vendredi 28 décembre 2007

Le Vietnam

16e envoi : VIÊT NAM
Après le Laos, nous voici au Viêt Nam. Nous entreprenons notre quatrième mois. Comme le temps passe vite! Nous allons toujours bien et l’essentiel est là, c’est-à-dire la santé.
Le Viêt Nam est un pays de 83 millions d’habitants dont plusieurs sont issus de d’autres pays asiatiques dont des Chinois, des Thaïlandais, des Laotiens, etc. C’est un pays en émergence bien qu’il demeure un pays du tiers-monde. On peut voir ce développement par de nombreuses constructions un peu partout dans le pays, par de grands édifices modernes, par la présence de grandes compagnies surtout japonaises comme Toshiba, Samsung, Honda, Toyota, Hitachi, etc. Très peu de compagnies américaines ont un siège ici. Il faut dire que les États-Unis ont régularisé leurs relations avec le Viêt Nam seulement sous le règne de Clinton, donc relativement récemment.
Ce qui est remarquable dans les villes que nous avons visitées, ce sont les motos, des milliers de petites motos. Par exemple, sur une population de 8 millions d’habitants à Ho Chi Minh City, 3 millions de personnes ont une moto. Les petites motos, en général, coûtent plus ou moins 400.00 $. Ce sont des copies des modèles japonais réalisées par les Vietnamiens, les Chinois et les Coréens. Cependant, ce ne sont pas des motos comme nous connaissons au Québec, elles ressemblent davantage à des scooters. Autant les femmes que les hommes conduisent ces scooters. On voit souvent des femmes, talons aiguilles, habillées très chic, conduire ces motos. Il n’est pas rare de voir quatre à cinq personnes sur un scooter soit par exemple, les deux parents avec trois enfants, mais même aussi quatre adultes. Les enfants sont très à l’aise sur ces engins, on constate qu’ils en ont fait l’apprentissage dès leur jeune âge. Les motos servent aux activités quotidiennes : se rendre au travail, faire l’épicerie, etc. Les gens transportent un peu tout en moto, même des portes! D’autres motos servent de taxi. Nous en avons fait l’expérience, « side by side » comme ils disent. Les conducteurs sont prudents et ils savent se débrouiller dans la circulation intense. Il n’y a que quelques filles qui conduisent des motos taxis. En général, les « motorbikes » (mot pour désigner les motos taxis) sont moins dispendieux que les voitures taxis et plus chers que les « cyclos ». Ceux-ci sont un autre moyen de transport au Viêt Nam. Ce sont ces bicyclettes, avec à l’avant, un siège pour une ou deux personnes. Nous en avons vus qui servent à des fins personnelles pour transporter un peu n’importe quoi. Ces cyclos sont des taxis pour de courtes distances. En Inde on les appelle les rikshaws mais, ici au Viêt Nam, ce sont des cyclos. J’ai (Jeanne-Mance) préféré ceux du Viêt Nam car nous sommes assis en avant du chauffeur, ce qui nous permet de mieux voir le paysage, alors qu’en Inde nous sommes derrière le chauffeur. Par ailleurs, nous ne savons pas s’il est plus facile pour le chauffeur de pousser le cyclo que de le tirer. Le dernier moyen de transport est évidemment la voiture qui sert également de taxi pour habituellement de plus longues distances. Il reste aussi la traditionnelle bicyclette. Voilà donc les 4 moyens pour se déplacer : la bicyclette, la moto, le cyclo et le taxi tout en n’oubliant pas la marche. Ces quatre moyens se partagent la route dans un respect des uns et des autres.
Nous avons appris que pour traverser une rue, il ne faut pas hésiter, y aller d’un pas ferme. Si nous attendons soit la lumière verte ou soit qu’ils nous laissent passer, c'est peine perdue. Une fois engagés sur la route, on fait attention aux piétons, mais il ne faut pas hésiter. Alors nous nous disions « OK, on y va! » et cela d’un pas énergique. Même qu’une fois, en cours de route j’ai (Jeanne-Mance) pris le bras d’une Vietnamienne pour m’aider à traverser une grande artère. Elle a trouvé cela à la fois surprenant et très drôle…super sympathique ! Une autre fois, voyant mon hésitation devant le trafic intense, c’est un Vietnamien qui m’a (Gilles) carrément pris la main pour me faire traverser la rue. C’est dire qu’il faut regarder certains gestes comme ceux-là avec d’autres yeux qu’un regard usuel d’Occidentaux…
Comme en Inde, les conducteurs de cyclos sont parfois des gens qui ne savent ni lire ni écrire et cela nous amène dans de drôles de situation. Par exemple, nous présentons l’endroit où nous voulons aller avec l’aide d’une carte d’affaire ou d’une carte géographique. On nous dit « OK, OK ». On demande combien, on s’entend sur un prix, par exemple 50 000 Dongs, et hop, nous sommes partis! Mais en cours de route, on se rend compte qu’il ne sait pas vraiment où se rendre. À quelques reprises, il demande à quelqu’un sur la rue l’adresse en lui montrant la carte. Les gens répondent toujours gentiment. Au début, nous étions un peu inquiets mais très vite on a compris le système. Et une fois rendus sur place, alors là, ce n’est plus le même prix, mais nous restons fermes sur l’entente. Le Lonely Planet nous met en garde concernant ce stratagème qui, dans les faits, nous comprenons bien, cela représente une stratégie de survie. Nous avons rencontré un père de famille avec une femme et trois enfants dont le seul revenu était celui provenant du service de cyclo. Il faut dire que le revenu moyen de plusieurs personnes est relativement faible, soit environ 50$US par mois pour les gens qui travaillent en usine (C’est déjà par ailleurs, un peu plus qu’au Laos où cela représente le salaire d’un professionnel comme un médecin, donc beaucoup moindre pour les autres).
Quand on veut visiter un temple ou tout autre endroit, on nous offre de nous attendre, ce qui peut parfois durer une heure ou deux. Nous n’avons pas encore eu de problème à nous rendre là où nous voulions aller, à chaque fois, les conducteurs (motobikes et cyclos) nous ont conduits à bon port et nous attendaient patiemment.

HÀ NÔI
Hà Nô
i est la capitale du Viêt Nam avec une population de 3.5 millions d’habitants. C’est une ville qui bouge, qui a une vie nocturne active, qui frétille de toutes sortes d’activités, qui est palpitante et qui, en même temps inspire la paix, la tranquillité avec en plein cœur de Hà Nôi, le magnifique lac Hoan Kiem qui mène au temple Noc Son sur une ile.
Aussitôt arrivés (17 heures), nous nous sommes mis à la recherche du spectacle des Water Puppets, une spécialité du Viêt Nam. Ce sont des marionnettes manipulées dans l’eau. Cette forme d’art existe depuis le X1e siècle et le Viêt Nam est reconnu partout dans le monde pour cette performance. Le spectacle relate des scènes de la vie quotidienne des Vietnamiens. Les musiciens sont sur scène et ce sont eux qui donnent les répliques des personnages par des voix et surtout à l’aide de leurs instruments. Très joli spectacle.
Il faut dire que l’hôtel où nous logions était situé tout prêt. Il est plutôt rare jusqu’à maintenant que nous avons fait la publicité d’un hôtel, mais à Hâ Noi, nous vous recommandons le Democracy Hotel. Il y a là un personnel jeune, souriant, disponible, accueillant, qui nous fait nous sentir comme chez nous dès le premier instant. Nous avons trouvé des billets pour le spectacle de marionnettes très facilement. Un moment à ne pas manquer à Hà Nôi est la visite du mausolée de Ho Chi Minh, le fondateur du Parti communiste vietnamien qui a dirigé la lutte pour l’indépendance du pays contre la France et qui a été président de la République démocratique du Viêt Nam de 1946 à 1969. Tout d’abord, c’est dans un silence presqu’insupportable que nous devons traverser de grands corridors, guidés par des gendarmes, pour nous rendre au mausolée. L’atmosphère y est presque religieuse avec peu de lumière. On circule autour du tombeau par groupe. Cela ne dure que cinq minutes, mais quel moment! Pour ma part (Jeanne-Mance), j’ai été très impressionnée de saluer un si grand homme que les Vietnamiens considèrent comme l’homme qui a conduit le Viêt Nam à l’indépendance. Dans le parc juste à côté, nous pouvons voir les appartements (chambre, salon, salle de travail) où Ho Chi Minh a vécu de manière très modeste.
Par la suite, nous sommes arrêtés à la One Pillar Pagoda construite par un empereur en 1028, nous sommes en 2007 (je vous laisse faire le décompte). Elle est construite en bois sur une simple pierre de 1,25 m de diamètre qui sert de pilier. Puis, nous avons par hasard connu Hoang et son frère Thang qui nous ont offert leur service comme « motos-taxis » en « side by side ». Hoang avait sur lui un petit carnet avec plein de commentaires fort positifs de touristes venant de divers pays, ce qui inspirait confiance. Ils nous ont donc conduits aux différents musées en attentant après nous à chaque fois.
Le musée de l’ethnologie rend un hommage aux plus de 50 différentes ethnies qui composent le Viêt Nam. C’est un musée à voir même s’il n’est pas exceptionnel; il peut nous faire penser au musée de la Civilisation à Ottawa notamment la section sur les premières nations. Quand on est sortis du musée, nous nous sommes fait la réflexion suivante : il est difficile de connaître un pays tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas en contact avec les différentes cultures de ce pays. Notre connaissance d’un pays ne peut que demeurer que très partielle. J’(Gilles) avais lu que la Laos est composé d’un très grand nombre d’ethnies différentes, mais ce musée m’a fait réaliser l’ampleur de la complexité apportée par la multiplicité ethnique dans un pays, même s’il est relativement petit. Ce lieu est convoité par les mariés qui viennent pour des photos.
Le musée des femmes est dédié aux femmes pour souligner leur contribution lors de l’Américan War. Un guide nous a dit que sans la participation des femmes, jamais la guerre contre l’invasion par les États-Unis n’aurait été gagnée. Elles ont particulièrement servi d’espionne tout au long de la guerre. Elles travaillaient dans les restaurants, les bars, écoutaient les conversations des soldats américains quand elles ne s’en faisaient pas des «amis» pour soutirer de l’information. Les prostituées notamment, ont servi d’espionnes pour aider leur pays. Le musée fait ressortir par exemple que les femmes avaient, en-dessous du miroir des documents secrets, que leurs brassières avaient des doublures pour des documents et que leurs vêtements avaient de larges coutures doubles où étaient cachées des documents. D’autres femmes étaient sur le champ de bataille ou servaient comme infirmières. Durant cette guerre, autant les hommes que les femmes ont mis leur vie en danger. Cependant, il est plutôt rare de voir un musée dédié à la participation des femmes à la guerre. La plupart du temps on axe sur celle des hommes à la guerre.
Le contact chaleureux avec Hoang et Thang m’(Gilles) a amené à leur demander une entrevue sur la réalité des hommes au Viêt Nam. La conversation à ce sujet a été un peu complexe, compte-tenu que leur anglais demeure très limité. Hoang a appelé sa conjointe qui a servi d’interprète par téléphone interposé. Il a décliné mais m’a présenté à un de ses amis, Pham Tong Dat, qui enseigne l’anglais à l’université. Celui-ci s’est montré très ouvert et m’a invité chez lui. En fait, il avait un cours à 17h00 avec huit étudiants et étudiantes de baccalauréat. Le cours a servi pour eux de pratique d’anglais en discutant des relations entre les hommes et les femmes au Viêt Nam. Ainsi, pendant deux heures, j’ai pu savoir ce que des jeunes homme (il n’y en avait qu’un) et femmes pensent de la situation des hommes et des femmes dans leur pays. Le Professeur Dat est très gentil. Il est habitué de collaborer avec des chercheurs étrangers. Une revue américaine a d’ailleurs fait un reportage sur lui et sa famille. Les cours ont lieu dans sa demeure. C’est très sympathique. Bref, cela a été un moment assez inoubliable!

