samedi 19 avril 2008

Rencontre avec le desert du Sahara


RENCONTRE AVEC LE DÉSERT DU SAHARA


Une rencontre avec le désert c’est :

v CONTEMPLER LES ÉTOILES DANS UN CIEL PUR ;
v ÉCOUTER LE SILENCE JUSQU’À L’INTÉRIEUR DE NOS OREILLES ;
v ENTENDRE LE BRUIT DES AILES DES OISEAUX ;
v CÉLÉBRER LES COUCHERS ET LES LEVERS DE SOLEIL ;
v S’ÉMERVEILLER DEVANT TANT D’IMMENSITÉ ;
v ADMIRER LES DUNES DE SABLE ;
v APPPRIVOISER NOS BATTEMENTS DE CŒUR !


Rencontrer le désert, c’est une rencontre avec son âme !

















































dimanche 6 avril 2008

La Turquie

22e envoi : La Turquie
Nous voici rendus à notre onzième pays. Notre premier contact avec la Turquie s’est produit en fait à Johannesbourg alors qu’un couple de Montréal, Nevlat et Anne-Marie, s’est retrouvé à la même auberge de jeunesse que nous. Nevlat est d’origine Turque et le couple s’était rendu en Turquie il y a une couple d’années. Ils nous ont gentiment donné plein d’indications sur la culture aussi bien que sur des lieux à visiter, notamment Kapadokya.
Pour nous rendre à Istamboul, métropole de la Turquie, nous avons connu notre quatrième long trajet puisque le départ de Johannesbourg en Afrique du Sud avait lieu en fin d’après-midi pour arriver à Londres en matinée et reprendre un vol vers midi pour arriver à Istamboul en fin d’après-midi, soit un total d’environ 20 heures.
Quelques notes sur la Turquie
Rappelons-le, la Turquie occupe une place stratégique sur le plan géographique puisqu’elle chevauche l’Europe et l’Asie. Historiquement, la route vers les épices et la soie provenant d’Asie vers l’Europe passait par l’actuelle Turquie. On y retrouve des monuments qui datent de l’an 429 et même du 7e siècle avant Jésus-Christ. Ces monuments, ces édifices sont encore debout malgré le temps. C’est toujours une dimension qui m’impressionne (Jeanne-Mance) quand je voyage dans les « vieux pays ». Les peuples se sont succéder : empires Romain, Byzantin, Ottoman, et autres laissant à chaque fois des vestiges de leur culture respective. C’est ainsi qu’on y retrouve de nombreux sites faisant partie du patrimoine de l’humanité. Les turcs sont issus de multiples origines, ce qui donne un caractère très cosmopolite. D’ailleurs, fait assez curieux, il est difficile de distinguer les Turcs des touristes, puisqu’ils et elles ont des traits mixés. Par exemple, je (Gilles) me suis fait interpeller deux fois pour me demander des informations par des personnes qui pensaient que j’étais un Turc de la place. Est-ce l’effet de la barbe puisque cela n’était pas le cas de Jeanne-Mance ? Je (Jeanne-Mance) ne sais pas pourquoi les enfants, eux, savaient que j’étais une touriste. J’étais dans un abribus sans sac à dos, sans caméra (incognito, du moins je croyais). Deux enfants passent et me disent : « photos, photos» et un autre me demande de l’argent. Ce n’est sûrement pas quelque chose qu’ils font auprès des Turcs.
C’est un pays musulman à 99 %. On y retrouve donc beaucoup de mosquées; une presqu’à chaque kilomètre, parfois plus. Cependant, plusieurs ne pratiquent pas leur religion et la sécularité du pays demeure un principe important. Cinq fois par jour on entend la prière qui vient des mosquées et dont la première a lieu à quatre heures du matin.
C’était le début du printemps lors de notre passage, il faisait relativement froid certains jours (de 5° à 10°C parfois moins). Du moins, cela nous a marqué car nous arrivions d’Afrique du Sud avec des températures autour de 30°C. Les maisons étaient parfois humides et nous avons apprécié nos polars, coupe-vent et chapeaux. Nous avons même eu droit à une journée de neige à Kapadokya.
