mardi 21 juillet 2009

Suède et Norvège

Suède et Norvège

Quelques clarifications s’imposent pour commencer. On parle souvent des pays Nordiques pour parler en fait de cinq pays qui se trouvent au Nord de l’Europe : le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège et l’Islande. Ces cinq pays partagent plusieurs points en commun et ont établi plusieurs ententes entre eux au sein du Conseil Nordique. Parler des pays Nordiques est différent de parler de la Scandinavie qui comprend essentiellement le Danemark, la Suède et la Norvège. Ces trois pays diffèrent sur plusieurs aspects des autres pays Nordiques. D’abord, l’origine ethnique et la langue parlée en Finlande sont davantage d’origine russo-hongroise et se rapprochent de certains pays voisins à l’est comme la Latvie et l’Estonie alors que la Norvège et la Suède ont développé des langues issues du Danois, trois pays dont le peuple d’origine était les Vikings. Les habitants de ces trois pays peuvent facilement se comprendre, ce qui n’est pas le cas de la Finlande. La Suède, le Danemark et la Finlande font partie de l’Union européenne et l’Islande est en démarche pour le devenir alors que ce n’est pas le cas pour la Norvège. En fait, les Norvégiens tiennent farouchement à leur indépendance envers l’Europe. Il y a eu deux référendums sur le sujet et, à chaque fois, la population s’est prononcée largement contre l’adhésion à l’Union européenne. Ce sont tous des pays relativement peu peuplés. L’Islande, le plus petit pays parmi eux ne comptait qu’environ 300 000 habitants en 2006 (Wikipédia), soit moins que la population de la ville de Québec. Par ailleurs, sur le plan géographique, le sud de ces pays correspond à peu près au Nunavuk. Juste pour donner une idée, Bergen qui est dans la partie sud de la Norvège se situe juste au-dessus du 60e parallèle soit environ à la hauteur d’Inukjuak. Donc, la partie la plus au nord de ces pays se situe dans le cercle polaire. Comme nous y sommes quelques jours à peine après le solstice d’été, c’est dire que le soleil ne se couche pratiquement jamais. C’est une période qui s’étend de la mi-mai à la mi-juillet.

La participation au congrès à Göteborg nous ouvrait aussi la possibilité de renouer avec le type de périple que nous avions fait il y a un an, mais en beaucoup plus court. Une période de deux semaines nous semblait courte, mais quand même intéressante. Les pays nordiques offrent un attrait particulier, surtout lorsqu’on s’intéresse aux questions relatives aux genres. De tout temps, ils arrivent en tête de liste selon l’ONU pour les mesures en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. La social-démocratie étant très présente depuis plusieurs années fait en sorte que souvent leurs mesures sociales sont prises comme des modèles. Par exemple, le programme de congé parental en place depuis quelques années au Québec s’est largement inspiré du modèle norvégien. Actuellement, le congé parental québécois, plus généreux que le programme canadien, prévoit un congé de maternité et en parallèle un congé de paternité (de 5 à 8 semaines), suivi d’un congé parental qui peut être pris par l’un ou l’autre des deux parents ou divisé entre eux.

La Suède
La Suède est le plus populeux des pays Nordiques avec près de 9,2 millions d’habitants dont les ¾ vivent dans le sud du pays.


Göteborg
Nous sommes d’abord atterris à Göteborg, la deuxième plus grande ville du pays. Nous avons eu un vol un peu long. Le trajet impliquait un court arrêt à Toronto puis un deuxième à Frankfurt en Allemagne avant d’arriver à Göteborg, notre premier arrêt. Cependant, nous avons manqué le vol prévu à Frankfurt, ce qui nous a obligés à passer quatre heures d’attente pour le vol suivant qui lui-même est parti une heure en retard. Bref, nous sommes arrivés à l’hôtel Gothia à Göteborg vers 16h00, soit environ 24 heures (incluant le décalage horaire) après notre départ de Québec. Gilles a pris rapidement une douche et s’est changé pour aller au congrès de la Word Association of Sexual Health où la partie discutée de son poster avait lieu dans les minutes qui suivaient. Pour Gilles, d’ailleurs, le temps passé à Göteborg a été essentiellement centré sur le congrès, congrès intéressant par ailleurs, notamment en matière de santé des hommes.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance en a profité pour faire un tour de ville, notamment de la vieille partie de la ville. Comme il lui arrivait très souvent pendant le long voyage, elle se promenait seule dans les villes, à contempler les gens et leur mode de vie. Bien sûr, comme ce sont des pays industrialisés et développés, l’exotisme est moins grand. À la fin de la journée, elle a profité d’un petit tour sur les canaux de la rivière. Quand même, elle a osé monter dans une tour de 86 mètres, la Lilla Bommen qui lui a donné une vue panoramique sur la ville de Göteborg. Ce n’est pas très haut pour la plupart des gens, mais pour elle. qui a le vertige, c’est un exploit.

