existe bien deux formes de massage ici comme d’ailleurs chez nous au Québec, soit une simple porte d’entrée cachant une offre sexuelle et le véritable massage.
Références
Assanangkornchai, S., Saunders, J.B. & Conigrave, K.M. (2000). Patterns of Drinking in Thai Men. Alcohol and Alcoholism, 35 (3) 263-269.
Jommaroeng, R & Kanggarnrua, K. (2004). Mobilizing men who have sex with men through a local community based organization to provide HIV-related programs to peers in Bangkok, Thailand. International Conference on Aids, July 11-16, Abstract TuPeE5529.
McAndrew, S. (2000). Sexual health through leadership and “sanuk” in Thailand – Letter to the Editor. British Medical Journal, July 8, 1-2.
Pusaksrikit, T. & Barnes, P. (2004). Year in review: The State of the Kingdom, by the numbers. Thailand Monitor. Bangkok: Thai World Affairs Center, Institute of Asian Studies, Chulalongkom University. Disponible sur Internet : www.ThaiHealthFacts.html
Semsri, S., Pummanpuen, S. & Panya-Ngam, P.K. (?). Gender differences in seeking health care of the poor in rural Thailand. Disponible sur Internet.
Zoll, M. (non daté). Men, Gender Equity and HIV/AIDS Prevention, with case studies from South Africa and Brazil. Document de travail pour l’UNAIDS, disponible sur Internet.

lundi 7 janvier 2008

LE CAMBODGE

17e envoi : Cambodge

Après le Viêt Nam, nous voici au Cambodge. Plus petit pays encore que le Laos, le Cambodge, on le sait, a connu une période fort triste avec le génocide de plus de deux millions d’habitants lors du règne des Khmers Rouges sous la direction de Pol Pot de 1975 à 1979. La guerre civile ne s’est terminée complètement qu’en 1999, car c’est l’année des dernières ententes de paix. Il s’agit donc d’un passé récent qui a laissé des marques indélébiles. Le Cambodge, un peu comme le Viêt Nam, est un pays en pleine reconstruction, mais plus pauvre et avec moins de moyens, sinon de nombreuses ONG (organisations non gouvernementales) qui sont bien implantées dont l’UNESCO, Care, etc. Ces ONG sont souvent soutenues par des Suédois, des Français, des Américains, etc. Il est très facile d’aider le Cambodge. Très souvent on lit des affiches comme « Appuyer le mouvement contre le tourisme sexuel » (notre traduction), ou encore des magasins donnent un montant d’argent qui provient des ventes pour remettre aux personnes handicapées, ou si ce n’est carrément des organisations coopératives qui fabriquent des objets et les vendent. Aussi, j’ai (Jeanne-mance) un livre de recettes dont le coût est de 33.00 $. Ce montant permet de former gratuitement un jeune pendant un mois... Les Canadiens (dont les Québécois) semblent beaucoup moins présents dans ces ONG. Le taux de personnes illettrées demeure très élevé. Amener les enfants à compléter un cours primaire demeure un énorme défi. Un article dans le journal relatait comment les enseignants sont très mal payés. En fait, leur salaire leur permettrait d’avoir de quoi vivre pour 10 jours dans le mois; pour les autres journées, ils et elles doivent vendre divers objets aux parents des enfants, leur demander des sous, ou encore se trouver un travail d’appoint. Selon un homme que j’ai interrogé, il en est de même avec les policiers de telle sorte que la corruption serait très forte; les policiers par exemple, m’a-t-il dit, peuvent arrêter un automobiliste sans aucun motif, réclamant une amende sur le champ en argent comptant, sans papier, histoire de compléter leurs revenus trop minces.
Nous sommes demeurés surtout à Phnom Penh, la capitale, et Siem Reap, le centre culturel du pays et aussi la ville la plus touristique à cause des ruines d’Angkor Wat, considérées comme l’une des merveilles du monde. Le sourire des Cambodgiens est franc, sympathique, sincère et cordial. Nous avons trouvé qu’il se dégage quand même une tristesse dans ces sourires.

Phnom Penh
Comme nous sommes arrivés le 24 décembre, nous avons choisi pour cette première nuit un grand hôtel, plus chic que d’habitude, histoire de souligner Noel. Cela nous permettait aussi d’avoir Internet dans la chambre et ainsi pouvoir appeler nos familles le 25 au matin soit la veille de Noel au Québec. Nous en avons profité pour prendre la vie un peu plus aisée : piscine, jacuzzi, massage des pieds, apéro au bar puis le buffet, très bien garni et le lendemain un beau brunch. Bref, « on s’est payé la traite », comme on dit chez nous.