Istamboul
Istanbul est à cheval sur deux continents : un pied en Asie et l’autre en Europe. Elle est le centre économique de la République turque. Elle est remarquable par ses musées, ses grandes mosquées, ses bazars. Nous étions attendus chez des membres Servas, Jaki et Sercan. Malheureusement, nous avions une ancienne liste et j’ (Gilles) avais omis de vérifier l’adresse de telle sorte que nous nous sommes rendus dans le mauvais quartier de la ville et que le trajet complet de l’aéroport à l’appartement recherché, en taxi, a pris trois heures et a coûté 70 Liras (environ 56$). Donc, un premier contact un peu douloureux avec la Turquie. Comme dans bien des pays visités, les chauffeurs de taxi ne savent pas toujours où se situe l’endroit demandé. Cependant, juste observer la dynamique entre le père et le fils pendant le trajet nous procurait du matériel intéressant en matière de recherche sur les masculinités. Enfin arrivés à la maison, c’est finalement un de leurs amis de passage chez eux qui nous a accueillis puisque Jaki et Sercan travaillaient tous deux. Grâce aux précieux conseils de Gadas, l’ami de passage, nous nous sommes très bien débrouillés pour nous rendre au centre-ville (Taksim) et du côté de la vieille ville (Sultanamet). Gadas s’est avéré un excellent guide touristique. Nous avions une carte avec les endroits à visiter et nous voilà partis. Nous avons donc fait un tour du centre-ville à pied qui a duré deux jours.
Nous avons passé quatre jours chez eux. Autre coïncidence au cours de ce voyage, Jaki et Sercan travaillent à la traduction en Turc d’un livre de psychologie masculine. De plus, Sercan est très impliqué au sein de Servas et il nous a mis au parfum des grandes discussions qui ont lieu au sein de l’organisation internationale. Il nous fait également connaître deux autres associations semblables à Servas : couchsurfing et hospitalityclub. Le vendredi soir, quelques uns de leurs amis sont venus passer la soirée, ce qui m’a (Gilles) permis des échanges très sympathiques avec d’autres hommes sur les réalités masculines en Turquie.
Nos amis Servas demeuraient un peu loin du centre-ville (autobus, métro) ce qui constituait un trajet d’une heure et demie pour se rendre à Taskim. Premier coup d’œil du centre-ville, notamment de Taksim : rue très large, en pavés, des magasins de chaque côté et surtout beaucoup de monde dans les rues. Peu importe l’heure de la journée, il y a des centaines de personnes qui se promènent, magasinent, marchent. Ces gens-là ne sont pas des touristes, ce sont des Turcs pour la plupart. C’est vraiment curieux et impressionnant à la fois de voir autant de personnes. Piétons, autos, taxis, tramway sont entremêlés. Le premier endroit que nous avons visité est le French tunnel. C’est le 2e tunnel sous-terrain qui a été construit dans le monde. Son trajet se fait en quelques minutes et nous mène dans la basse-ville. C’est très pratique car à pied, cela aurait pris au moins 30 minutes, surtout en remontant. Puis, nous avons visité la Galatta tower, une tour qui date de l’an 527. On dit dans la publicité qu’elle est une des plus vieilles sinon la plus vieille tour dans le monde. Le diamètre extérieur de la tour, à sa base extérieure, est de 16,45 mètres, et le diamètre intérieur est de 8.9 mètres. On peut donc s’imaginer l’épaisseur des murs. La pointe de la tour se termine par 20 centimètres. Du haut de cette tour, nous avons un magnifique point de vue de la ville en 360 degrés. Au dernier étage de la tour, il y a un restaurant qui, pour 60 Liras (environ 48$), offre le souper, incluant un apéritif, et un spectacle de danse traditionnelle pendant 4 heures. Malheureusement, nous n’avons pas pu avoir de billets car il faut réserver longtemps d’avance. Ce sera donc pour une autre fois…
Une des belles visites à faire est le Topkapi Palace qui a été le centre du pouvoir ottoman entre le XVème et le X1Xème siècles. Ce sont trois cours qui se succèdent : la première étant un jardin boisé, la deuxième abritait à l’époque les cuisines du palais - aujourd’hui, elle conserve les collections de cristal, d’argent et de porcelaine – et à gauche de cette cour, il y avait le harem, le quartier séparé des femmes, des concubines et des enfants du sultan; enfin, la troisième cour contient les fameux joyaux des sultans et leurs familles. Aucune photo n’était permise à l’intérieur de ces cours malheureusement.