Le lendemain, nous avons pris un tour sur la Baie de Ha Long. Malheureusement, la journée était brumeuse et cela ne nous a pas permis de prendre des photos qui rendent justice à cette magnificence. Plus de 3000 îles de roches qui émergent de l’eau. Incroyable! Certaines d’entre elles sont dotées de grottes. Nous en avons visitées quelques unes. Dans la partie d’Ha Long Bay que nous avons visitée, nous y avons rencontré des marchés flottants de fruits et de poissons. Un village flottant habite 500 personnes qui ainsi vivent sur l’eau. Il y a même une école fréquentée par les enfants du village flottant. Nous n’avons pu visiter la culture de perles située dans cette baie (dommage! ce sera pour un autre voyage...). Le repas sur le bateau était délicieux et le contact avec la jeune vendeuse fort était sympathique.




HUÉ
Hué est une ancienne ville impériale. Une partie de la ville est occupée par une citadelle où étaient les quartiers généraux de l’empereur. C’est un site immense. De beaux monuments et édifices dont certains ont été rénovés et la rénovation est en cours pour les autres. En entrant dans la citadelle, on y voit le palais impérial.
Un moment important de notre séjour dans cette ville est sans contredit la visite de la zone démilitarisée. Entre autre, le tunnel Vinh Moc est un témoignage de la détermination des Nords-vietnamiens durant l’American War. C’était la première fois que nous entendions parler de cette guerre en la nommant American War et non la guerre du Viêt Nam. Quand on met les événements en perspective ils prennent un autre sens…Ce tunnel a été construit en 1966. Pendant 20 mois, les Nord-vietnamiens ont creusé ces tunnels divisés en 3 planchers qui s’étendent sur une profondeur entre cinq à 12 pieds. Pendant six ans, 300 personnes (50 familles) sont demeurées dans ce tunnel. On y retrouvait une cuisine, une salle d’accouchement, des chambres pour les familles, un centre de santé, etc. Vous pouvez voir sur la photo ci-jointe la composition du tunnel. Dix-sept enfants sont nés à l’intérieur du tunnel (voir photo). À vivre tant d’années dans un tunnel à peine éclairé, plusieurs personnes sont restées avec des séquelles importantes et particulièrement les enfants qui aujourd’hui ont 30-40 ans. Avec cette visite, était jumelée celle du Musée de l’Américan War.
Pendant que Gilles préparait son texte pour la formation au Cambodge, j’ai (Jeanne-mance) visité la Tu Dam Pagoda qui date de 1695 créée par un moine chinois. L’intérêt de cette pagode réside particulièrement dans le fait qu’elle a été le lieu où s’est établie l’association bouddhiste vietnamienne unifiée en 1961. On nous rappelle, dans cette pagode, un événement qui s’est passé en 1963. Un moine en signe de protestation contre les politiques en faveur de la guerre, s’est immolé sur la place publique. On expose la voiture dans laquelle il est arrivé dans la ville. J’ (Jeanne-Mance) ai également fait la visite d’une Maison de Jardins. J’ai vu un arbre qui produit la cannelle, un figuier, un arbre de papaye, un arbre qui produit le fruit du dragon. Ce lieu est habité par des gens qui se font un plaisir de nous faire faire le tour de leurs jardins.
À Hué, je (Jeanne-Mance) me suis fait confectionner un costume. Quelle habilité ont ces femmes pour la couture! À midi, elle prenait mes mesures et à 21 heures, le costume était prêt avec une seule petite retouche à faire, ce qui a été fait sur le champ.

HO CHI MINH CITY (SAI GON)
Originellement, cette ville s’appelait Saigon. En 1975, son nom a été changé pour celui de Ho Chi Minh City en signe de reconnaissance pour le feu président du même nom. On sent que plusieurs habitants ce cette ville éprouvent un certain regret de telle sorte qu’ils utilisent toujours le nom de Saigon. Elle se compose de huit millions d’habitants selon un guide, soit environ 10% de la population du Viêt Nam. C’est une ville florissante, qui ressemble à un peu n’importe quelle grande ville. Un soir, nous soupions au 9e étage d’un hôtel. De haut, on y voyait la ville. On ne se serait pas cru au Viêt Nam : grands édifices très illuminés, circulation intense, beaux parcs, grands néons de publicité, bref, on aurait pu être n’importe où. Cependant, ce qui fait la différence, c’est la chaleur humaine des Vietnamiens. On se sentait vraiment bien et on se disait combien on aurait de difficultés à revenir dans notre petit quotidien!
En arrivant à HCMC, je (Gilles) devais terminer de lire et commenter un chapitre de livre et expédier le tout dans la journée. Comme nous sommes 12 heures en avance, cela m’a permis que mes réactions entre à temps voulu. Puis j’(Gilles) ai tenté de rejoindre Care Ho Chi Minh City, qui a déjà eu un projet fort intéressant pour mobiliser les hommes dans la lutte contre le SIDA. Malheureusement, ce projet est terminé mais j’ai quand même pu avoir une entrevue avec un guide Vietnamien qui parlait suffisamment bien l’anglais pour me parler de la situation des hommes au Viêt Nam. Il s’agit d’un type assez exceptionnel, un portrait de ce que représente la résilience. Il est issu d’une famille sino-vietnamienne, soit le groupe qui a subit le plus la répression à la fin des années 70, dont plusieurs se sont enfuis du pays et qu’on a appelé les Boat People, à la base de la majorité des Vietnamiens qui vivent au Québec. La famille de cet homme, sept enfants plus les parents, était beaucoup trop pauvre pour payer un passeur et penser quitter le pays. Ces années ont été pour ces gens une période d’extrême pauvreté dont les souvenirs demeurent amers. Aujourd’hui, toute la famille s’en est bien sortie fort heureusement.
Pendant ce temps, Jeanne-Mance a suivi un cours de cuisine vietnamienne. On pourra donc tous goûter à de la bouffe vietnamienne au retour. Elle s’est procuré le tablier et les mitaines ainsi que le petit livre de recettes. Bref, tout ce qu’il faut, ou presque, pour faire de la bonne cuisine…