Puis, le 25, nous avons changé d’hôtel pour le reste de la semaine, un hôtel plus modeste, correspondant plus à notre budget, mais quand même propre et bien, situé sur la rue 278, soit au centre-ville.
En après-midi, nous avons rencontré Kimsore et Bunthan du Cambodian Men’s Network. Ils nous ont amenés visiter leur centre et on y a rencontré plusieurs membres de l’équipe. Cela nous a donné une première idée de leur travail très intéressant. Le CMN est une section du Gender and Development Cambodia (GAD/C) qui travaille à favoriser l’égalité des genres et la lutte contre la violence envers les femmes, incluant le viol et le trafic des femmes. Il y a donc un réseau de groupes de femmes et un réseau de groupes d’hommes qui travaillent ensemble. Les femmes avaient identifié qu’il leur était difficile d’aborder les hommes alors qu’il était plus facile pour un homme d’aborder un autre homme. De plus, les hommes qui ne veulent pas entrer dans ce modèle dominant de masculinité se sentaient isolés. Ainsi, Kimsore Chhay a monté ce projet qui est financé par diverses ONG. Le CMN a maintenant plus de 1000 membres, surtout dans quatre provinces où le réseau est mieux implanté. Les organisateurs comptent cependant élargir le réseau à d’autres provinces au cours des prochaines années. Le réseau est aussi très actif dans la campagne du White Ribbon (contre la violence faite aux femmes), mieux connue chez nous au Canada anglais qu’au Québec. Les trois principaux messages que désire livrer le CMN sont : 1. la violence envers les femmes n’est pas seulement une question pour les femmes mais aussi d’intérêt pour les hommes; 2. la violence n’est pas une façon de démontrer sa masculinité; 2. un respect mutuel (entre mari et femme) peut mener à la paix et la prospérité pour la famille, la communauté et la nation (traduction libre de Chhay, 2007).
Ensuite, nous sommes allés souper au restaurant Friends International. Dans la même lignée qu’à Vientiane et Hâ Noì, il s’agit d’un restaurant qui forme des jeunes de la rue à la restauration, au service à la clientèle, au service aux chambres et leur offre du travail. C’est une ONG qui a monté ce projet. On y mange bien, à prix abordable, et en même temps on soutient la réinsertion de jeunes de la rue.
Au cours des deux jours qui ont suivi, Bunthan nous a amenés visiter deux groupes locaux dans des provinces avoisinantes. Donc, un départ très tôt le matin et quelques heures de route à travers la campagne pour aboutir au premier village, Teuk Hot Village, dans la province Kampong Chhnang, où avait lieu dès 9h00 le matin, une rencontre d’un groupe d’hommes du village, rencontre qui avait lieu dans une pagode dans un local de classe des moines. Il devait y avoir une bonne cinquantaine de personnes, dont quelques femmes. Les leaders locaux du CMN animaient le tout, avec diverses présentations et des questions des participants, parfois certains osaient même parler de leur propre violence, le tout avec des résumés en anglais soufflés à nos oreilles par Bunthan puisque la rencontre se déroulait en Khmer et que, malheureusement, nous ne comprenons pas du tout cette langue. Puis, il y a eu une pause avec thé et sucreries locales (que Jeanne-Mance a adorées), les participants ont quitté pour ensuite avoir une rencontre avec les responsables locaux, hommes et femmes. On nous a ouvert la porte pour poser nos questions, ce que nous avons fait avec plaisir ayant ainsi l’occasion de mieux comprendre comment ils et elles travaillent, notamment sur le plan du recrutement. C’est comme cela qu’on a appris qu’en bonne partie, le recrutement se fait par du porte-à-porte. Il faut voir aussi que les membres du CMN et de son pendant féminin sont bien implantés dans les communautés locales, certains et certaines étant aussi conseillers municipaux. Puis les gens ont posé leurs questions mais il restait peu de temps. Puis on a dîné avec le groupe. Cette rencontre a été un beau moment, notamment de voir comment des gens s’impliquent ainsi bénévolement dans un travail communautaire de la sorte, engagés, convaincus de l’importance de favoriser l’égalité des genres et d’arrêter la violence dans un esprit de développement de leur communauté. On y retrouve plusieurs fermiers et fermières, des petits commerçants, des femmes au foyer, aussi bien que des professionnel-les. Tous remettent en question le modèle d’homme hérité de la tradition cambodgienne pour mieux l’adapter à la société moderne, notamment sur le plan du respect des femmes, du partage des tâches domestiques, etc. Les questions du groupe étaient aussi d’un bon niveau. Par exemple, une femme posait la question « Comment faire pour favoriser l’indépendance économique des femmes ? ». Répondre à cette question, vous le devinez-bien, n’est pas évident alors que dans la société cambodgienne seuls les hommes sont propriétaires, notamment de la ferme. Ainsi, il n’est pas évident pour une fermière de se séparer ou de demander le divorce alors qu’elle se retrouvera sans le sou, à la rue, d’autant plus que le divorce est encore très mal vu, nous dit-on.