Nous avons vu plusieurs mosquées : la Mosquée impériale de Sultanamet, mieux connue sous le nom de Mosquée bleue, construite entre 1609 et 1616. On la surnomme ainsi à cause de ses magnifiques panneaux intérieurs de faïence d’iznik bleue. Comme pour les autres mosquées ici et ailleurs, il y a une place réservée aux femmes, soit sur les côtés ou complètement en arrière. La Mosquée Impériale Suleymaniye, complètement construite de marbre sculpté est, parait-il, la plus belle de toutes les mosquées d’Istanbul. Un autre bel endroit à visiter est le Musée de la Basilique Sainte Sophie (Haya Sophia) qui date du V1è siècle. C’est l’un des rares temples qui a abrité deux différentes religions. Elle a été construite comme église catholique puis transformée dans les siècles qui ont suivi en mosquée pour finir en musée. Il faut s’y attarder et admirer sa simplicité, s’imprégner de sa sérénité. Nous nous sommes arrêtés au Musée des Beaux-Arts. Le soir, nous sommes allés voir un spectacle de musique de Soufi et la cérémonie de danse des tourneurs. Il s’agit d’une tradition de plus de 800 ans réalisée par des moines souffistes (une branche de l’Islam). Pendant une heure, les tourneurs, appelés Derviches, effectuent cette cérémonie devant le public. Elle se déroule en huit temps, chacun ayant sa signification. Par exemple, au début, les Derviches arrivent habillés d’une tunique noire, appelée « hirka » qui symbolise la tombe qu’ils enlèvent par la suite. Puis, ils commencent à tourner sur eux-mêmes dans leurs vêtements blancs pour symboliser la naissance de l’humanité. Ils tournent ainsi en différentes phases entrecoupées par des salutations. À chaque phase, l’esprit s’élève, nous dit-on, dans un voyage spirituel vers Dieu. Il s’agit d’un beau spectacle de danse mais aussi on peut sentir toute la mystique qui les accompagne en les regardant danser.
Par la suite, nous sommes demeurés chez Osge et Tugrul, un couple servas. Osge est l’actuelle secrétaire générale de Servas Turquie. Elle nous a parlé des projets que Servas mène en Turquie. La moyenne d’âge des membres en Turquie est plus jeune que chez nous et l’équipe est particulièrement dynamique. Osge enseigne l’Anglais chez elle. Nous avons connu de ses élèves avec qui nous avons pu échanger et du même coup leur faire pratiquer leur Anglais. Tugrul est informaticien et a résolu mon (Gilles) problème pour que je réussisse enfin à écouter les enregistrements des entrevues réalisées à Inukjuak (j’avais travaillé plusieurs heures pour ouvrir ces fichiers mais sans résultats). Ensemble, nous sommes allés au marché pour acheter le nécessaire pour le repas. Le souper s’est déroulé en présence du frère d’Osge et de son père venus en visite pour un mariage qui avait lieu le lendemain, et son cousin. Lui-même pêcheur, son père est le spécialiste de la cuisson des poissons, il nous en a donc préparé des excellents. C’était bon de sentir la complicité entre le frère et la sœur (29 et 30 ans) et les deux avec leur père et comment Tugrul s’intégrait dans cette complicité familiale. Ça sentait l’amour dans cette maison. Le lendemain nous sommes allés déjeuner sur le bord de la mer puis nous avons assisté à la pratique de danse folklorique de Tugrul et Osge (ils sont d’ailleurs très bons), puis nous sommes tous allés au mariage de la cousine d’Osge. En chemin, nous avons profité quelques minutes d’appareils d’exercices cardio-musculaires, bref genre Energie Cardio en plein air, gratuit. Il y a des appareils du genre dans les parcs un peu partout en Turquie. Devenir ou rester en forme n’est plus une question financière mais tout simplement une question de volonté. Le lendemain, départ en train pour Eskisehir.