La veille du départ de Göteberg, nous avons soupé avec Robert Heasley, le président de l’American Men’s Studies Association qui fera aussi partie du réseau international que Gilles tente de mettre sur pied, et Betsy, sa conjointe, de même que quelques autres participants au congrès. La soirée a été très agréable. Belles discussions, bons échanges, très sympathiques. On a notamment pu découvrir les qualités de G.O (Gentille Organisatrice comme on dit dans les clubs MED) de Betsy. Elle a trouvé un excellent restaurant pouvant accommoder les huit personnes que nous étions. Bravo Betsy! Et cela a été une autre occasion d’échanger avec Robert. C’était la 4e fois que Gilles et lui se rencontraient, et à chaque fois avec beaucoup de plaisir. Avec ces personnes, nous avons partagé nos points de vue sur les accommodements raisonnables, sur l’intégration des immigrants… pas facile ce genre de discussion quand la langue anglaise n’est pas notre première langue (particulièrement pour Jeanne-Mance). Notamment, Matthew Yau, un Chinois de Hong Kong qui a immigré en Australie a donné de bons exemples à partir de sa propre expérience. Quand même un débat animé même si c’était en anglais….

Même si Götebord se situe dans la partie Sud su pays, déjà on voit l’effet nordique. À 22h00 le soir, il fait encore très clair. Puis s’installe un crépuscule qui dure toute la nuit avant que le soleil ne se lève très tôt vers 3h00 le matin.

Stockholm
Stockholm, la capitale de la Suède, constituait notre dernière étape avant le départ. En fait, nous avons commencé et fini par la Suède. Nous sommes arrivés par avion de Tromsø pour nous rendre chez Peder, notre hôte, avec qui nous avons eu notre deuxième expérience avec Couchsurfing. Jon, notre hôte Couchsurfing de Tromsø nous avait introduits à Peder. Celui-ci nous a donné plein d’information sur la ville, la culture, et les habitudes des Suédois en plus de nous faire goûter des mets traditionnels dont la soupe aux pois, un peu comme on la fait au Québec, mais sans le jambon parce que Peder est végétarien. Comme dessert, des crêpes avec de la confiture aux fraises et de la crème fouettée. Le tout fut arrosé par une liqueur de type Schnaps très alcoolisée. Une autre belle rencontre. Nous avons pu constater à quel point Peder aime son pays. En soirée, nous avons profité avec Peder d’une petite balade dans un parc. Le coucher de soleil était tout simplement magnifique.

Gilles en a profité pour rencontrer Lars Jalmert, un chercheur bien connu en Suède sur les réalités masculines. Notamment, les échanges ont porté sur l’actuel débat ayant cours sur le congé parental en vue de le rendre à parité, soit 9 mois pour les mères et 9 mois pour les pères, soit le total de 18 mois. La place accordée aux pères se sent bien en Suède (comme en Norvège) où on voit régulièrement aussi bien des pères que des mères avec des poussettes, des pères qui semblent très habitués à prendre soin des bébés et des enfants en général. Les chercheurs sur les réalités masculines travaillent en fait au sein de groupes de recherche sur le genre, certains se spécialisant sur les réalités des femmes, d’autres sur celles des hommes ou sur les deux. Il y a eu, semble-t-il, des échanges corsés au début mais très vite l’unité s’est faite autour de la notion d’égalité des genres. La Suède est issue d’une longue tradition de social-démocratie au sein de laquelle les valeurs de justice, d’équité, de démocratie sont bien ancrées.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance en a profité pour visiter le musée Nobel. On se rappelle qu’Alfred Nobel était un Suédois. Il avait stipulé dans son testament que, chaque année, une partie des revenus de sa fortune serait décernée à des personnalités novatrices en physique, chimie, médecine, littérature ainsi qu’au service de la paix. Ces prix devaient être distribués sans égard aux revenu, au sexe, à la nationalité. Ce qui, à l’époque, n’a pas fait l’unanimité dans la population et les élites en particulier. On voulait réserver les prix Nobel exclusivement aux Suédois. Jeanne-Mance s’est laissée inspirer par les idéaux des grands qui ont changé le monde. Plus de 750 lauréats ont été honorés par le prix Nobel depuis 1901. On sait certainement que des personnalités comme Nelson Mandela, Marie et Pierre Curie, Jean-Paul Sartre (qui a refusé ce prix) sont parmi les personnalités. Parmi les autres points touristiques visités, notons le palais royal qui date du 18e siècle et qui constitue la résidence officielle de sa Majesté le Roi. Stockholm est la ville des musées : de l’armée, de la dance, de la police, de l’ethnographie, de la photographie, de la porcelaine, musée juif, de l’opéra… pour ne nommer que ceux-là.