Nous avons navigué dans le Delta du Mekong. Bel endroit qui a beaucoup servi à déjouer l’armée américaine lors de l’American War. À certains endroits, les canaux sont très étroits et comportent de nombreuses ramifications. De plus, la végétation sur les îles est très dense. Bref, un bel endroit pour déjouer les troupes ennemies pour des gens qui connaissent bien la région. Il faut dire que les ethnies locales ont été très impliquées dans le soutien à la guérilla. Sur la section du delta que nous avons visitée, il y a quatre îles importantes et la visite de l’une d’elle nous a permis de découvrir le village de « coconut candy ». En fait, on nous a montré comment, à partir de la noix de coco, on peut fabriquer des bonbons au coconut….délicieux! Évidemment, on en acheté une petite réserve.
Pour ma part (Jeanne-Mance), je suis allée voir le Palais de la réunification pendant que Gilles allait voir le tunnel de Cu Chi. Ce palais est le symbole de la libération et de la réunification du Viêt Nam. C’est là que le 30 avril 1975, un soldat vietnamien est entré en courant avec le drapeau du Viêt Nam pour proclamer la défaite des États-Unis et la victoire du peuple vietnamien. Une exposition dans ce palais nous montre une belle photo du soldat qui court au deuxième plancher avec le drapeau au bout du bras. Aujourd’hui, cet édifice sert pour des réceptions officielles du gouvernement ou des rencontres politiques du Parti communiste.
Les tunnels de Cu Chi sur certains aspects ressemblent à ceux de la zone démilitarisée. Des familles entières y vivaient. Cependant, c’est aussi là que se tenait le quartier général des Viet Congs. On y voit toute l’ingéniosité des Vietnamiens pour vaincre une armée puissante avec peu de moyens. Les débris des bombes américaines étaient récupérés pour fabriquer de petites bombes. Les soldats américains morts étaient dépouillés de leurs uniformes que les Vietnamiens mettaient par la suite pour tromper les soldats ennemis. L’armée américaine avait même des chiens pour tenter de trouver où se cachaient les Vietnamiens mais ceux-ci les ont déjoués en volant des barres de savon de telle sorte qu’ils avaient alors la même odeur que les Américains. Les tunnels, longs de plus de 200 km étaient construits de manière très ingénieuse. Plus encore, comme les Américains avaient identifié que le commandement vietnamien se trouvait dans le coin de Cu Chi, ils ont construit un camp à proximité, sans savoir qu’en fait, le camp était construit par-dessus les tunnels. Ainsi, il était facile pour les Vietnamiens, la nuit tombée, de semer la pagaille dans les rangs ennemis, ceux-ci tirant vers l’extérieur du camp croyant que l’ennemi arrivait de ce côté, alors qu’en fait, les tireurs vietnamiens étaient en plein milieu du camp! On voit aussi quelques photos des effets de l’agent orange tant utilisé au cours de cette guerre qui fait en sorte que plusieurs Vietnamiens vivent actuellement avec un handicap important. Mais les Vietnamiens demeurent discrets sur tous les effets néfastes, tant l’agent orange que les bombes au napalm. Ils répondent toujours vaguement lorsqu’on leur demande comment ils se sentent par rapport aux États-Unis. Officiellement, la page est tournée et c’est le temps de la réconciliation. Mais, on sent quand même, sans qu’aucun mot ne soit dit, une souffrance qui reste, qui a marqué un peuple. Il faut dire que cette guerre a duré 21 ans, soit de 1954 à 1975 et que des centaines de millions de bombes sont tombées sur le Viêt Nam. Mais peut-être aussi n’est-ce là que mon (Gilles) interprétation. Cela reste à voir. Chose certaine, c’est un peuple impressionnant par son ingéniosité et sa capacité de reconstruction tout comme sa force du pardon.

Commentaires généraux sur la situation des hommes au Viêt Nam
Encore une fois, nous tenons à nuancer considérablement nos commentaires. Nous n’avons visité essentiellement que trois grandes villes, nos contacts avec la campagne vietnamienne n’ont été presqu’essentiellement à partir de ce qu’on voyait en circulant en autobus ou en bateau. Or, 80% de la population vietnamienne est paysanne. Plusieurs ont noté que la situation est très différente entre la ville et la campagne, les paysans ayant souvent des valeurs beaucoup plus traditionnelles, notamment quant aux rôles de genre (Long, Hung, Truitt, Phuong Mai & Anh, 2000). De plus, comme on le soulignait dans la partie sur le musée de l’ethnologie, nous n’avons pas vraiment été en contact avec les minorités ethniques, sinon lors de passages en autobus. Par exemple, dans la région où était la zone démilitarisée, on retrouve une minorité laotienne dans quelques villages ruraux (les maisons ressemblent beaucoup aux maisons traditionnelles au Laos) au sein de laquelle les garçons se marient à 15 ans et les filles à 13-14 ans. Ces couples ont des familles de 8 à 10 enfants. On comprend que la vie pour eux se passe sans doute bien différemment que pour la majorité vietnamienne dont les couples se marient plus vieux et ont maintenant plus souvent de petites familles (2 ou 3 enfants). Cela joue considérablement sur les rôles joués par les hommes et les femmes. Enfin, notre séjour a été limité (12 jours seulement) avec seulement quelques entrevues. Cependant, j’(Gilles) ai pu mettre la main sur quelques textes fort intéressants qui alimentent la réflexion.

Rapidement, nous avons remarqué que les femmes sont très présentes au Viêt Nam. On les voit partout, autant que les hommes. Certains domaines sont nettement plus masculins, comme chauffeurs de taxi, de « motobike » ou de « cyclo » ou encore comme policiers, mais les femmes sont un peu plus présentes que les hommes dans les boutiques et magasins alors qu’ils et elles se retrouvent en nombre comparable et faisant sensiblement les même tâches dans les restaurants et les hôtels. De plus, les femmes sont aussi très affirmatives et viennent à nous tout autant que les hommes. Sur le plan des lois, l’égalité est reconnue comme un principe depuis 1946 (Harris, 2007), notamment les femmes ont droit au même salaire que les hommes. Une loi interdit la violence conjugale depuis 1986 (Harris, 2007), soit avant même celle du Québec. De plus, le Parti communiste a toujours favorisé le développement d’organismes pour les femmes. Le rapport de Dong et al. (2000) rappelle que la participation des femmes à la guerre de même que les positions politiques du Parti communiste ont fait en sorte que les femmes ont occupé une place importante à plusieurs niveaux, dont sur le plan de la représentation politique.
Cependant, ce même rapport identifie que la politique de la Doi Moi, soit l’ouverture à l’économie de marché, a eu des effets positifs sur le développement économique (surtout) des villes mais que depuis, l’écart entre la ville et la campagne s’est agrandi et que la situation des femmes a régressé, notamment dans les villages où les valeurs traditionnelles concernant les rôles de genre seraient, semble-t-il, de retour comme d’ailleurs, le nombre de femmes en politique aurait aussi décliné de manière importante et la scolarisation des filles aurait régressé dans les campagnes. À l’opposé, dans les villes, surtout à Ho Chi Minh City, les femmes se retrouvent plus souvent sur le marché du travail et avec plus de partage des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. Il semble que les campagnes sur l’engagement paternel auraient marqué des pas importants dans les villes de telle sorte qu’on a pu voir à plusieurs reprises des pères s’occuper de leurs enfants. Peut-on faire le lien avec le peu de travail qui a été fait auprès des hommes ? Cela reste à voir. Harris (2007) identifie notamment que plusieurs valeurs patriarcales n’ont pas été questionnées notamment dans le travail auprès des hommes, qui, il faut dire, aurait été négligé. Par exemple, le crédit demeurerait difficile d’accès pour les femmes, les familles continueraient à valoriser davantage la naissance de garçons que de filles, un peu comme dans plusieurs pays d’Asie, tout comme la scolarisation des filles qui demeurerait encore moins valorisée que celle des garçons. Bref, dans les faits, il semble bien que les femmes demeurent encore au deuxième plan, même si la situation semble mieux que dans d’autres pays. Par ailleurs, les valeurs traditionnelles demeurent, semble-t-il, présentes aussi sur le plan de la violence familiale, notamment la conception qu’un père doit corriger physiquement son fils pour « bien » l’élever (Rydstrom, 2000), de même qu’en ce qui concerne la violence conjugale (Harris, 2007).
Harris (207), tout comme le Lonely Planet, précise que même si l’homosexualité demeure illégale au Viêt Nam, il n’en demeure pas moins qu’elle est de plus en plus visible dans les grandes villes. Par exemple, il semble qu’Ho Chi Minh City aurait tout un réseau de bars et restaurants s’adressant à la clientèle gaie. Signe que les temps changent, j’ (Gilles) ai vu un panneau publicitaire (comme on en a chez nous) s’adressant spécifiquement aux gais dans la lutte contre le VIH et le SIDA.
Un peu comme en Inde et au Laos, beaucoup d’hommes fument. Il semble qu’il soit mal vu qu’une femme fume la cigarette, donc on en voit très peu, alors qu’on voit plusieurs fumeurs. Il semble aussi qu’il y ait une croissance du problème de jeu compulsif chez les hommes.
Care Ho Chi Minh City avait développé un projet intéressant dans la lutte contre le VIH et le SIDA, le Men to Know Project, qui, au lieu de considérer les hommes comme les grands responsables de tous les maux, les approchaient sur une base positive en s’appuyant sur leur rôle traditionnel de protecteur de la famille (Quang, 2000). Le projet questionnait les perceptions des rôles hommes-femmes, le partage des tâches, aussi bien que les comportements à risque. Il semble que le projet a reçu une ouverture fort intéressante et qu’il apportait des changements importants dans la famille. Malheureusement, il n’est plus financé depuis 2005. Harris (2007) soulignait, dans sa présentation au colloque de l’AMSA, l’importance de développer un travail communautaire sur le terrain si on veut vraiment changer les choses dans la vie quotidienne et non seulement travailler sur le plan politique. Il semble bien que l’histoire du Viêt Nam sur ce plan le confirme. C’est l’un des pays qui a avancé le plus rapidement sur le plan de l’égalité de droits pour les femmes, mais cette égalité tarde, semble-t-il, à se transformer dans les faits au sein des familles, notamment dans les campagnes.
Ici aussi, on sent de plus en plus une occidentalisation. Le téléphone cellulaire, de même qu’Internet sont très présents. De plus, chez les hommes, on sent une valorisation du corps musclé. Par exemple, à quelques reprises, des jeunes hommes vietnamiens m’ (Gilles) ont pris le bras pour me dire qu’ils me trouvaient musclé (et je ne le suis pas beaucoup il me semble, mais à côté d’un petit homme vietnamien, je le suis…). La situation est plus marquée à Ho Chi Minh City qui prend l’allure d’une ville occidentale.