Eskisehir
Ce sont les contacts avec Ayse Sibel Turkum, une professeure en counseling de l’Anadolu University qui nous avaient amenés en Turquie. Sibel est travailleuse sociale et a dirigé le centre de counseling de l’université à ses débuts. C’est le genre de personne avec qui on entre facilement en contact. C’est comme si je (Jeanne-Mance) l’avais connue depuis longtemps. Ensemble, elle et moi, nous avons discuté bouffe, couture, spiritualité et en peu de temps nous avons partagé les mêmes valeurs.
C’est une nouvelle université, créée à partir d’une division d’une autre grande université de la ville. L’université est magnifique : beau terrain bien aménagé (nous étions à la fin de l’hiver, début du printemps, donc pas vraiment dans la saison des fleurs, mais c’était déjà très beau), nombreux services dont un petit hôpital, trois « Guest Houses », garderie, écoles maternelle et primaire, cinéma etc. C’est chouette de voir le grand frère ou la grande sœur – ou son enfant- qui étudie à l’université et son petit frère ou petite sœur qui va à la maternelle. C’est une université renommée. Osge nous en avait parlé, elle y avait fait ses études et elle avait adoré son passage à cette université. C’est probablement l’université qui offre le plus de cours à distance; cette faculté des études à distance dessert plus d’un million d’étudiants.
Nous avons soupé avec l’équipe de professeurs le jour de notre arrivée, ce qui nous a bien introduits. Puis le lendemain, Mithak Bilik, le représentant du Bureau international nous a fait visiter le campus. Nous avons dîné avec lui et son collègue Firat Derin, deux hommes dans la vingtaine qui ont bien voulu contribuer à ma recherche. Par la suite, nous avons rencontré l’équipe qui travaille au service de counseling pour les étudiants.
Comme nous avions une petite pause avant la prochaine activité, nous en avons profité pour visiter le centre-ville. Toute une section du centre-ville est réservée aux piétons. C’est très joli. Jeanne-Mance a fait un peu de magasinage (sans rien acheter…) et Gilles est allé aux bains.
Nous en profitions pour ouvrir une parenthèse sur les bains turcs appelés « hammans ». Ils sont réputés partout dans le monde, nous voulions donc les essayer. Je (Gilles) m’attendais à des bains de vapeurs très grands comme dans les films. Ce n’est pas tout à fait le cas. Le premier que nous avons visité à Istamboul est l’un des plus vieux. En tout, j’ (Gilles) en ai visité six. Celui des femmes est habituellement voisin de celui des hommes, ou parfois les hommes et les femmes sont ensemble. On entre, on se déchausse et pour enfiler des sandales de caoutchouc puis on nous amène à une petite chambrette privée ou encore une salle commune avec casiers pour se déshabiller et enfiler un paréo. Ensuite, on entre dans la salle principale des bains où se trouve une grande plaque de marbre, comme une table basse, chaude. Sur les côtés, il y a de petites salles avec des lavabos pour se laver. On se lave puis on s’étend sur la plaque chaude pour relaxer et lorsque nous sommes prêts, on se dirige vers la salle voisine pour recevoir un sablage au gant de crin et un massage très « musclé » au savon, le tout accompagné de nombreux rinçages à l’eau chaude à partir d’un petit sceau ou encore d’une grande chaudière. Puis on se lave à nouveau et on se sèche pour finir par un thé dans le petit salon. Certains bains turcs n’ont pas de plaque chaude mais une petite piscine d’eau très chaude (dans un cas je n’ai réussi qu’à tremper le gros orteil et je n’ai pas pu faire plus tellement l’eau était chaude). À noter : la nudité est proscrite pour les hommes (dans un cas c’était écrit en gros caractères) mais usuelle chez les femmes. Fin de la parenthèse.
Puis il y a eu une rencontre avec les étudiants et les étudiantes de doctorat avec qui nous avons soupé. L’échange portait sur l’intervention auprès des hommes. Le groupe était visiblement fasciné par notre modèle d’intervention. Il et elles ont apprécié ma connaissance dans le domaine et les exemples concrets apportés. Pour ma part (Jeanne-Mance), même si je connais assez bien son modèle d’intervention, je fus également très impressionnée de sa performance.
Pour finir la soirée, Sibel avait prévu une sortie au concert de piano et violon donné par deux professeurs de musique dans le cadre des fêtes pour souligner l’anniversaire de l’université.