Stockholm est une ville magnifique, surnommée la Venise du Nord avec ses nombreux canaux, ses ponts ses vieux édifices particulièrement dans la vieille cité.

La Norvège
En fait, nous avons plutôt décidé de passer plus de temps en Norvège dont les décors nous semblaient plus pittoresques. La Norvège est un pays peu populeux avec seulement 4,7 millions d’habitants répartis sur un grand territoire. Sa partie Nord se situe à l’intérieur du cercle polaire. La végétation et le paysage ressemblent beaucoup à ceux du Québec: conifères, pins, fleurs sauvages très connues ici, mais là s’arrête la comparaison. Leur nourriture, l’heure des repas, leurs mesures sociales sont assez différentes… surtout le coût de la vie qui est beaucoup plus élevé : pour vous donner une idée, nous avons acheté une bouteille de vin et sept morceaux de gâteau pour 58.00 $. Un repas très simple comme des pâtes alimentaires avec crevettes nous a couté 50.00 $.

Moss et Oslo
Nous avons pris l’autobus de Göteborg jusqu’à Moss où nous attendait une famille Servas, Asta, Kjell, leur fils Knut et leur fille Liv. Il ne manquant que l’aînée qui était en stage d’immersion en Allemagne pour y perfectionner son Allemand. Les trois enfants sont étudiants dans trois universités différentes mais se retrouvent à la maison familiale pour les congés et les vacances d’été. Un ami de Knut, Martin, était aussi à la maison et le cousin germain, Thomas, s’est joint à nous aussi pour l’un des repas. Bref, une belle immersion dans une famille norvégienne avec des discussions intéressantes, notamment avec des jeunes adultes qui nous ont parlé du système d’éducation en Norvège. Disons simplement que l’université est gratuite ici (en Suède aussi d’ailleurs). Les étudiants ont aussi droit à un système de prêts et bourses pour les aider à financer leur subsistance, régime qui semble un peu plus généreux que le régime québécois. Nous avons eu droit là aussi à un mets typiquement norvégien.

Moss est situé à environ 45 kilomètres d’Oslo, la capitale de la Norvège. Même si Oslo est la ville la plus importante de Norvège, elle ne comprend qu’un demi-million d’habitants environ. Nous avons passé une journée à Oslo. Gilles y a rencontré un groupe qui travaille auprès des hommes, le Reform (http://www.reform.no/) et Jorgen Lorentzen, un chercheur bien connu en Norvège. Malheureusement, Øystein Holster, avec qui j’étais déjà en contact avant, était en vacances à l’extérieur de la ville. Les deux sont membres d’un centre d’études sur le genre et ont mené plusieurs recherches sur les hommes en Norvège. Pour sa part, le Reform est un organisme communautaire financé par l’état pour faire avancer les questions relatives aux hommes et aux masculinités dans l’ensemble du pays. Dans les faits, ils sont six permanents et une personne à temps partiel, ce qui limite leurs possibilités. Ils travaillent donc à établir des projets pilotes en soutenant d’autres organismes qui veulent bien implanter l’un ou l’autre de leurs programmes. L’organisme travaille sur divers plans dont la promotion de l’engagement paternel, la violence conjugale (groupes de traitement et prévention), la santé, notamment concernant les hommes et la dépression post-partum (celle des pères et celle des mères) et l’éducation (réussite scolaire des garçons, plus de garçons dans les professions d’aide et de soins). Les échanges avec Elise du Reform et Jorgen ont été particulièrement intéressants pour bien comprendre où en est la Norvège en matière de travail avec les hommes et la dynamique avec les pays voisins.

Pendant ce temps, Jeanne-Mance s’est promenée dans les rues d’Oslo. Ensuite, nous nous sommes dirigés vers l’île de Bygdøy où nous avons visité le musée du folklore et celui des Vikings.

Raufoss et Gjøvik
Notre prochain arrêt prévu était Raufoss pour y rencontrer Torbjørn un collègue de Gilles rencontré lors du dernier congrès de l’American Men’s Studies Association à Montréal et Britt sa conjointe. Le couple était passé nous voir à Québec (début avril). Nous avions eu un bon moment ensemble et nous avions bien hâte de les revoir. Nous nous retrouvons dans des situations semblables alors que tous les quatre sommes des travailleurs sociaux, Torbjørn, tout comme Gilles, enseigne en service social et Britt travaille sur le terrain, un peu comme Jeanne-Mance. Nous avons passé deux jours merveilleux avec eux. Ils nous avaient prévu une petite croisière sur le lac Mjosa de Gjøvik à Totenkiva. Le soleil était radieux. Puis Torbjørn nous a amené faire le tour de Gjøvik et visiter quelques endroits de la région. Ils y sont allés aussi avec de bons conseils pour la suite de notre tournée en Norvège. Torbjørn est presqu’un guide touristique, tellement il s’y connaît bien et se retrouve facilement sur Internet pour nous dénicher une Auberge de Jeunesse à Bergen ou un train qui nous amène également à Bergen. Bien sûr, Gilles et Torbjørn en ont profité pour échanger sur leurs travaux de recherche. Bref, un séjour court mais très agréable.