Impressions sur des touristes
Quand on voyage, on constate des aberrations de la part de certains et certaines touristes. Depuis le début de notre voyage, nous tentons de développer un tourisme responsable et respectueux. Parfois certaines attitudes de tourismes nous invitent à la prudence en espérant que nous ne reproduisons pas ces mêmes façons de faire. Nous avons le devoir, comme touristes ou comme voyageurs, d’être de bons ambassadeurs de notre pays. Nous aimerions ici rapporter quelques faits qui nous on fait réagir. Par exemple, lors du vol vers Luang Prabang en provenance de Chang Mai, il y avait une jeune fille qui portait une blouse, que l’on appelait dans les années 70, une blouse indienne, cette blouse blanche un peu transparente avec une brassière noire et une paire de petites culottes en dessous, donc sans bermuda ou pantalon. Évidemment, tout le monde la regardait. Le personnel de l’aéroport était quelque peu intimidé, d’autant plus que tous les guides touristiques sur la Laos parlent de l’importance de respecter les traditions de ce peuple, notamment que c’est un peu prude où on ne porte par de shorts par exemple. Nous attendions nos bagages et je me disais (Jeanne-Mance) : « Je vais lui parler, cela n’a pas d’allure ». Alors n’écoutant que mon courage et ma détermination, je m’approche de la jeune fille en question. D’abord, je lui demande si elle parle anglais et elle me répond oui. « J’ai quelque chose à vous dire, je trouve que la manière dont vous êtes habillée n’est pas très respectueuse pour le peuple laotien et pour nous. Je ne sais pas si vous avez lu sur le Laos, mais ce n’est pas dans leur coutume. (elle me répond non). Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire et merci ». Quelques minutes plus tard, elle portait des pantalons.
Un autre exemple, cette fois-ci à la poste à Hué. Un Américain envoyait un paquet dans son pays. La pratique est que les personnes responsables du courrier international ouvrent tous les paquets, vérifient le contenu de chacun d’eux; c’est long. Il faut penser que nous sommes ici dans un pays communiste. Alors notre Américain s’impatiente en voyant que la jeune fille ouvre la boîte dans laquelle était la belle cravate pour son père ou son beau-frère…! Il crie à la jeune fille « It’s a tie », en faisant le geste. J’étais très choquée de ce ton, alors je lui dis « Nous sommes dans un pays du Tiers Monde, cela demande un peu de patience ». Il s’est calmé.
Une Française au mausolée de Ho Chi Minh avait réussi à passer sa caméra malgré les mesures de sécurité. Un gardien, en vietnamien lui dit probablement « vous devez aller porter votre caméra à la consigne tel qu’il est indiqué ». Indignée, la Française lui dit
« Je parle Français, monsieur, parlez-moi en Français ». Je m’en veux encore de ne pas lui avoir répondu.
Pire, dans l’un des musées sur l’American War, un Américain avait écrit dans le « Guest Book » que si on voulait entendre LA vérité sur cette guerre, il fallait aller aux USA. Je (Gilles) n’ai pas pu m’empêcher d’écrire une réplique en soulignant qu’il n’y pas qu’une seule vérité et que celle des USA ne constitue certes pas LA vérité, qu’il y avait ici suffisamment d’effets visibles pour comprendre qu’une guerre comme celle-là est une horreur et que, malheureusement, les USA ne semble pas avoir compris puisqu’ils récidivent avec l’Irak. Un Espagnol qui était à côté de moi m’a félicité pour mon commentaire! J’étais quand même impressionné du front qu’avait eu cet homme d’arriver dans un pays qui, jadis, a été envahi par son propre pays et d’oser « cracher » ainsi sur ce peuple à nouveau, sans aucun égard.

Nous ne portons pas de jugement sur ces attitudes; parfois c’est simplement une question d’ignorance, parfois de la fatigue accumulée, de l’impatience ou tout simplement un moment d’agressivité et que ces personnes en dehors de ces situations sont probablement tout à fait charmantes. Nous soulignons ces faits, d’abord pour nous, en espérant que quelqu’un nous interpellera si nous agissons de la sorte et aussi pour montrer comment nos attitudes, même si elles sont involontaires, peuvent choquer inconsciemment. C’est parfois difficile de garder son sang froid et son calme quand pendant les cinq premières minutes à prendre un café dans un restaurant, nous sommes sollicités par huit vendeurs (de lunettes, de briquets, de hamacs, de copies de Lonely Planet, de parfums, de bijoux, de journaux), tout aussi insistants les uns que les autres. Mais encore une fois, ce sont des stratégies de survie de gens très pauvres. Mais aussi, est-ce que nous nous permettrions d’être aussi exigeants et agressifs dans un pays développé? Ce n’est pas certain, on aurait des chances de se faire mettre à notre place assez vite alors que dans les pays moins développés, le tourisme est tellement important pour la survie, que plusieurs commentaires inacceptables de touristes sont tolérés.

En conclusion, nous voulons remercier particulièrement le personnel du Democracy Hotel à Hà Nôi, le professeur Pham Tong Dat et son groupe d’étudiants, Hoang et Thang nos « motorbikes » de Hà Nôi, et Andy de Ho Chi Minh City. Nous voulons souligner le courage, l’ingéniosité et la détermination du peuple vietnamien qui a eu raison de l’impérialisme américain (ce n’est pas rien) après avoir lourdement conquis son indépendance de la France.

Références
Harris, J.D. (2007). A Good Husband Does Not Feed His Wife Sweets. Power point presenté à l’American Men Studies Association Conference, Kansas City.
Harris, J.D. (2007). Gender in Vietnam: The Importance of Men’s Studies. Texte non publié remis par l’auteur.
Long, L.D., Hung, L.N., Truitt, A., Phuong Mai, L.T. & Anh, D.N. (2000). Changing Gender Relations in Vietnam’s Post Doi Moi Era. Policy Research Report on Gender and Development Work Paper Series (14). The World Bank Development Research Group - Poverty Reduction and Economic Management Network.
United Nations Population Fund (UNFPA) (2007). New “Common Sense”: Family-Planning Policy and Sex Ratio in Viet Nam – Executive summary. 4th Pacific Asia Conference on Reproductive and Sexual Health and Rights. October 2007. Hiderabad, India. Disponible sur Internet.
Quang, M.N. (2000). In VietNam in the know take responsibility to stop HIV/AIDS. International Conference AIDS, July 9-13. Abstract WePeD4650. Disponible sur Internet.
Rydstrom, H. (2006). Masculinity and Punishment. Childhood, 13 (3) 329-348.

dimanche 23 décembre 2007

Joyeux Noel

Bonjour a vous tous et toutes,
Nous esperons que vous allez bien. Nous voulons vous souhaiter un tres joyeux Noel et une tres belle annee 2008.
Nous sommes sur notre depart du Vietnam vers le Cambodge.
Nous pensons a vous et vous embrassons
Jeanne-Mance et Gilles
xxxxx

vendredi 14 décembre 2007

15e envoi : Laos

15e envoi : Laos
L’Inde a été fort stimulante mais aussi épuisante. Il nous a donc fallu revoir notre manière d’organiser notre itinéraire. Ainsi, après quatre jours de repos à Chang Mai dans le Nord de la Thaïlande, nous avons décidé d’entreprendre le Laos avec un rythme plus lent soit des séries de quatre jours consécutifs au même endroit et avec moins d’activités. Nous nous sommes donc limités essentiellement à deux villes au Laos : Luang Prabang et Vientiane.
Commentaires plus généraux sur le Laos :
Le Laos est un tout petit pays, relativement peu populeux. En fait, c’est le moins populeux d’Asie avec seulement 5.8 millions d’habitants (Le routard, 2004). Il a connu des invasions multiples, dont par la Thaïlande, par la France (d’où l’utilisation du Français à divers endroits), mais aussi par la États-Unis qui y ont déchargé des milliers de bombes lors de la guerre contre le Vietnam. On y retrouve donc des vestiges de ces bombes, dont certaines n’ont pas explosé et qui constituent toujours une menace pour les habitants. Nous n’avons pas pu constater nous-mêmes, mais il semble qu’on retrouve dans le pays plusieurs personnes handicapées à la suite des effets de ces bombes et des mines antipersonnelles. Il s’agit aussi d’un pays communiste qui a connu une période très rigide qui a amené notamment l’exode de centaines de Laotiens et Laotiennes à la même époque que les Boat People du Vietnam. Aujourd’hui, le régime s’est assoupli et des mesures sont prises pour favoriser le retour des exilés des années 1970 qui arrivent avec du capital, élément essentiel pour le développement de ce pays parmi les plus pauvres de la terre. De plus, on y retrouve 68 ethnies différentes (Le routard, 2004), ce qui en fait un pays très diversifié.
Luang Prabang
Notre premier arrêt a été à Luang Probang, ancienne capitale impériale et aussi reconnu comme patrimoine mondial par l’UNESCO. Ainsi de nombreuses mesures sont prises pour restaurer cette ville et lui donner des équipements touristiques. Le rythme est calme et posé et on y retrouve de nombreux centres de massothérapie à prix très modestes (environ 3 à 5$ pour un massage d’une heure – thai, laotien ou kmu). Bref, un endroit très bien pour finir notre cure de repos. Cependant, c’est un endroit plus difficile sur le plan de la recherche, puisque peu de personnes parlent l’Anglais ou le Français. Il nous fallait, par exemple, pointer notre choix sur le menu au restaurant si on ne voulait pas avoir de surprises. Outre les prix qui nous étaient donnés habituellement en argent américain, la conversation n’était pratiquement pas possible. De plus, contrairement à ce qu’on avait connu en Inde, les Laotiens, et encore plus les Laotiennes, sont réservés et se tiennent quelque peu à distance des touristes étrangers. En fait, j’(Gilles) ai rencontré un jeune universitaire par hasard la veille du départ avec qui j’ai pu avoir une très courte conversation. Sinon, ce fût limité. J’(Gilles) en ai profité pour préparer ma présentation pour le Cambodge à la fin du mois qui devait être remise assez tôt pour être traduite en Kmer et aussi corriger le mémoire d’une étudiante. Pendant ce temps, Jeanne-Mance a vécu une expérience des plus captivantes pour elle : deux jours avec les éléphants.