Bref, nous avons été reçus « comme des rois », comme on dit chez nous, mais surtout des contacts chaleureux et enrichissants avec Sibel en particulier et l’équipe. Cela donne une bonne image de l’hospitalité remarquable des hommes et des femmes de ce pays. Le lendemain, nous avons pris l’autobus pour Kapadokya avec un transfert à Ankara. Heureusement, Sibel avait tout prévu pour nous, ce qui a rendu la chose très simple parce que le terminus d’Ankara est plutôt complexe avec de multiples guichets correspondant à chaque compagnie d’autobus, elle-même responsable d’un trajet en particulier. C’est difficile à s’y retrouver pour des étrangers, mais nous avions toutes les informations en main grâce à Sibel.
Kapadokya
Les Français la nomment Cappadoce. Dans la publicité on dit que «La région de Cappadoce offre aux visiteurs les miracles de la nature qui dépassent l’imagination, en les décorant d’une grâce esthétique», et c’est vrai. La région est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’une région tout à fait spéciale de la Turquie avec ses roches en formes de champignons et ses maisons construites sous la terre, à même le roc. Dans certains cas, les habitations et les centres religieux étaient construits à plusieurs mètres de profondeur. Il y a des millions d’années, les montagnes de cette région (nous vous faisons grâce des noms) étaient des volcans actifs et les laves de ces volcans se sont dispersés dans la région laissant l’aspect exceptionnel de cette région.
Nous avons logé à Ürgüp, ville au cœur de cette région. Nous avons visité la ville souterraine de Kaymakli qui était le refuge des Chrétiens qui ont quitté Jérusalem au 2e siècle pour se protéger des invasions, des incursions et des pillages et de la persécution des Romains. Dans ces cavernes, on y retrouvait des dépôts de provision, de sources d’eau, de cave à vin et des temples; quelques unes datent d’avant l’ère chrétienne. Il y a, parait-il, plus de mille églises et chapelles chrétiennes dans la région de Kapadokya.
Pendant que Gilles travaillait sur son rapport de recherche, Jeanne-Mance a pris un tour pour visiter quelques endroits typiques de la région. Goreme est le centre de la croyance chrétienne. On y retrouve une quinzaine d’églises souterraines, dont le monastère des moines et celui des nonnes où vivaient, à cette époque, 300 moines et nonnes. Les gens de la ville venaient assister aux cérémonies religieuses dans les cavernes. Dans quelques-unes de ces cavernes, on y retrouve des fresques religieuses bien conservées. C’est assez impressionnant. Pour finir notre tour, la neige… eh oui, il a neigé sur Goreme, fait assez rare en ce temps-ci de l’année. À Avanos, j’ai visité une poterie qui est située dans une caverne. D’ailleurs, plusieurs cavernes sont transformées en hôtels, restaurants, commerces comme cette poterie. Si vous allez à Kapadokya, demander de loger dans une cave. Pour bien conserver notre tradition, nous avons essayé les bains traditionnels de Kapadokya. Puis ce fût le retour sur Istamboul en avion. Nous avons logé dans une auberge de jeunesse dans le quartier Sultanamet. Il nous restait à préparer le départ pour le Maroc.
Commentaires sur les réalités masculines en Turquie
Nous ne répéterons pas toutes les mises en garde qui s’appliquent ici comme ailleurs : court laps de temps dans le pays, seulement quelques entrevues, très peu d’études qui ont été réalisées sur les hommes dans ce pays, etc.
Si on tente de résumer la situation des hommes en Turquie, sans doute que la réalité géographique représente une bonne analogie. La Turquie est située à cheval entre l’Europe et l’Asie, entre l’Occident et l’Orient. Plusieurs personnes l’ont exprimé en notant que la situation est différente à l’est et à l’ouest du pays, ou encore entre le nord et le sud, aussi bien qu’entre la ville et la campagne. Bref, la Turquie est à cheval entre ce que plusieurs appellent la « modernité » et la « tradition ». Ainsi, on peut se retrouver à Istamboul par exemple, une ville moderne, où les hommes partagent plus facilement les tâches ménagères, souvent les femmes travaillent, etc., alors que d’autres milieux sont beaucoup plus conservateurs. Un homme d’Istamboul, plutôt « moderne » si on peut dire, disait qu’il s’est rendu compte de la différence lorsqu’il a fait son service militaire et s’est retrouvé à partager la vie quotidienne avec des hommes venant de tous les coins de la Turquie.