Bergen et les fjords
Torbjørn a eu la gentillesse de venir nous reconduire à Hønefoss pour y prendre le train pour Bergen. En route, nous sommes arrêtés à une fabrique de verre selon la méthode artisanale. Le train vers Bergen est réputé pour être l’un de ceux qui offrent les vues les plus panoramiques de Norvège. De la verdure d’été de Hønefoss, nous avons traversé une région montagneuse sans arbre, puis une région de glaciers pour redescendre vers Bergen. Nous avions l’impression de passer les quatre saisons en quelques heures. Le trajet dure environ 5h30. Puis, ce fût la célèbre Bergen, deuxième plus grande ville de Norvège avec 250 000 habitants, mais surtout la plus visitée à cause de son cachet et aussi parce qu’elle constitue l’une des principales portes d’entrée vers les pittoresques fjords. Nous étions à l’auberge de jeunesse Montana, un peu loin du centre-ville mais très bien.

Dès notre arrivée, nous nous sommes rendus du côté de Bryggen, le quartier historique. Ces maisons de bois datent du Moyen Âge et elles contribuent au charme de la ville. Elles tiennent toujours debout et elles sont encore utilisées par les commerces qui s’y trouvent, même si elles sont croches. Quelques-unes ont été rénovées dans le respect du passé. C’est un très joli quartier qu’on ne peut manquer. Le lendemain a été la journée pour mieux connaître cette belle ville : le célèbre marché de poissons, le funiculaire et téléphérique qui donnent des vues impressionnantes sur la ville et les fjords qui l’entourent. Nous en avons profité aussi pour simplement arpenter les rues.

Bien sûr, nous ne pouvions pas manquer une tournée dans les fjords. Des paysages à en couper le souffle. Nous avons opté pour le bateau longeant le Sognefjorden, le fjord le plus long de Norvège, long de 204 km. jusqu’au célèbre petit village de Flâm. L’« expressboat » prend 5h30 pour le trajet arrêtant dans plusieurs petits villages en chemin. Plus nous avancions et plus le paysage était pittoresque ave les cascades d’eau de plusieurs mètres de haut, les petites maisons isolées dans les montagnes, les sommets enneigés même au cœur de l’été,. Les fjords sont le symbole de la Norvège.
Nous nous sommes reposés à Flâm, un très petit village, situé dans un décor superbe mais excessivement touristique. Puis le lendemain, nous avons pris l’autobus local jusqu’au petit village de Gudvangen. La route pour s’y rendre ne compte que 9 kilomètres mais presqu’en totalité dans un très long tunnel. Arrivés à Gudvangen, nous avons pris un autre bateau pour suivre le parcours du Naerøyfjorden, reconnu comme patrimoine mondial par l’Unesco. Ce fjord est le plus étroit au monde, le plus escarpé de tous (250 m.) et des plus pittoresques. Le fjord du Saguenay est le deuxième (notre région natale). C’est incroyable de constater que des gens vivent tout au long du fjord. Puis, arrivés à Flâm, nous avons passé une nuit dans une petite auberge. Quelle ne fut pas notre déception de voir arriver un énorme bateau de croisière dans ce tout petit village et qui plus est, déguise la nature… tourisme oblige ! Puis, nous avons pris le train qui monte en pente jusqu’à Myrdal. Ce train traverse 20 tunnels creusés à la main et presque 80% du trajet a une pente de 55 %. Enfin, de Myrdal nous reprenions le train régulier vers Bergen.

Tromsø
Jeanne-Mance tenait bien à visiter le cercle polaire et constater les nuits sans noirceur, le célèbre midgnight sun. Nous avons donc pris l’avion de Bergen vers Tromsø en passant par Oslo. L’avion partait à 6h00 du matin, il fallait donc nous lever vers 3h30 du matin pour prendre l’autobus de 4h10 pour nous mener vers l’aéroport. C’était amusant de voir que déjà à Bergen, bien plus au sud, les lampadaires se sont éteint à 3h30 parce qu’il faisait déjà assez clair. Cela donne un avant-goût des journées très longues sans noirceur qui nous attendaient à Tromsø.