Deux jours avec les éléphants
Pour celles et ceux qui me connaissent, vous savez mon amour et mon affection toute particulière pour les éléphants. Avant de partir pour le voyage, un de mes objectifs était d’être en contact avec des éléphants. Un contact non pas touristique où l’on fait un tour de ville assis dans un siège porté par un éléphant mais une véritable rencontre où l’éléphant et moi nous nous regarderions dans les yeux. C’est à Luang Prabang que j’ai trouvé une entreprise nommée Tiger Trail. Cette compagnie a un très grand souci de faire du tourisme responsable. Par exemple, les profits tirés d’un billet sont répartis entre les gens du village (40 %), l’entreprise (15%) et le reste va au développement d’un projet de protection des éléphants. Les éléphants sont d’ailleurs bien traités dans ce camp. En regardant la publicité, Gilles me dit : « Jeanne-Mance, c’est pour toi ; il me semble que tu aimerais cela ». Je prends les informations et j’achète un billet. Le jour du départ, à ma grande surprise, nous n’étions que deux à participer ce jour-là à l’excursion. Remarquez que je n’ai pas trouvé cela désagréable du tout. Nous parcourons la forêt pendant 45 minutes dans des chemins tortueux, traversant des villages pour arriver enfin au camp des éléphants. On se rend de l’autre côté de la rivière par un petit bateau. Des mahouts nous attendent. Les mahouts sont des hommes qui entrainent les éléphants, ce sont eux qui sont assis derrière nous pour conduire l’éléphant. Ce métier se transmet de père en fils. Les filles ne peuvent pas devenir mahout. Le mahout qui m’a accompagné pendant ces deux jours se nomme San, il a 35 ans mais il en paraît 25. Dès que nous arrivons, tout de suite on monte sur l’éléphant dans un siège. En fait, c’est plutôt une adaptation rapide au pas de l’éléphant. Après 15 minutes, on s’assoit dans le coup de l’éléphant alors que le mahout est dans le siège. Cette première promenade dure 1 heure et demie. On va dîner. Vers 14 heures, une autre promenade d’une heure et demie et cette fois-ci sans aucune protection sinon que de s’accrocher aux oreilles de l’éléphant. Le mahout est toujours derrière nous. Vers la fin de l’après-midi, nous allons reconduire les éléphants dans la forêt pour la nuit et nous prenons notre souper. Le lendemain matin, nous allons chercher les éléphants dans la forêt pour les amener au bain dans la rivière et nous allons les reconduire au camp par la suite. C’est déjà terminé, nous prenons notre douche, notre dîner et revenons à Luang Prabang. Quelle bête magnifique que l’éléphant ! Surtout quand nous sommes dans son cou, nous voyons de très près ses petits poils sur la tête. C’est très impressionnant ! Mon éléphant avait 45 ans et se nommait Man Soan. Nous avons eu un contact très agréable elle et moi car pour faire ce genre de travail, ce sont les femelles qui sont utilisées. J’ai pu la toucher, la caresser, lui parler, la nourrir de bananiers, la baigner, bref un grand rêve qui s’est réalisé. Petit cours sur les éléphants : les éléphants ne dorment que 30 à 45 minutes par nuit, debout les yeux fermés. La moyenne d’âge des éléphants est de 60 ans pour ceux qui ont travaillé dans les champs et de 120 ans pour ceux qui n’ont jamais travaillé. On remarque qu’un éléphant est malade quand il n’y a plus d’eau dans la trompe ou quand il bouge sa tête constamment. Un mahout est attribué à un seul éléphant.

On retrouve au moins deux douzaines de temples bouddhistes dans cette petite ville qu’est Luang Prabang, chacun avec sa propre histoire et son groupe de moines. Tous les matins, vers 7 heures, les moinillons font la parade pour recueillir les aumônes de la population et ainsi pouvoir déjeuner. C’est un moment sacré dans le village. Nous y avons assisté un matin alors que nous déjeunions avant une expédition de quatre heures sur le Mékong pour y voir les cavernes des Bouddhas et le village de whisky. Cette visite au village de whisky nous a quelque peu déçus compte tenu que le village est devenu très touristique. Nous sommes en fait très peu en contact avec la population locale sinon par les multiples petits kiosques d’artisanat de toute sorte. J’ (Gilles) ai appris par la suite, la veille de notre départ, qu’il aurait été possible d’arranger une visite moins touristique dans d’autres villages avec un guide local qui aurait aussi pu servir d’interprète au besoin, mais il était trop tard pour nous.
Nous logions dans un tout petit guest house bien situé, tout près du marché, des restaurants. D’ailleurs, à Luang Prabang, tout est centré.
Vientiane
Nous sommes donc partis par la suite à Vientiane où nous attendait Daniel Reinharz. Vientiane est la capitale nationale avec une population environ équivalente de celle de la ville de Québec. C’est là que se retrouvent les services de toutes sortes, y inclus plusieurs ONG. Nous avions la chance d’y rencontrer un collègue de médecine de l’Université Laval qui y est établi depuis juillet et ce, pour toute son année sabbatique. Il est déjà bien intégré et nous a grandement facilité les choses. Notamment, il nous a amenés dans un brunch chez Pascal, un de ses collègues Français qui enseigne aussi la médecine ici et sa conjointe Marie, responsable de Médecins sans frontières pour le Laos. S’y retrouvaient d’autres Françaises installées ici dont une femme d’origine Laotienne dont la famille a émigré en France dans les années 70 et qui est revenue vivre ici. Des gens très sympathiques qui nous ont livré leurs impressions sur la vie au Laos. De plus, il est un peu plus facile de converser avec des Laotiens à Vientiane, notamment parce que plus de gens parlent l’Anglais. Ici aussi, le nombre de temples bouddhistes est impressionnant. On ne fait pas deux pas dans le centre-ville sans trouver un temple, certains étant de grande dimension, tous abritant leur groupe spécifique de moinillons. En fait, on a appris qu’il demeure usuel que les familles envoient un de leurs garçons devenir moine mais aussi que cela constituait un moyen pour plusieurs d’avoir accès à l’éducation. Ainsi, plusieurs ne sont moines qu’un certain nombre d’années. Ils peuvent recevoir l’éducation nécessaire et obtenir une profession permettant l’accès au travail, ce que leurs parents, trop pauvres, ne pourraient leur offrir. Contrairement aux cloîtres que l’on connaît, ces moines demeurent très libres de leurs mouvements, de telle sorte qu’on les rencontre un peu partout, y inclus dans les café Internet. C’est ainsi que j’ (Gilles) ai fait la connaissance de Nee, un jeune novice de 20 ans qui fait ses études collégiales. Il est originaire d’un petit village du sud du Laos. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants et ses parents ne voulaient et ne pouvaient payer des études à leur fils alors que Nee tenait à poursuivre ses études et éventuellement devenir médecin. C’est comme cela qu’il est devenu novice. Il se lève donc vers 4h00 le matin comme tous les moinillons pour prier Bouddha puis, c’est la quête à travers la ville pour le déjeuner. Il semble que certains matins la quête est très bonne mais que d’autres fois, le déjeuner est très limité. Puis, ce sont les cours avec un arrêt vers midi pour le lunch qui est fourni par le temple. Puis c’est le retour en classe pour l’après-midi et le soir chacun fait ses travaux scolaires ou rencontre des amis. Il n’y a pas de souper le soir. Compte-tenu que le lever est très tôt, la plupart se couchent vers 20h00 ou même parfois avant. Les nonnes sont beaucoup moins nombreuses. Elles n’ont pas le droit de quêter et dépendent donc des moines pour obtenir de quoi manger.
J’ai (Jeanne-Mance) fait la connaissance de deux organismes qui viennent en aide aux jeunes. D’abord Big Brother Mouse. Il s’agit d’une maison qui écrit, publie, édite des livres et particulièrement des contes pour les enfants. Quelques-uns d’entre eux sont des livres scolaires. Le principe est assez simple. Nous nous rendons à cette maison et nous achetons un certain nombre de livres. Les gens qui y travaillent connaissent bien les besoin des écoles. Ainsi des paquets sont déjà préparés. C’est ainsi que j’ai acheté des livres et par la suite, je suis allée rencontrer la directrice d’une école pour les lui donner. J’ai passé deux heures dans la classe avec les enfants. Très beau moment du voyage.
Un autre organisme qui s’appelle Friends International. À Vientiane, une concertation de plusieurs organismes dont l’UNESCO, le Ministère de l’emploi au Laos, Friends Intenational (et d’autres, dont j’oublie le nom) a permis l’ouverture d’un restaurant pour les jeunes de la rue. Ce sont les jeunes qui font la cuisine, servent aux tables. Évidemment, ces jeunes reçoivent un salaire. Il y a en d’autres dans quelques pays dont le Vietnam et le Cambodge. Gilles et moi allons sûrement les chercher pour encourager ce mouvement.
Je (Jeanne-Mance) ne peux terminer ce blog sans parler de l’extraordinaire rencontre que j’ai faite. Malheureusement, j’ai oublié de demander à cette personne la permission de mettre sa photo sur le blog mais quand même je vous raconte mon moment avec elle. Nous étions en train de déjeuner dans un restaurant français. Au côté de nous, il y avait un québécois qui parlait avec une dame de Londres. Gilles a entretenu la conversation avec le Québécois et moi avec cette dame. Ce matin-là, elle avait planifié une visite au musée du textile dans un village pas très loin en tuk-tuk ( plus ou moins 20 minutes). Elle m’a offert de l’accompagner. J’ai dit oui sans aucune hésitation. C’est ainsi que nous avons passé 5 heures ensemble. Après la visite, je l’ai invitée au restaurant des jeunes dont j’ai parlé plus haut. Elle a 80 ans, célibataire, et voyage à travers le monde depuis qu’elle travaille. Cependant, elle ne pouvait que voyager pendant ses vacances, ce qui, d’après elle, n’était pas suffisant. Maintenant retraitée depuis 35 ans, elle peut passer 2 à 3 mois dans un pays. Au Laos, elle y était pour 6 semaines. Elle marche d’un pas alerte, ses cheveux gris sont magnifiques. Elle parle bien le Français et l’Espagnol. C’est une femme cultivée, qui aime le théâtre, le cinéma, les expositions d’art, etc. D’ailleurs, c’est elle qui nous a parlé d’un spectacle de musique traditionnelle auquel nous nous sommes empressés de nous procurer des billets. C’est une femme de conviction et profondément engagée. Par exemple, elle ne voyage que dans les pays du Tiers Monde. Pour elle, les pays riches n’ont pas besoin de son argent. Elle dit ne pas en avoir beaucoup mais ce qu’elle a, elle veut le partager avec les gens qui en ont vraiment besoin. Au Guatemala, elle soutient une jeune fille depuis plusieurs années. Elle a maintenant 35 ans, mariée, avec deux enfants. Elle a pris en charge cette enfant quand elle avait 5 ans. Elle m’a dit que le « hasard » met sur son chemin des enfants qui ont besoin d’elle. Elle est très préoccupée par la situation des enfants dans le monde. Elle ne croit pas aux organisations d’aide internationale. Elle préfère donner directement aux personnes en sachant très bien où va son argent. Souvent cette aide supporte l’éducation des enfants. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est qu’elle ne soutient que des filles. Elle croit profondément que les garçons peuvent survivre, avec difficultés bien sûr, mais ils peuvent s’en sortir. Mais les filles, selon elle, souvent ne s’en sortent pas. Elles sont souvent vouées à la prostitution, dans la rue, maltraitée, rejetée du simple fait qu’elles sont des filles. Je lui ai fait connaître Big Brother Mouse. Le lendemain elle y allait car, à son âge, me dit-elle, elle se réserve une seule activité par jour. Je me considère très choyée de rencontrer cette femme d’une lucidité exceptionnelle. Nous logions dans un hôtel, Le Chantra, situé juste en face du temple Wat Luang. Tous les matins, à 4 heures au son du gong les moines se lèvent et commencent leur journée.
Commentaires généraux sur les hommes au Laos :
Encore une fois, on doit faire preuve d’une grande prudence. Nous n’avons été que huit jours au Laos, la barrière de la langue a considérablement limité les échanges, nous n’avons lu que quelques articles plus scientifiques et quelques guides touristiques, nos échanges ont surtout eu lieu avec des étrangers établis au Laos et nos observations demeurent limitées aux deux plus grandes villes du pays alors que la majorité de la population est rurale, de plus, la réalité au Laos est multiple du fait même qu’il y a autant d’ethnies différentes..
Comme tous les pays communistes, on retrouve au Laos une égalité de droits pour les femmes. Du moins, en principes. Vu de l’extérieur, on retrouve autant de femmes que d’hommes qui travaillent dans les restaurants, les hôtels, les commerces, même un peu plus. On les voit travailler dans les champs. On voit les hommes conduire les taxis, les tuk-tuks et les bateaux, mais ils sont plus rares dans les champs. Les femmes sont habituellement vêtues de la jupe traditionnelle alors que les hommes sont habillés plus à l’Occidentale. Le pays ferait des avancées importantes sur ce plan de l’égalité pour les femmes, mais les traditions demeurent, semble-t-il, fortes et, même lorsque la femme est plus cultivée et occupe un emploi plus prestigieux que son mari, à la maison, il « passe devant, au premier plan ». Les tâches domestiques demeurent essentiellement féminines, semble-t-il, mais on a quand même vu plusieurs hommes portant un bébé.
Un peu comme en Inde, on retrouve, une homosocialité importante, quoique moins évidente qu’en Inde. L’homosexualité, pour sa part, serait très présente, mais cachée. Non pas légalisée mais tolérée. Par ailleurs, dans les campagnes contre le SIDA, toute la question des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (Men having sex with men – MSM) dont on accorde beaucoup d’importance dans toutes les campagnes de l’UNESCO, demeurerait un peu taboue et difficile à aborder avec le gouvernement. Un article sur la prévention du SIDA rapporte que le tabou relié à l’homosexualité ferait en sorte que plusieurs hommes gais se marient pour éviter d’être ostracisés. Par contre, les katois, comme on appelle ici les transsexuels, les transgenres et les travestis, sont, nous dit-on, très bien acceptés, même valorisés. Dans tous les questionnaires populationnels, par exemple, on demande le sexe en indiquant : « homme, femme ou autre », ce qui demeure encore tabou au Québec, même s.il s’agit d’une revendication des TS et TG depuis déjà quelques années.
Ici aussi, on sent les changements qui s’installent à vive allure. Beaucoup de personnes ont un téléphone cellulaire, les cafés Internet sont nombreux et toujours pleins (pas seulement de touristes), et des personnes qui revenaient ici nous ont dit constater des changements importants en quelques années à peine (routes, infrastructures, généralisation de l’utilisation d’Internet et du téléphone cellulaire, etc.). Où cela mènera-t-il le Laos ? Cela reste à voir…
De manière générale, le rythme de vie est calme et les gens sont posés. Le Bouddhisme, tel qu’il est appliqué ici, amène à prendre les gens comme ils sont, sans trop de flafla. Bref, un milieu où il fait bon vivre.
Il nous reste à remercier les gens qui ont bien voulu partager avec nous leurs visions du Laos ou leur propre témoignage. Merci surtout à Daniel pour tout le temps qu’il nous a accordé et d’avoir su si bien nous partager sa passion du Laos.