Puis, on a fait un autre bout de route pour se rendre à l’endroit où nous logions pour la nuit pour être plus près du deuxième groupe. Le lendemain matin, une autre rencontre, cette fois avec le groupe de Kandeung Meas Village, dans la province Pursat. La rencontre avait lieu à l’extérieur de la maison d’un membre du groupe. Le village est très isolé, les maisons éloignées les unes des autres. Cela nous plongeait véritablement dans la vie de village. Une quarantaine d’hommes étaient assis par terre en cercle de même que cinq ou six femmes. La rencontre s’est déroulée un peu comme celle de la veille. Les hommes étaient invités à parler de leur vécu : « Nous sommes une grande famille, on peut parler de tout et s’entraider » (traduction libre, bien sûr, de notre interprète), précise une des femmes, notant du même coup son non-jugement. Quelques hommes ont dit qu’il leur arrivait avant de violenter leur conjointe mais que le groupe leur a appris à changer de comportement. Certains ont noté des moyens qu’ils prennent lorsqu’ils sentent la . tension monter au sein du couple, notamment sortir et rencontrer un membre du CMN. Sachant que Jeanne-Mance animait des rencontres de soutien aux habilités parentales, l’un d’eux l’a questionnée sur le comportement à adopter avec les enfants lorsque ceux-ci n’écoutent pas, sans user de violence,. je (Jeanne-Mance) lui ai demandé quel âge a son enfant et il s’est empressé de répondre que « ce n’est pas pour lui mais pour un ami »… Puis après la pause, une rencontre avec les membres locaux du CMN et du groupe de femmes, comme nous l’avions fait la veille. Cette fois-ci l’échange prend davantage la forme de discussions de cas. C’était assez impressionnant de voir comment ces femmes et ces hommes, tous des aidants naturels, se débattent avec des situations qui ressemblent étrangement à celles que les intervenants et intervenantes professionnelles au Québec rencontrent. La discussion ressemblait beaucoup à d’autres que j’ (Gilles) ai pu avoir dans le passé au Québec lors des formations qu’on donne Pierre L’Heureux et moi. Nous avons pu partager avec eux nos expériences d’interventions en suggérant quelques façons d’intervenir en essayant de tenir compte de leur réalité locale et culturelle. Par exemple, quand tout le monde du village connaît la situation de violence grave qui survient dans un couple, il est possible que deux ou trois hommes du CMN rencontrent cet homme directement, abordent le problème avec lui et l’invitent à participer au groupe, surtout quand l’homme sait bien que tout le village est au courant de la situation. Cela peut s’inscrire dans la même ligne que le travail de porte à porte que fait le CMN. À cet endroit aussi, nous avons dîné avec le groupe dans une atmosphère très conviviale. Cela a été deux journées assez extraordinaires, des rencontres avec des gens engagés, qui ont à cœur le mieux-être de leurs collectivités. Cela nous a aussi mis en lien avec tout le sens collectiviste des sociétés sud-asiatiques. Pour ma part, j’ai (Jeanne_Mance) trouvé cela très enrichissant de constater que, du fin fond de la campagne cambodgienne, des hommes et des femmes sont préoccupés de la violence faite aux femmes. Ces deux journées nous donnent de l’espoir que les choses peuvent changer.
Le soir de notre retour, nous sommes allés souper au restaurant An Nam que nous avait suggéré, Bophia, la responsable du cours de cuisine vietnamienne que j’ (Jeanne-Mance) avais rencontrée à Ho Chi Minh City. Elle avait fait l’éloge de ce restaurant tenu par sa tante Jacqueline. Effectivement, la nourriture est très bonne, le service excellent et les propriétaires très sympathiques qui, en plus, parlent Français. Nous y sommes retournés à quelques reprises d’ailleurs….