Changement complet de température en arrivant à Tromsø. Il faisait autour de 25°C à Bergen et à Tromsø il ne faisait plus que 7°C avec un léger vent un peu glacial. La ville comme telle est sans attrait particulier si ce n’est qu’elle est la principale ville Norvégienne située à l’intérieur du cercle polaire. C’était aussi notre première expérience avec un hôte de Couchsurfing, une autre organisation qui favorise les échanges entre les gens de diverses cultures. Les membres sont en moyenne plus jeunes que ceux de Servas. Nous avons donc été accueillis par Jon, un jeune ouvrier de la construction très gentil. Le soir de notre arrivée, notre hôte allait avec des amis à un festival rock annuel ayant lieu en ville où se retrouvent des chanteurs et chanteuses rock d’un peu partout. Pour notre part, nous avons plutôt décidé de nous reposer au chaud. Nous nous étions levés très tôt le matin (pour ne pas dire la nuit). Le spectacle avait lieu à l’extérieur et nous avions passé plusieurs heures à marcher dans la ville au froid; nous étions un peu gelés. Le lendemain, nous avons visité le musée polaire qui rappelle les conditions de vie des premiers habitants du Nord (hormis les Samis, le peuple autochtone du Nord de la Norvège) mais surtout l’histoire de la chasse aux phoques et le rôle particulier de deux scientifiques. Encore de nos jours, la chasse aux phoques est très populaire. Notre hôte Jon chasse le phoque durant les mois de mars et avril au Groenland. Imaginez 2300 phoques en deux mois. Il faut croire que Brigitte Bardot n’est pas passée par la Norvège. Nous avons aussi assisté à un magnifique spectacle dans la petite cathédrale de bois mettant en vedette une célèbre organiste coréenne et un jeune violoniste norvégien de 24 ans.. Jeanne-Mance n’a pu se passer d’une petite visite à une vente de garage. Je (Jeanne-Mance) me suis levée à 3 heures du matin pour constater qu’il fait clair comme s’il était 15 heures au Québec. C’est très impressionnant! Je vous laisse admirer les photos prises à cette heure. J’ai vu beaucoup de monde dans les rues, c’était comme si les gens emmagasinaient du soleil en prévision de la période qui s’en vient, celle de la noirceur.

Notes sur les réalités masculines en Scandinavie
Notre séjour en Suède (5 jours) et en Norvège (11 jours) a été relativement court. En cette période vacances annuelles d’été, il était aussi plus difficile d’avoir des rencontres avec des chercheurs. De plus, en Suède en particulier, nos arrêts se sont limités aux deux plus grandes villes, ce qui ne donne pas une image vraiment juste de ce pays comportant principalement de petites municipalités. Bref, encore une fois, nous tenons à noter les limites importantes de nos commentaires qui demeurent de grands traits.

Au sein de classement international des pays en matière d’égalité des genres réalisé par l’ONU, la Norvège occupe le premier rang et la Suède le deuxième. Cela fait en sorte que le regard de plusieurs pays Occidentaux se porte sur eux pour déterminer les politiques à adopter en cette matière. La Scandinavie est souvent considérée comme une « zone expérimentale » en matière d’égalité des genres (Holster, Svage & Egeland, 2009). Par exemple, la Norvège a beaucoup inspiré le Québec dans son nouveau régime de congé parental qui reconnaît notamment une part plus importante au congé de paternité avec une possibilité pour les pères québécois de prendre entre 5 et 8 semaines de congé payé à la suite de la naissance de leur enfant et les parents peuvent aussi partager le congé parental qui suit le congé de maternité et le congé de paternité. La Norvège vient tout juste d’améliorer son régime portant le congé de paternité de 5 à 10 semaines avec comme objectif de le rendre à 14 semaines d’ici la fin du mandat du gouvernement actuel. Cela mènerait la Norvège à un régime semblable à celui de l’Islande, soit un tiers pour la mère, un autre pour le père et une troisième part au choix ou pouvant être divisée. La Suède a déjà un régime un peu plus généreux et elle vise un partage du congé en parties égales entre le père et la mère. Que ce soit en Norvège ou en Suède, le congé de paternité ne peut être pris que si la mère est au travail ou aux études au moins à 75% du temps ou encore en congé de maladie. Certaines entreprises offrent des conditions supérieures à ces normes gouvernementales afin de favoriser l’implication des pères dans la famille. Il faut dire cependant que la famille occupe une plus grande place dans ces pays qu’au Québec, au Canada ou aux États-Unis. Ces pays sont passés rapidement à l’ère moderne et dans ce passage, la famille est demeurée une valeur importante. Les pays Nordiques envisagent la famille dans une vision renouvelée, basée sur les principes qui leurs sont chers comme l’égalité, la justice et la démocratie. Ces pays ont connu un court passage au pouvoir de partis politiques plus à droite qui ont favorisé le retour des femmes au foyer, mais ces gouvernements ont principalement été dirigés depuis une centaine d’années par des partis socio-démocrates qui ont de tout temps favorisé une pleine participation des femmes à tous les niveaux.