Références
Page, O., de Charbon, V., Keravel, A., Al Subaihi, I., Dumas, A.-C., Bordes, C., Bazaille, B., Poncelet, A., Burin des Roziers, M., Brouard, T., Lemauf-Beauvois, G., Poinsot, A., de Boisgrollier, M., Clemente-Ruiz, G., de Lestang, F. & Pallier, A. (2004). Cambodge – Laos. Le guide du Routard, Meudon : Hachette.
































mercredi 5 décembre 2007

Commentaires generaux sur l'Inde

Commentaires plus généraux sur les hommes en Inde
Cet envoi termine notre voyage en Inde. Vous y trouverez nos impressions generales mais aussi des photos qui, parfois, ont rapport avec le texte d'autres fois.D’abord une mise en garde. Comme le disait si bien Hari, un de nos guides, « l’Inde n’est pas un pays, c’est un monde ». L’Inde est le deuxième pays le plus populeux de la terre après la Chine et comme les politiques de restrictions de la natalité ne semblent pas avoir les effets escomptés, les prévisions sont telles que la population de l’Inde devrait dépasser celle de la Chine en 2033 (Lonely Planet, 2007). Imaginez autant de monde dans un territoire relativement petit (environ la même dimension que le Québec). On retrouve 18 langues officielles, soit presqu’une langue officielle par état, et il y a 28 états, chacun avec ses particularités. En fait, la plupart des gens semblent parler la langue de leur état et souvent l’Hindi, qui demeure la langue la plus parlée, mais cela demeure relatif puisque l’Hindi n’est pratiquement pas utilisé dans certains états. Heureusement pour nous, on retrouve plusieurs personnes qui parlent aussi l’Anglais. La spiritualité et la religion prennent une place de premier plan. L’Hindouisme est largement répandu dans toute l’Inde alors que les adhérents des autres grandes religions sont plus concentrés dans certains états comme le Sikhisme au Punjab, le Bouddhisme dans l’Himachal Pradesh, le Christianisme dans le Kerala, etc., même si on retrouve de leurs adeptes un peu partout dans le pays. Enfin, il faut aussi tenir compte du régime des castes qui demeure extrêmement présent en Inde et qui varie d’une religion à une autre. Bref, parler de l’Inde, c’est parler de la diversité. Alors il devient difficile de parler de LA réalité des hommes en Inde alors qu’elle est très différente par exemple pour un Sikh que pour un Hindu ou un Chrétien et encore plus sans doute si on parle d’une caste aisée à une caste très pauvre. Il faut aussi se rappeler que même si l’Inde est un pays émergent avec ses grands spécialistes en médecine et en informatique qui sont reconnus à travers le monde, elle demeure un pays avec un taux de pauvreté très élevé (autour de 40% selon un de nos guides). Le gouvernement Indien a mis en place des mesures importantes pour tenter d’arrêter le travail des enfants et favoriser leur scolarité, notamment en offrant un repas gratuit et l’uniforme aux enfants des familles pauvres, mais il demeure que, dans l’Inde rurale surtout, les enfants cessent rapidement l’école pour contribuer aux tâches de la ferme. Ainsi, il n’est pas rare de voir un garçon de 8 à 10 ans mener une charrette tirée par un chameau ou un bœuf ou un âne avec sa charge de foin ou autre. Dans d’autres cas, les enfants, même très jeunes (4, 5 ou 6 ans) sont utilisés par des parents ou des adolescents pour mendier. Partout on retrouve des pratiques de survie comme celle-là. Plus encore, l’écart entre la ville et la campagne, surtout les grandes villes comme Delhi, Mumbai, Bangalore, etc., se creuse : les villes s’occidentalisent considérablement alors que les campagnes demeurent beaucoup plus traditionnelles. Par exemple, dans certaines régions comme dans l’Himarachal Pradesh et le Rajasthan, le travail agricole demeure largement manuel avec l’appui d’animaux de trait, alors que dans d’autres régions, comme le Punjab, le travail agricole est beaucoup plus mécanisé et se compare davantage aux petites fermes québécoises. On comprend alors que les pratiques sociales sont aussi plus traditionnelles comme le système des castes, le mariage arrangé, la dot, les rôles très séparés entre les hommes et les femmes. Au contraire, dans certaines grandes villes, le travail des femmes est plus répandu, plusieurs jeunes couples rejettent les valeurs traditionnelles pour plutôt adopter les valeurs qui se rapprochent plus du monde occidental. Par exemple, un article d’un grand quotidien faisait état de l’influence de la série américaine que l’on connaît aussi au Québec Sexe à New York ; il semble donc que la pratique des relations d’un soir, selon ce quotidien, devient populaire dans les grandes villes. Nous sommes alors très loin de la pratique de l’abstinence avant le mariage prescrite dans la tradition. De même, un mouvement gai émerge dans ces villes selon Lonely Planet et quelques hommes interrogées, alors que l’homosexualité demeurerait largement cachée et condamnée en Inde. Mais même dans les villages les choses changent, les jeunes souvent ne veulent plus suivre les valeurs traditionnelles de leurs parents, comme ce jeune serveur de Bishnoi qui disait que le costume traditionnel était pour les « vieux ». Ils sont maintenant reliés par téléphones cellulaires à leurs amis et même à Internet. Bref, nous sommes confrontés à une diversité telle que toute tentative de généralisation demeure fortement réductrice. De plus, nous ne sommes pas allés dans le sud de l’Inde qui, selon quelques personnes rencontrées, est moins occidentalisé que le nord et enfin, nos échanges se sont limités presqu’essentiellement avec des personnes qui parlent Anglais, donc des personnes plus instruites (18). Malgré cela, tenter de comprendre certaines règles culturelles et le contexte général peut aider, je crois, à mieux saisir avec quoi se débattent les hommes Indiens.