Le lendemain, c’était la rencontre annuelle du CMN avec environ 80 participants. Une rencontre plus officielle avec discours du délégué du ministre de l’éducation et de la directrice générale du GAD/C, rapport annuel et plan d’action du CMN mais aussi, pour une bonne partie de la journée, un séminaire que j’ (Gilles) animais sur l’intervention auprès des hommes pour favoriser l’égalité et contrer la violence conjugale. Le défi était de taille : je devais produire le texte de base bien avant la rencontre pour qu’il soit traduit en Khmer, je n’avais pas d’idée précise du travail du CMN ni ne connaissais la culture cambodgienne lors de la rédaction du texte avant notre arrivée au Cambodge; de plus, le niveau était très variable parmi les participants, certains, surtout les plus jeunes, étaient plus scolarisés et souvent plus familiers avec le vocabulaire lié à l’intervention sociale alors que d’autres, de bons aidants naturels par ailleurs, partaient de plus loin. Par exemple, le mot « empathie » était nouveau pour plusieurs. Un intervenant du CMN m’avait dit que ma présentation aiderait à donner des repères théoriques à leurs interventions alors que pour d’autres, des outils d’écoute empathique auraient sans doute été plus adéquats. Enfin, je dois aussi dire que je devais présenter en Anglais et le tout était traduit au fur et à mesure en Khmer. Disons aussi que le Khmer est fort différent de l’Anglais, par exemple les choses ne sont jamais dites directement, mais elles sont plutôt circonscrites avant d’être abordées plus directement. Bref, cela représentait un défi de taille. Malgré tout, je crois bien que ma présentation a suscité beaucoup d’intérêt. Je retiens aussi comment on pouvait sentir l’engagement de tous ces hommes tout au long de la journée. Le travail du CMN est assez extraordinaire. Kimsore assume aussi un très bon leadership. Il était rayonnant quand il donnait le compte-rendu des activités réalisées au cours de l’année. Il est appuyé par une équipe de jeunes hommes et quelques jeunes femmes dynamiques et articulés, qui semblent avoir beaucoup de plaisir à travailler ensemble. Je (Jeanne-Mance) dois dire que sa conférence a eu un franc succès. Le lendemain matin, alors que j’allais à mon cours de cuisine cambodgienne, j’ai fait la rencontre d’une Coréenne. Elle parle de la conférence à laquelle elle a participé et qu’elle a beaucoup apprécié. Elle dit c’est un Canadien qui a une grande expérience en intervention auprès des hommes. Je lui demande s’il se nomme Gilles Tremblay. Vous comprendrez que je n’hésite aucunement à dire qu’il est « my husband ». J’étais fière de « mon » homme….
“Men who observe the moral precepts win the love and respect of their family and society”

Pendant que Gilles travaillait, j’ (Jeanne-Mance) fait quelques visites très intéressantes. D’abord le musée du génocide Tuol Sleng. Situé dans une ancienne école transformée en prison pendant le règne des Khmers rouges (Prison S-21), le musée témoigne de la torture et des conditions difficiles dans lesquelles hommes, femmes et enfants étaient soumis. Dans cette prison, les intellectuels, les commerçants et toute personne le moindrement suspectes s’y retrouvaient de même que leurs familles. Elles étaient torturées et devaient donner une liste d’au moins 15 personnes susceptibles d’être des « traites à la nation ». Puis ensuite, toutes ces personnes étaient transportées à l’extérieur de la ville dans ce qui est appelé les Killing Fields, pour y être exécutés. J’ (Gilles) ai visité le musée le lendemain et aussi ces champs où on a retrouvé de nombreuses fosses communes dans lesquelles étaient entassés des milliers de cadavres, souvent la tête arrachée. Le guide m’a rapporté qu’il y a eu plus de cent Killing Fields à travers le pays durent cette période sombre. Même les soldats qui en savaient trop étaient exécutés, ce qui d’ailleurs aurait, semble-t-il, provoqué la chute du régime et favorisé l’invasion par le Viêt Nam qui a suivi. Les journaux faisaient état du Tribunal des dirigeants Khmers rouges qui a lieu en ce moment près de Phnom Penh. Il semble qu’il n’est pas facile de recruter des témoins de ces années d’horreur. Bien sûr, plusieurs ont péri mais d’autres qui ont survécu ne veulent pas témoigner parce que le rappel de ces années est trop souffrant pour eux et elles. Notamment, une dame, citée dans le journal, disait qu’elle avait vu son frère et sa sœur mourir à la suite des tortures qui leur avaient été infligées. Elle refusait de témoigner parce que ce souvenir demeurait trop pénible pour elle. Aussi, les guides rapportent aussi que plusieurs personnes ne voulaient pas qu’il y ait un musée du génocide ou encore un mémorial des Killing Fields, et encore moins que des montagnes de crânes y soient exposés. Ces souvenirs sont trop lourds et les Cambodgiens et Cambodgiennes sont très pudiques et n’aiment pas afficher leurs émotions en public. Cependant, plusieurs de la jeune génération ont, semble-t-il, insisté pour faire connaître cette réalité aux jeunes et s’assurer que jamais cela ne se reproduise au Cambodge. Plusieurs jeunes avec qui j’ (Gilles) en ai parlé étaient très volubiles et on sentait un net engagement que cela ne se reproduise pas. On sent chez ces jeunes un désir de bâtir une société différente, ouverte sur le monde, et respectueuse des droits.