Notons que la partie qui semble avoir plus avancée en ce qui concerne les hommes est sans contredit tout ce qui touche les soins des enfants. Une vaste enquête réalisée en Norvège en 1988 (Holster, 1988) montrait qu’il y avait encore des pas à franchir en matière d’égalité mais que les hommes étaient, de manière générale, largement d’accord avec le principe d’égalité dont le partage du travail salarié et des tâches domestiques surtout en ce qui concerne les soins aux enfants, les hommes Nordiques étant reconnus comme plus « family oriented » et « caring oriented » que les hommes des autres pays Européens (Holster & Olsvik, 2009). Cependant, certaines tâches domestiques semblent un peu plus difficiles à partager, notamment la lessive selon Holster et al. (2009).

Essentiellement, l’équité demeure une valeur centrale. Ainsi, contrairement à ce qu’on peut connaître au Canada et aux États-Unis notamment, cette valeur est perçue dans un travail conjoint des hommes et des femmes en regardant dans tous les aspects de la vie ce qui affectent négativement un genre ou l’autre. Le mouvement féministe est passé à une autre étape : finie la « guerre des sexes », maintenant solidarité dans la recherche d’égalité. En fait, la population de la Scandinavie, particulièrement celle de Norvège, est connue pour son sens pratique. On laisse de côté les luttes idéologiques pour viser des résultats pratiques. Les politiques sont conçues pour répondre aux valeurs d’égalité et de justice sociale. On connaît tout l’impact que peuvent avoir des politiques sociales dans les changements des mentalités. Par exemple, les politiques adoptées ces dernières années en matière de congé de paternité dans plusieurs pays occidentaux semblent avoir eu un impact important pour favoriser l’engagement paternel, bien au-delà des campagnes de sensibilisation réalisées dans les années précédentes.

C’est ainsi que certains programmes sont mis sur pied aussi pour les hommes et non plus seulement pour les femmes, et aussi avec l’appui du mouvement des femmes. Par exemple, des projets sont en marche pour favoriser que les garçons choisissent des disciplines traditionnellement féminines comme les soins et l’aide, en particulier les disciplines reliées aux soins et à l’éducation des enfants. En fait, ces programmes, encore à l’étape de projets pilotes, sont un peu la contre partie des mesures en place pour favoriser l’implication des filles dans des disciplines traditionnellement masculines comme le génie ou l’informatique. Notons au passage que cela peut prendre des formes très simples parfois comme le changement du nom du programme. Des jeunes nous ont parlé de deux programmes d’informatique, l’un typiquement appelé baccalauréat en informatique recrute environ 95% de garçons alors qu’un programme tout à fait similaire dans le contenu mais avec un titre du style informatique et environnement fait en sorte que les filles représentent environ 30% des étudiants. C’est déjà assez sensible comme changement! La Norvège en particulier s’intéresse à la réussite scolaire des garçons. Un peu comme au Québec, 63% des étudiants à l’université sont des filles (Kristiensen, 2008). Les difficultés scolaires des garçons préoccupent davantage du fait que les emplois manuels requérant une main d’œuvre moins scolarisée sont en nombre décroissant.

En matière de violence, seulement 4% des couples de Norvège rapportent avoir connu un épisode de violence (Holster et al., 2009), ce qui représente un taux plus faible que la plupart des pays occidentaux. On la considère comme plus reliée à l’âge qu’au genre, c’est-à-dire qu’elle se retrouve plus chez les jeunes couples que chez les couples plus matures et dans une proportion comparable entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, le réseau de soutien et d’intervention directe demeure encore peu développé si on le compare à celui du Québec. En Norvège, le Reform est le seul organisme spécialisé qui tente d’implanter son programme pour conjoints aux comportements violents dans d’autres villes sous forme de projets pilotes. Au Québec, on compte 36 programmes bien implantés couvrant la plupart des régions administratives. .

Les femmes et les hommes se partagent à part égale la direction des organismes de pouvoir à tous les niveaux (syndicats, organismes communautaires et instances politiques). L’espérance de vie s’est améliorée de manière comparable pour les deux genres, passant pour les hommes de 72,3 ans en 1980 à 75,5 ans en 1998 (Holster et al. 2009). Cependant, les mortalités par cancer sont deux fois plus fréquentes chez les hommes comparativement chez les femmes. Dans les deux pays, on retrouve trois fois plus de suicides chez les hommes que chez les femmes (quatre fois dans plusieurs autres pays industrialisés comme l’Australie et le Canada).