Lorsque je (Gilles) disais que mes travaux de recherche portent sur les hommes et les masculinités plusieurs m’ont répondu qu’en Inde, les hommes sont dominants et qu’il s’agit d’une société patriarcale dans laquelle les femmes sont au deuxième plan. Notamment, dans les écoles de service social, les garçons autant que les filles semblent s’intéresser à la situation des femmes en Inde mais il m’a semblé que peu d’entre eux voyaient l’importance d’impliquer les hommes dans la lutte pour l’égalité. En fait, le réseau dont le Dr Sanjay (service social-organisation communautaire) a travaillé à mettre sur pied et les recherches de la Dre Radhika Chopra en sociologie semblent être des rares expériences de travail auprès des hommes dans ce sens. Plus encore, parfois je demandais à des hommes comment ils vivaient le fait de toujours se retrouver entre hommes, de ne pas avoir de femmes collègues de travail par exemple, et la plupart du temps, ma question demeurait sans réponse, comme si cela était inimaginable d’avoir une femme comme collègue de travail.
Lorsqu’on arrive en Inde, ce que l’on voit, c’est un monde d’hommes. Les femmes sont beaucoup plus effacées, plus discrètes alors que les hommes sont partout : tout le personnel des hôtels (gérance, entretien, restauration, etc.) aussi bien que ceux qui tiennent les petits commerces ou n’importe magasin, tous sont des hommes, aucune femme. Du moins, elles demeurent rarissimes. Sur la rue, on rencontre beaucoup plus d’hommes que de femmes. Rares sont celles qui conduisent une automobile ou encore une mobylette ou même un vélo. Plus encore, nos repères usuels sur les hommes sont ébranlés : par exemple, ici les hommes se tiennent pas la main ou par la taille ou la main sur l’épaule en toute simplicité, plusieurs portent un dhoti (genre de pantalon réalisé à partir d’une pièce unique de tissu tournée autour de chaque jambe) ou un paréo (genre de jupe qui n’est en fait qu’une pièce de tissu enroulée autour de la taille), etc. Bref, cela met en évidence comment la masculinité est essentiellement construite puisqu’elle semble s’exprimer différemment de nos repères occidentaux. Alors, que représente le concept de « masculinité hégémonique » dans ce contexte ?