Puis j’ (Jeanne-Mance) ai visité le marché russe. Il y a deux marchés importants à Phnom Penh, soit le marché central et le marché russe. Si par manque de temps, vous avez le choix entre les deux, eh bien, je (Jeanne_Mance) vous conseille le marché russe. Les poulets avec les ailes coupées mais la tête bien en vie côtoient les poissons qui frétillent dans le bassin. Les légumes sont à coté des tissus, du linge, de la viande et des bijoux. C’est à voir! Le soir, j’ (Gilles) ai pu faire une entrevue avec deux jeunes hommes, des étudiants à l’université en anglais, ce qui m’a apporté aussi un autre son de cloche sur les réalités masculines au Cambodge.

Le lendemain, samedi, j’ (Jeanne-Mance) a passé la journée chez Channak, une intervenante du CMN. Lors de la visite dans le village Teuk, j’ai demandé à Channak où je pouvais suivre des cours de cuisine cambodgienne. Elle m’a répondu qu’elle n’en connaît pas. Bien simplement, je lui dis qu’elle-même pourrait me le montrer. Elle reste un peu surprise mais je pense que cela lui a fait énormément plaisir. Donc le samedi s’est déroulé dans sa famille, avec ses parents, ses grand-mères et des tantes son frère et sœur. Vraiment, je suis très contente d’avoir cuisimé avec la famille de Channak, dans une vraie cuisine cambodgienne..
Pendant ce temps, j’ (Gilles) ai visité le musée du génocide et les Killing Fields, et j’ai eu deux entrevues avec des Cambodgiens de retour au pays après avoir séjourné dans des pays industrialisés. C’était intéressant d’entendre leur point de vue sur la réalité des hommes au Cambodge. Venant aussi de d’autres pays (où on parle Français ce qui était aidant pour moi), leur vision de la politique au Cambodge est aussi plus critique.
Le dimanche, j’(Gilles) ai été invité par un participant à la rencontre annuelle du CMN, Ratanak Ou, à visiter l’organisme qu’il a fondé, le RHIYUM pour Reproductive Health Initiative for Young Urban Male. Un groupe d’une cinquantaine de jeunes d’une vingtaine d’années, soit environ 15 filles et 35 garçons, participaient à une fin de semaine de formation sur l’égalité et la prévention du VIH. Ce matin-là, ils discutaient sur les stéréotypes associés à la masculinité dans leur pays. Le lendemain, ils devaient avoir plus d’information sur la prévention du VIH et aussi visiter des personnes atteintes du SIDA. J’ai fait la tournée des locaux et rencontré quelques intervenants du centre, puis j’ai eu une bonne discussion avec Ratanak qui m’a parlé de leur approche, de son travail pour fonder cet organisme qui est soutenu par USAIDS (une ONG américaine pour la prévention du SIDA) et de ses liens avec les autres organismes dont le CMN, une clinique de santé qui s’adresse spécifiquement aux homosexuels et un hôpital qui accueille des personnes atteintes. Ratanak est un jeune homme, 24 ans seulement, qui m’a particulièrement impressionné. Jeune, mais très articulé, très au fait du dossier, et selon les exemples qu’il m’a donnés, il semble aussi être un très bon thérapeute, sans parler des perspectives de développement pour son organisme, son immense préoccupation pour les besoins des jeunes, des garçons en particulier, et un engagement profond sur le plan des questions liées au genre. Puis j’ai dîné avec le groupe de participants. Il s’agit pour la plupart d’universitaires, donc plusieurs parlent Anglais, du moins minimalement. Ils sont de diverses disciplines : tourisme, administration, sociologie, etc., mais tous s’intéressent à devenir des multiplicateurs, à travailler à changer les choses sur le plan des relations hommes-femmes, dans un esprit communautaire remarquable. Bref, cela a été une autre belle rencontre!