Par ailleurs, la Suède a probablement été le premier pays au monde à décriminaliser l’homosexualité en 1944. Ces deux pays sont reconnus comme « gay friendly », pour avoir une ouverture d’esprit en cette matière. Cependant, le mariage de conjoints de même sexe n’est reconnu que depuis mai 2009 mais le contrat de partenariat existait auparavant.

Bref, issus d’une tradition sociale-démocrate très forte, ces pays sont largement reconnus pour leur sens de l’équité et de la justice sociale plaçant l’égalité des genres comme une vertu tout comme la reconnaissance des droits des homosexuels. Sur le plan des politiques, la Norvège et la Suède font clairement œuvre de chefs de file. Par contre, sur le plan des services aux hommes, le réseau de groupes demeure très faible. Tout le poids porte sur quelques organismes centraux comme le Reform qui font un travail extraordinaire avec peu de moyens. Le travail de ces quelques groupes vise alors à influencer les organismes publics en place comme les écoles par exemple.

Remerciements
Nous tenons à remercier les familles Servas et Couchsurfing qui nous ont hébergés et qui nous ont permis de mieux connaître ces deux pays « de l’intérieur ». Merci donc à Asta, Kjiell, Liv, Knut, Martin et Thomas de Moss, Jon de Tromø, Peder de Stockholm. Un merci particulier à Torbjørn et Britt, avec qui nous espérons bien maintenir une longue amitié. Un sincère merci aux collègues Jorgen Lorenzen d’Oslo et Lars Jalmert de Stockholm qui se sont rendus disponibles en cette période d’été. Enfin, merci à l’équipe du Reform et à Élise en particulier qui m’ont chaleureusement accueilli et donné plein d’information sur leur travail.

Un an plus tard

Un an plus tard
Un an plus tard nous revenons à notre blog. En fait, on profite d’un court séjour en Suède et Norvège pour continuer la réflexion entreprise l’an dernier. Mais avant de parler de ces deux pays nordiques, un petit mot sur le retour au Québec.

D’abord, soulignons que nous étions bien heureux de revoir nos proches. Nous avons eu droit à un accueil des plus chaleureux alors que nos familles et quelques amis nous attendaient à l’aéroport. Nous avions acheté deux bouteilles de champagnes à l’aéroport de Londres, histoire d’écouler les dernières devises que nous avions en main et profiter du prix intéressant. Nous avons donc sablé le champagne avec eux dans le plaisir des retrouvailles.

Nous avons passé le jour suivant à Magog et Sherbrooke, pour passer un peu de temps avec Isabelle, notre nièce et sa petite famille avant leur départ à Haïti. Puis, ce fût le retour à Québec avec Catherine, notre fille, et son conjoint Mathieu qui nous ont accompagnés. Quel plaisir de constater que la maison était impeccable. Vraiment, nos locataire qui avaient loué notre maison s’en étaient occupé à merveille. Nous avons donc pris le temps de replacer la maison comme avant notre départ, puisque plusieurs choses avaient été mises au rangement pour faire de la place à nos locataires et tenir compte qu’ils ont de jeunes enfants et préféraient qu’on enlève les choses qui pouvaient être abîmées.

Une fois l’essentiel en place, nous nous sommes mis à ouvrir les boîtes que nous avions envoyées en cours de route. Il y en avait plus d’une trentaine, pleines de souvenirs de toutes sortes. À chaque fois, pleins d’images nous venaient en tête, d’anecdotes à raconter…

L’été a passé très vite surtout que le gîte a été rempli à pleine capacité tout l’été. L’année 2008 fêtait les 400 ans de la ville de Québec. Le flot d’activités gratuites (spectacles de Paul McCartney, Céline Dion et beaucoup d’autres) a amené beaucoup de touristes d’un peu partout dans le monde Encore plein de belles rencontres. Environ 85% de la clientèle nous venait d’Europe. Les discussions nous ont souvent ramenés à notre voyage : « Nantes, le restaurant La Cigale? Bien sûr, nous y étions avec Jacques et Anne-Marie il y a une couple de mois. » « Toulouse! Oui une belle ville qu’on a visitée avec Daniel »…. Le gîte nous a permis de continuer dans nos souvenirs.

Puis ce fût le retour au travail plus régulier. Jeanne-Mance au ministère de la Santé et des Services sociaux et Gilles à l’Université Laval. Quel choc! Certes, le gîte nous avait permis d’amortir le choc, mais il était quand même là. La dure réalité de la vie quotidienne nous a vite rattrapés. De plus, nous avions été émerveillés par la chaleur humaine et la qualité des relations qu’on peut retrouver assez facilement dans les pays sous-développés. Plus encore, finie l’excitation de nouvelles découvertes à tous les jours. Il fallait reprendre le travail quotidien bien connu, sans défi particulier, du moins à première vue.