En fait, voir les hommes partout donne un premier aperçu du premier rôle des hommes ici : celui de pourvoyeur. Certes à la ferme, les femmes partagent les tâches agricoles en plus de celles reliées à la vie familiale (entretien, repas, soins des enfants), mais autrement, la plupart des femmes demeurent au foyer. Le travail des femmes est en hausse mais surtout dans les grandes villes. Ainsi, les hommes apprennent très jeunes à participer aux revenus de la famille. Comme ce jeune chauffeur de taxi, aîné de sa famille, qui a commencé à 14 ans à travailler comme conducteur de rikshaw et à 16 ans comme chauffeur de taxi pour contribuer aux revenus et ainsi permettre à sa sœur et à son frère plus jeunes d’accéder à des études plus élevées que le secondaire. Plusieurs nous ont raconté avoir commencé à travailler à cet âge. Et souvent, cela veut dire de nombreuses heures de travail par semaine, parfois loin de sa famille. Plusieurs nous ont raconté que leur famille, femme et enfants demeurent à des centaines de kilomètres de leur lieu de travail et qu’ils y retournent deux ou trois mois lorsque la saison touristique est basse (l’été dans certaines parties de l’Inde, parce que c’est trop chaud et l’hiver dans d’autres régions, parce que c’est trop froid et les routes peu praticables). Entre temps, ils travaillent souvent sept jours par semaine, sans repos. Les hôtels, par exemple, leur permettent de coucher sur le toit, parfois dans le corridor ou dans des chambres réservées à cet effet mais à 6 ou 7 par chambre, sans aucune intimité. Cette formule de chambres surpeuplées est notamment utilisée pour les chauffeurs d’autobus, de taxis et guides Indiens qui louent alors un lit pour la nuit à peu de frais ou encore gratuitement en « remerciement » pour avoir amené des touristes à l’hôtel.
Par ailleurs, toute une catégorie d’hommes, les babas et les sâdhus, dans la tradition spirituelle de l’Inde, ont décidé de consacrer leur vie à la prière. Sans être des moines comme nous connaissons, ces hommes, souvent habillés de couleur orange, se tiennent près des temples, vivant en fait dans la rue et de l’aumône des gens. En fait, la mendicité est omniprésente, surtout celle des femmes et des enfants et des personnes handicapées. Un de nos guides nous a raconté que souvent les mendiants changent de région, pour aller vers les villes plus touristiques. Le tourisme, jusqu’à un certain point, favorise la mendicité. Et les stratégies pour recueillir quelques Roupies se raffinent comme cette dame âgée demandant l’aumône avec un jeune bébé ou encore cette femme à qui des touristes ont acheté du lait pour le bébé plutôt que de donner de l’argent et qui a revendu le lait par la suite. Les hommes, outre ceux qui prient, harcèlent plutôt pour nous vendre des choses. En fait, la compétition est très forte parmi eux. C’est la lutte pour la survie. Par exemple, des dizaines de rikshaws sont là à compétitionner pour obtenir les faveurs de la clientèle. Les prix sont alors très « élastiques ». Il en est de même pour les mille et une choses à vendre : présenter de multiples choix pour séduire et gagner les faveurs de la clientèle. Stratégies de vente mais aussi stratégies de survie. Par ailleurs, la perception du temps est aussi différente. Un de nos guides reprochait aux Indiens de ne pas voir la valeur du temps. Le service est souvent lent mais aussi les gens nous accordent facilement de leur temps, ne serait-ce que pour parler avec nous. D’ailleurs, un visiteur est vu comme un dieu. Rapidement on nous affiche un sourire charmant.
Le rôle de pourvoyeur est aussi associé à celui de protecteur. Dans la famille traditionnelle indienne, le père occupe une place de premier rang. Il doit voir à ce que sa famille ne manque de rien et que tout se passe bien. Un répondant disait que son père représentait le modèle de ce que doit être un bon père. Il prenait comme exemple qu’au mariage de sa sœur, son père a vendu l’automobile pour offrir la dot et lui assurer ainsi « un bon mariage » même s’il avait besoin de cette automobile pour se rendre au travail. Lorsque son autre sœur s’est mariée, cette fois son père a remis sa caisse de retraite pour payer la dot, le laissant ainsi finir sa vie dans une situation économique précaire. Mais il avait donné tout ce qu’il pouvait pour le bien-être de ses enfants. Radhika Chopra fait ressortir notamment que cette perception de devoir jouer son rôle de pourvoyeur fait aussi en sorte que plusieurs hommes passent par-dessus les frontières de genre pour prendre des emplois dont les tâches sont considérées dans la société indienne comme « féminines », l’entretien ménager par exemple. Le père représente l’autorité absolue. Il faut voir aussi que lorsque l’on parle de la famille ici, c’est non seulement la famille nucléaire comme on la connaît mais bien la famille élargie puisque vivent sous le même toit habituellement trois générations : les parents, leurs fils avec leurs conjointes et leurs enfants. Il se peut que l’un des fils doive travailler à l’extérieur de la ville, mais sa femme et ses enfants demeurent dans la résidence familiale paternelle quand même. Il part alors seul à l’extérieur. Une présentation à laquelle j’ai assisté notait que le père jouait parfois un rôle de protecteur vis-à-vis sa bru lorsqu’il y avait conflit entre les belles-sœurs ou avec la belle-mère. Ainsi, par exemple, comme le notait bien D.P. Singh, l’intervention en service social ici ne peut se faire sans tenir compte de cette grande place qu’occupe la famille.
Les rôles sont très tranchés : les hommes au travail, les femmes à la maison. De nos jours, les écoles sont mixtes. Cependant, les activités demeurent largement centrées avec les personnes du même sexe. Par exemple, un homme médecin pour un homme et une femme médecin pour une femme, même chose en massage, etc. En fait, selon les règles, les garçons et les filles ne doivent se fréquenter avant le mariage. Dans plusieurs cas, les familles organisent le mariage, s’entendent sur la dot que doit fournir la future épouse et les deux jeunes adultes doivent acquiescer. S’ils sont d’accord, on fait faire les horoscopes et s’ils sont favorables, le mariage est prévu. Selon la tradition, ces mariés n’ont jamais eu de relation sexuelle avant le mariage et toute relation hors mariage est mal vue. Après le mariage, la jeune mariée va vivre dans la famille de son mari. Ainsi, dans une grande maison ou encore dans plusieurs logements dans le même pâté de maisons, se retrouve alors la grande famille : les parents avec les enfants non mariés et chacun de leurs fils mariés avec leurs femmes et leurs enfants. Les femmes doivent partager ensemble les tâches domestiques globales sous la gouverne de la mère. On comprend que parfois des conflits peuvent éclater entre les belles-sœurs ou entre une bru et sa belle-mère. Il s’agit là semble-t-il, d’une source de violence domestique répandue, surtout lorsque la belle famille juge que la dot n’était pas suffisamment élevée et que la nouvelle bru est perçue comme un poids pour la famille. Le mari aurait tendance à prendre pour sa famille et non pas sa conjointe, d’où, selon une recherche présentée au congrès sur la violence, une source de suicide chez les nouvelles mariées. Le mari doit, m’a rapporté un homme en entrevue, s’assurer que sa femme s’entende avec les autres femmes de la maison et au besoin, il doit régler cela avec ses frères et son père. À défaut d’entente, il doit partir avec sa conjointe et ses enfants pour s’établir à la manière d’une famille nucléaire. On peut comprendre que cela peut être source de conflits au sein du couple par la suite. En fait, la famille est une institution très forte ici. Dans l’échelle des valeurs masculines, on nous rapporte que la famille (d’origine), le travail et les amis passent avant la conjointe et les enfants. Le taux de divorce serait en hausse mais il demeure, disent plusieurs personnes, très mal vu de se séparer. Par ailleurs, on peut comprendre que les hommes qui quittent leur famille, femme et enfants pour travailler loin de chez eux pour plusieurs mois disent ne pas vraiment s’ennuyer. Centrés sur leur rôle de pourvoyeur, ils mettent toute leur énergie à s’assurer de bien remplir ce rôle, qui devient du même coup leur marque d’amour. Pour le reste, la famille élargie a le rôle de soutien à la conjointe. Elle n’est jamais seule dans ses tâches. Par ailleurs, si dans les grandes villes l’accouchement se passe un peu comme chez nous, la situation semble bien différente ailleurs. Par exemple, un jeune père me rapportait que lorsque son bébé est né, sa femme était seule avec la femme médecin alors que lui et ses parents se tenaient dans la salle voisine; la femme médecin serait sortie de la salle une fois le bébé né pour le présenter d’abord à ses parents et ensuite à lui, le père du bébé. Il a donc été le dernier à prendre son propre enfant dans ses bras. Pour lui, l’accouchement est une affaire qui doit se passer entre les femmes. Il ne voyait pas en quoi il aurait pu être là. Plus encore, il est mal vu, semble-t-il, qu’un homme s’occupe de ses propres enfants. Dans la tradition, nous dit un répondant, il doit s’occuper de ses frères plus jeunes mais pas de ses propres enfants. Radhika Chopra rapporte que le gouvernement indien a mis sur pied un programme pour favoriser l’implication des hommes dans les soins maternels (Men in Maternity), notamment en pré et post natal qui semble marquer des points. Mais le défi demeure de taille.
Cette division des mondes entre celui des femmes et celui des hommes amène aussi beaucoup d’homosocialité. Les hommes se tiennent entre eux et les femmes entre elles mais aussi avec une certaine intimité fort différente de ce qu’on connaît dans nos sociétés occidentales. Les hommes se prennent par la main, se collent ; les femmes font de même, mais de manière un peu plus discrète. Bref, des comportements qui, à nos yeux d’Occidentaux, seraient associés à des marques d’homosexualité. Ils rapportent parler facilement de leurs émotions à leurs meilleurs amis et de choses intimes. D’ailleurs, j’ (Gilles) ai eu droit à quelques confidences lors des entrevues. L’expression semble relativement facile, du moins jusqu’à un certain point. Lorsqu’on touche des choses plus profondes, plus sensibles, la conversation dévie rapidement. Cette intimité entre hommes n’empêche pas l’homophobie. Lonely Planet accorde toute une section à cet effet, avisant les touristes gays d’être prudents que le harcèlement demeure très présent à leur endroit. Quelques hommes ont dit que l’homosexualité existait bel et bien en Inde, et même de plus en plus dans les grandes villes, mais qu’elle demeurait très mal vue et qu’en général les gais demeuraient très cachés. Par ailleurs, quelques hommes m’ont dit connaître des hommes gais ; il faut donc croire que cette réalité existe bel et bien et est bien connue. Lonely Planet écrit que la ségrégation très grande entre hommes et femmes avant le mariage fait en sorte que dans les faits, on retrouverait des comportements homosexuels mais sans que l’on puisse les associer comme tels à l’homosexualité. Dans son travail de prévention du VIH, le réseau MASVAW (Men’ Action for Stopping Violence Against Women) fait aussi état de cette situation. En fait, cela semble s’inscrire un peu comme dans la recherche de Simon-Louis Lajeunesse : lorsqu’il y a une importante homosocialité on retrouve en même temps une forte homophobie, comme si elle représente une limite à ne pas dépasser.
Sur le plan de la demande d’aide, ici, ce n’est pas tant les pressions de la masculinité hégémonique qui fait que les hommes demandent peu d’aide, mais plutôt une question d’argent. Au contraire, ils ne semblent pas être plus réticents que les femmes à demander de l’aide. Plus encore, comme ce sont surtout les hommes qui sont sur le marché du travail, on les retrouve aussi en grand nombre dans les écoles de service social, en soins infirmiers, etc., contrairement à ce qu’on peut observer au Québec et dans la plupart des pays industrialisés. Lorsque j’ (Gilles) ai eu à consulter dans un hôpital, les hommes s’y retrouvaient en grand nombre comme clients, davantage que chez nous.
Enfin, je terminerais en disant que la réalité des hommes en Inde est un peu le reflet du trafic en Inde : à première vue, on est confus, on a l’impression d’un grand chaos devant ces automobiles, camions, autobus qui s’entrecoupent avec des vélos, des rikshaws, des tuk-tuks, autant que des animaux (vaches, chèvres, chameaux, etc.) et bien sûr nombre de piétons. Parfois les uns vont en sens inverse ou croisent la circulation sans avis quelconque. Lorsque l’on observe plus attentivement, on voit que plusieurs règles plus ou moins implicites émergent. Notamment, on roule habituellement à gauche, le plus gros a normalement la priorité, après les animaux bien sûr. Autrement dit, c’est d’abord la diversité qui règne. Plusieurs règles issues des traditions culturelles et religieuses sont fortement répandues et représentent parfois un poids énorme. Certains vont dans le sens du trafic et le suivent, d’autres au contraire ont décidé de vivre autrement et adoptent alors un mode de vie fortement influencé par la culture occidentale. Presque toutes les personnes que j’ai interrogées ont dit que les choses changent rapidement en Inde ; pour certains trop vite, pour d’autres pas assez. Cela semble très difficile de conserver les bons aspects d’une culture traditionnelle tout en s’ouvrant sur la modernité, sans s’occidentaliser, sans tomber dans le piège de l’uniformisation dans lequel semble nous pousser la mondialisation. Un jeune étudiant me disait que les pays occidentaux doivent se battre contre les effets néfastes du capitalisme, alors qu’en Inde, en plus de cette réalité, les Indiens sont confrontés aux vestiges du féodalisme (système de castes, emprise très forte de la religion, etc.). Enfin, la publicité
touristique sur l’Inde s’intitule Incredible India, cela est très représentatif de cette diversité profonde. Akshay, notre guide du Rajasthan, disait « a colourfull country », avec toutes ces femmes notamment qui portent de très beaux saris de toutes les couleurs, ces hommes vêtus de dhotis, ces multiples temples, ces influences de toutes sortes, mais aussi ces réalités très particulières comme les vaches qui circulent sur les autoroutes ou en plein coeur d’une grande ville. C’est comme si tout est possible en Inde. Il s’agit sans doute d’un défi énorme de passer à la modernité tout en gardant un cachet particulier, ses propres couleurs, sans tomber dans la fadeur
de l’uniformisation à l’Occidentale promue par la mondialisation où le jeans devient l’uniforme et le MacDo l’aliment standard. Cela est d’autant plus inquiétant lorsqu’on voit la publicité et les
video-clips à la télévision dans lesquels on voit, à la manière occidentale, des jeunes filles en tenue sexy et des garçons musclés, ce qui n’a rien a voir avec l’Inde où les femmes sont habillées en saris et les hommes qui ont bien autre chose à faire que d’aller au gym pour assurer leur survie et celle de leurs familles.

Enfin, il nous reste à remercier toutes ces personnes qui ont contribué à cette réflexion, qui ont bien voulu répondre avec une grande générosité et beaucoup d’ouverture à nos multiples questions qui auraient pu parfois sembler indiscrètes. Merci aux collègues universitaires, Manjit Singh, D. P. Singh, Aruna Bharadwaj, A. S. Inam Shastri, Sanjay Sinaghda et Madhu Kushwaha. Merci à nos guides qui ont aussi fortement contribué à nous aider à comprendre les cultures en Inde : Akshay Sharma, Hari Chauhan, Pradeep Singh, K.D. Singh. Merci aussi à tous ceux et celles qui ont bien voulu répondre à nos questions dont je n’ai pas tous les noms malheureusement (couple de Mumbai, marchant de Jodhpur, aîné de Bishnoi, étudiants de service social de Patiala et de Varanessi, divers employés d’hôtels, et.).

Chopra, R. (2003). Rethinking Pro-Feminism: Men, Work and Family in India. UN, Expert Group Meeting on “The role of Men and Boys in Achieving Gender Equality. Brazil.
Singh, S., Binloss, L., Bainbridge, J., Brown, L., Butler, S., Elliott, M., Harding, P., Lealous, V., Karafin, A., Richmond, S., Spurling, T. & Wloadarski, R. (2007). India. Victoria (AU), Oakland (CA) & London (UK): Lonely Planet.