En après-midi, nous sommes allés au Marché central puis nous avons pris soin de nous, petit massage suivi d’une bonne bouffe.

Siem Reap
Nous voici le 31 décembre. Nous étions debout à 5h00 le matin, histoire de pouvoir appeler la famille Tremblay en party à Sherbrooke avant notre départ. Cependant, l’hôtel où nous logions coupait l’accès à Internet la nuit, ce qui nous a obligés à utiliser le téléphone mobile et donc à réduire considérablement la conversation. Il faut dire aussi que nous devions prendre le tuk-tuk à 6h00 pour être à l’heure au bateau. Dès 7h00 le matin, nous étions à bord du bateau pour nous rendre à Siem Reap. Le trajet devait prendre cinq heures environ en bateau rapide, mais en a pris finalement presque six. C’est un voyage un peu long car il n’y a pas vraiment de commodité à bord, sinon des bancs serrés les uns sur les autres et il faisait chaud. Tel que convenu au départ, un tuk-tuk nous attendait pour faire les 13 kilomètres qui séparent le quai d’arrivée à la ville. Tout au long du trajet nous avons vu des villages très pauvres, difficiles à décrire. Un type sympathique qui ne chargeait que 2$US pour le trajet mais nous invitait à le choisir pour nos besoins des autres journées, notamment pour aller à Angkor Wat qui est à sept kilomètres de la ville. Ainsi nous nous sommes retrouvés dans un nouvel hôtel dans un coin tranquille mais près du centre-ville à 18$US par nuit. Petite tournée au centre-ville et soirée à l’hôtel Riviera qui offrait un souper-spectacle pour la veille du jour de l’An. Le buffet était très garni, nous avons placoté un peu avec la nièce du propriétaire, une Coréenne sympathique. Nous avons donc « sauté » l’année avec des Cambodgiens, des Thaïlandais, des Japonais, des Chinois et quelques Occidentaux. Bien sûr, à 12h00, tout le monde se souhaite la bonne année comme cela se fait aussi chez nous avec en mains une belle flute de champagne. Il y a avait aussi de la danse après le spectacle. C’était amusant de voir les gens danser sur diverses chansons dont certains airs bien connus, mais avec des mouvements des mains et des pas qui s’approchent plus de l’Apsara, cette danse traditionnelle cambodgienne, tout en tournant en cercle. En passant, il semble que les Cambodgiennes commencent très tôt à presser leurs doigts et leurs mains vers l’arrière pour pouvoir ensuite danser l’Apsara avec toute la gracieuseté des mouvements que l’on connaît.
Le lendemain, après avoir appelé la famille Dallaire qui était en party à Sutton, nous sommes allés visiter Angkor Wat, ce célèbre site historique considéré comme l’une des merveilles du monde. En fait, il s’agit de plusieurs temples répartis sur 160 kilomètres carrés. Angkor était la capitale de l’ancienne cité impériale khmère ayant eu lieu entre le 9e et le 12e siècle avant Jésus-Christ (Cremer, 2007). Angkor signifie « Holly City » ou ville sainte. Le plus important temple est sans aucun doute le site d’Angkor Wat comme tel (début du 12e siècle AC), le premier que nous avons visité, avec ses trois pignons. Ce temple est demeuré le symbole du Cambodge depuis de nombreuses années. C’est fascinant de voir que ces ruines ont résisté à l’épreuve du temps. Puis nous avons visité Angkor Thom (fin du 12e siècle et début 13e AC), un temple moins prestigieux mais qui s’étend sur une plus grande surface (3 km²). Bayon (fin 12e siècle AC), reconnu pour ses immenses visages sculptés dans la pierre. Puis Ta Keo (fin 10e siècle début 11e AC) dédié à Shiva et enfin Ta Prohm (mi 12e siècle à début 13e AC), où des arbres gigantesques ont poussé sur les pierres. Nous avons fini la journée en admirant le coucher du soleil à partir d’un temple situé sur une montagne.