Bref, ce retour « sur terre » a été quelque peu pénible. On nous avait dit qu’une telle expérience prendrait au moins quatre à cinq mois pour nous en remettre. Effectivement, ce fut le cas. Même si nous le savions avant de partir, cela s’est avéré plus difficile que nous le pensions. Heureusement, il y a eu des projets pour nous aider. De son côté, Jeanne-Mance s’est mise à la production d’un conte pour enfants, spécialement écrit pour Manouchka et Élie, conte qui a servi à la mère Noel le soir de notre party de famille. Quant à Gilles, il a pris au sérieux l’avis de Daniel Welzer-Lang et de Steve Robertson à la fin du voyage et il s’est mis à l’œuvre pour mettre les conditions en place pour créer un réseau international de chercheurs sur les hommes et les masculinités.

En fait, malgré ce contexte de retour difficile, cela a quand même été une « grosse » année. Jeanne-Mance a changé d’équipe de travail, donc nouveaux dossiers à s’approprier, nouvelle patronne, etc., sans compter la reprise de ses activités d’évaluation dans le cadre de la Loi sur le Curateur public. Gilles est allé au Nunavik présenter le rapport de recherche, à Toronto pour un colloque sur la paternité avec un article qui a été publié depuis, il y a eu l’évaluation d’un projet d’intervention auprès des hommes en milieu de travail, la préparation de la demande de financement et les contacts nécessaires pour l’étude de la possibilité de mise en place d’un réseau international de chercheurs, et une demande de financement pour une recherche comparative entre l’Ouest canadien, l’Australie, la Grande-Bretagne et le Québec, la participation au colloque « social work with men » en Alabama, la présidence d’un comité d’élaboration d’un programme de doctorat en thérapie conjugale et familiale et le travail avec un comité pour la rédaction d’un livre sur les réalités masculines au Québec.

Outre le projet très intéressant de mise sur pied d’un réseau de chercheurs, cette année d’étude et de recherche a été pour Gilles très riche en retombées : le projet sur la détresse psychologique chez les agriculteurs (en espérant qu’il soit financé), deux articles ont été publiés avec des collègues du Canada anglais sous la direction de Steve Robertson du Royaume-Uni, il y a eu la visite de John Macdonald d’Australie chez nous à Québec, la participation au panel de l’Américan Men’s Studies Association en avril dernier, un atelier pour le colloque étudiant sur le service social international, un séminaire de l’équipe Masculinités et Société sur les cadres théoriques des équipes de recherche visitées et des expériences d’intervention auprès des hommes dans les pays visités, une conférence pour le Réseau Hommes Québec en collaboration avec AutonHommie intitulée « Voyage aux pays des masculinités ». Dans la même lignée, il vient d’y avoir ma présentation au congrès ici en Suède sur les similarités et les différences entre les pays Occidentaux et les cultures orientales dans les relations entre hommes. Enfin, un livre est toujours sur la table de travail et deux maisons d’édition sont intéressées à le publier sans compter à l’automne dans le cadre du 3e Forum sur la condition masculine organisé pour le 25e anniversaire d’AutonHommie une conférence sur un état de situation sur la santé des hommes dans le monde. Bref, une année d’étude et de recherche qui a ouvert de nombreuses portes pour les années à venir.

Autrement dit, revenir d’un périple comme nous avons fait n’est pas facile. Cette année à se promener dans 15 pays a été en fait non seulement un voyage comme on l’entend généralement mais aussi un « voyage » riche sur le plan professionnel par les contacts, les apprentissages, les nouvelles avenues qu’il a ouvert et sans doute aussi un « voyage personnel », « au fond de soi », au cours duquel on a pu apprendre beaucoup sur la vie humaine, celles des autres mais aussi sur la nôtre, comme individus, chacun de notre côté, et comme couple. Voyager, c’est passer presque tout son temps avec l’autre, du moins nettement plus que dans la vie quotidienne où on a chacun notre boulot et nos activités, et c’est aussi devoir prendre de nombreuses décisions sur de petites choses qui vont de soi dans la vie quotidienne mais qui exigent un consensus à établir lorsqu’on est en voyage, ne serait-ce que le choix d’un restaurant. Par ailleurs, ce qui aide, c’est de se donner de nouveaux défis, de nouveaux projets. Cela aide à redonner un sens au travail, et plus largement, à notre vie chez nous. Bien sûr, il y a les liens sociaux. Plus que tout, les liens avec les gens qu’on aime demeurent un fondement, Bref, ce voyage et plus qu’un voyage c’est une expérience humaine.