Le même matin, en sortant d’un site, nous sommes arrivés en face d’un petit orphelinat où nous sommes arrêtés. Nous étions surpris d’être accueillis par des enfants qui ne se débrouillaient pas si mal en anglais. Ils nous ont montré leur école - un simple abri avec des bancs et des tables usés et un vieux tableau blanc - le lieu où ils couchent, etc. Ils nous ont présenté leur enseignant volontaire, un jeune homme de 22 ans qui a été lui-même accueilli à l’orphelinat à l’âge de quatre ans alors que son père, puis sa mère sont décédés à la suite de l’éclatement de bombes, des vestiges de la guerre. Maintenant qu’il a complété son cours secondaire avec l’aide des moines, il redonne à l’orphelinat en étant lui-même enseignant volontaire pour les enfants. C’est lui qui leur enseigne l’Anglais et le Khmer de même que les mathématiques. Il enseigne ainsi à une cinquantaine d’orphelins et orphelines de divers âges dans cette classe-école que nous avions visité avec les enfants. Il dit qu’il a beaucoup appris l’Anglais par lui-même. Sa grand-mère âgée de 71 ans demeure aussi sur place. Cela nous mettait en contact direct avec une partie importante de la réalité du Cambodge : des jeunes qui vivent les conséquences des guerres successives, intelligents mais pauvres, et pour qui la grande pauvreté réduit considérablement les chances de s’en sortir.

J’ (Gilles) ai aussi l’occasion de faire une autre entrevue avec un chauffeur de tuk-tuk et de visiter Voluntary Confidential Counseling and Testing HIV Center (VCCT) où j’ai discuté avec Visith Nhok, le responsable du laboratoire mais surtout le seul qui parlait Anglais. J’espérais pouvoir avoir des références à des organismes communautaires. J’ai appris que cette clinique offre counseling et dépistage en matière d’ITS (infections transmises sexuellement) et de VIH. Environ 50% de la clientèle est masculine. Ils ont développé leur approche pour rejoindre des clientèles spécifiques, notamment les travailleurs et travailleuses du sexe de même que les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (MSM), soit les deux principales cibles des programmes de prévention et de dépistage du VIH dans le Sud-est asiatique. Malgré une morale relativement conservatrice, ces sujets semblent être abordés assez aisément. En fait, comme dans bien des pays sous-développés, le tourisme apporte bien des retombées sur le plan économiques qui sont très appréciées par les communautés locales, mais aussi plusieurs jeunes femmes et jeunes hommes y voient des possibilités de revenus supplémentaires, autrement inaccessibles, notamment en offrant des faveurs sexuelles. J’en comprends que tout le monde le sait bien de telle sorte que le sujet devient plus facile à aborder par les intervenants, surtout dans les villes plus touristiques comme Sien Reap.

Notes sur la situation des hommes au Cambodge
Sans doute que, comparativement aux autres pays de l’Asie du sud-est, le contact avec le Cambodian Men’s Network en particulier nous a offert un avantage certain pour discuter de la réalité des hommes dans ce pays. Cela demeure néanmoins une vue partielle, limitée, à partir de ce que nous avons retenu de notre contact avec ce pays qui n’a duré que 11 jours. Par ailleurs, nous avons eu ici un contact plus intense avec des hommes des villages et non seulement en ville. J’ (Gilles) ai aussi interrogé, outre trois organismes intervenant auprès des hommes, six hommes qui m’ont parlé de leur réalité.
Rappelons que le pays n’a été complètement pacifié qu’en 1999 et qu’une part importante de la génération de plus de 30 ans a été éliminée au cours du génocide et des conséquences des guerres (mines et bombes non explosées). De plus, le taux de natalité demeure élevé. Cela donne un peuple avec une courbe démographique démontrant nettement une forte proportion de jeunes. Plusieurs jeunes, d’ailleurs, se mobilisent pour créer une société plus ouverte et plus respectueuse des droits.
Selon les gens que nous avons rencontrés, la tradition au Cambodge favorise nettement une société patriarcale. Ainsi, dans ce modèle, l’homme a toujours préséance sur la femme qui doit s’ajuster à son mari. Habituellement, un homme choisit une femme plus jeune que lui, comme une façon de noter qu’il est de statut supérieur. Elle ne peut avoir un revenu plus élevé ou encore occuper des fonctions supérieures à celle de son conjoint. Il n’y a pas comme tel de mariage arrangé, du moins en principe. Cependant, les parents font parfois (souvent?) pression pour que leur fille marie tel homme en particulier. Par exemple, un jeune homme rencontré racontait qu’il ne peut épouser celle qu’il aime car les parents de celle-ci désirent qu’elle marie un étranger (on comprend qu’il s’agit là aussi d’un moyen d’obtenir une certaine sécurité financière pour les parents). Un autre me racontait que c’est sa belle-mère qu’il connaissait déjà qui a obligé sa fille à le marier. D’autres rapportaient aussi qu’il leur était impossible pour l’instant de se marier car il leur faut minimalement 5000$US pour le mariage comme tel sans compte les sous qu’ils doivent donner à leurs beaux-parents. Il n’y a pas de dot comme tel, mais ce sont les hommes qui doivent fournir des sous aux beaux-parents chez qui ils iront vivre après le mariage.
Plusieurs ont rapporté que souvent les femmes travaillent plus que les hommes, ceux-ci étant, selon le modèle plus traditionnel, plutôt absents des tâches ménagères et des soins aux enfants. Certains hommes, le soir, préfèreraient se retrouver entre amis, prendre un verre (et plus…), aller au karaoké, et y rencontrer des prostituées (une partie de « bang-bang », selon l’expression de certains). Un homme m’a parlé que certains hommes qui ont plus d’argent entretiennent deux et parfois trois et même quatre femmes, même si la polygamie est interdite. En fait, cela correspond à ce que rapportait Harris (2007) pour les hommes vietnamiens. Il n’est donc pas surprenant que, dans ce modèle traditionnel, la violence envers la conjointe soit une problématique importante. Après avoir connu plusieurs années de guerre, le sens de la vie demeure parfois limité de telle sorte que la violence peut se transformer de manière plus grave encore en tuant son conjoint ou sa conjointe, ou encore en se vengeant durement en laissant des traces indélébiles comme l’acide lancé au visage tel que rapporté notamment par les journaux au moment de notre passage.
Par ailleurs, à l’opposé, on retrouve aussi des hommes qui ne fonctionnent pas selon ce modèle. On a qu’à penser aux hommes rencontrés sur la rue avec leurs jeunes enfants qui semblaient très à l’aise et avoir un bon lien avec eux, et on en a vus plusieurs. Mais surtout, il y a des hommes, et en grand nombre si on pense au Cambodian Men’s Network avec plus de 1000 membres, qui veulent que les choses changent et qui se mobilisent à cet effet. Le sens collectiviste de cette société est ainsi mis œuvre pour atteindre cet objectif d’égalité des genres et de respect des droits des personnes.
Sans doute nos sociétés occidentales sont plus avancées sur le plan conceptuel en matière de travail auprès des hommes, cependant, dans la pratique du travail terrain auprès des communautés locales, nous avons beaucoup à apprendre d’organismes comme le Cambodian Men’s Network (CMN) et le Reproductive Health Initiative for Young Urban Male (RHIYUM).
Enfin, juste un petit mot pour dire que les kois, l’équivalent des katois au Laos, sont, semble-t-il, la proie du sarcasme des autres hommes et donc peu appréciés ici contrairement au pays voisin.

Il nous reste à remercier des gens extraordinaires qui ont rendu cette partie de notre voyage des plus intéressantes. Merci à Kimsore Chhay pour l’invitation, bravo pour ce travail extraordinaire. Merci à toute l’équipe du Cambodian Men’s Network, en particulier à Bunthan qui nous a accompagné pendant deux jours, aux groupes du Teuk Hot Village et du Kandeung Meas Village, à Channak et sa famille, à Ratanak Ou et son équipe du Reproductive Health Initiative for Young Urban Male, à Visith Nhok du Voluntary Confidential Counseling and Testing HIV Center (VCCT). Merci enfin aux six hommes interrogés dont je dois taire l’identité.

Références
Chhay, K.S. (2007). Engaging Men to End Men’s Violence Against Women: A Cambodian Case. Papier présenté lors de la Regional conference on Men as Partners to End Violence Against Women, 3-4 septembre 2007, Bangkok.
Chhay, K.S. (2007). Engaging Men to End Men’s Violence Against Women: A Cambodian Case.Papier présenté pour Technical Consultation on Engaging Men and Boys in SRH, GBV Prevention, Fatherhood ans MNCH, 29 novembre au 7 décembre 2007, Slaszbourg, Autriche.
Kremer, K. (2007/2008). The Siem Reap Angkor Visitor Guide. Ministry of Information. Phnom Penh: Candy Publications.