Plusieurs personnes nous ont aussi noté leurs inquiétudes concernant le gouvernement actuel plus conservateur, qui, semble-t-il, remet en question la sécularité de l’État et favoriserait que les femmes demeurent à la maison et portent le foulard islamique. Certains y voient un retour en arrière et une menace aux avancées des femmes réalisées au cours des dernières décennies, mais aussi un frein dans la démarche pour atteindre les critères pour faire partie de l’Union européenne. Dans ce débat politique se retrouve cette polarité : se rattacher à l’Europe ou au Moyen Orient.
Cette dualité (modernité / tradition; ville/campagne) se voit à plusieurs égards : par exemple, une étude sur les représentations dans les manuels scolaires met en évidence que les images et les situations dont on fait état dans ces livres sont essentiellement des représentations de la classe moyenne urbaine, d’ailleurs même plus proche du modèle européen ou nord-américain où les familles vivent dans des maisons individuelles (Ustungad, 2001). Pourtant plus de la moitié de la population du pays vit en milieu rural et la population urbaine vit habituellement dans des tours à appartements. Dans plusieurs villes, notamment Istamboul, Eskisehir et Ankara, les anciennes maisons individuelles parfois centenaires et davantage sont rasées pour laisser place à la construction de grands édifices à appartements multiples. Aussi, la population rurale est décrite dans ces livres comme de l’époque des grands-parents, une époque qui semble dévolue, et que la modernité se trouve dans les villes. De même, les hommes sont dépeints dans ces livres scolaires en situation de pouvoir et les femmes en relations avec les tâches domestiques (Ustungad, 2001). Bref, des représentations des rôles de genre qui demeurent encore très stéréotypées. Bien sûr, cela n’empêche pas que dans les faits, la plupart des cadres dans les entreprises et la fonction publique sont des hommes et que les femmes occupent habituellement des positions subalternes lorsqu’elles sont au travail (Poyraz Dogan, 2008).
Dans la même veine, plusieurs personnes nous ont indiqué que dans la vision traditionnelle, une fille devient femme lorsqu’elle se marie. Un sondage rapporte d’ailleurs que 32% des jeunes hommes urbains pensent toujours ainsi (?, 2008). Alors que, selon cette conception traditionnelle, un garçon devient un homme après avoir fait son service militaire. Le même sondage indique que 26,3% des jeunes femmes en milieu urbain pensent ainsi en 2008. Rappelons que le service militaire est obligatoire pour tous les hommes. Il doit être accompli entre 18 et 20 ans pour une période de 15 mois mais il peut être reporté à la fin des études universitaires pour ceux qui se rendent à ce niveau. Il est alors plus court (5 mois) mais il doit cependant être réalisé avant l’âge de 30 ans. Plusieurs personnes rencontrées se sont montrées en désaccord avec le service militaire obligatoire. Habituellement, nous a-t-on dit, les gens s’attendent à ce qu’un homme se marie peu après son service militaire et les pressions vont en ce sens. On s’attend aussi à ce que le couple ait des enfants dans les quelques années qui suivent. Traditionnellement, les filles devaient tisser cinq ou six beaux tapis en prévision de leur mariage. Ces tapis constituaient une forme de dot alors que le garçon devait, pour sa part, lui offrir des bijoux en or. De nos jours, cette tradition se perd, semble-t-il, alors que de plus en plus de filles travaillent et n’ont plus le temps pour tisser des tapis. Les couples se marient plus tardivement aussi, surtout en ville, et attendent généralement d’avoir de bons emplois pour se marier. Cependant, plusieurs femmes cessent de travailler une fois qu’elles sont mariées ou encore avec l’arrivée du premier enfant, peu importe la formation suivie, de telle sorte que près des trois quarts des hommes (72,3%) occupent un emploi à l’extérieur du foyer comparativement au quart seulement chez les femmes (25,4%) (Sancar & Bulut, 2006). Il n’est donc pas surprenant que 71% des jeunes femmes et des jeunes hommes en milieu urbain pensent, en 2008, que les tâches ménagères et la cuisine sont des tâches féminines (?, 2008). Cependant, le même sondage rapporte qu’autant les jeunes hommes que les jeunes femmes considèrent l’éducation des enfants de même que les relations avec le voisinage comme étant des tâches partagées. Cette réponse est un peu surprenante à première vue étant donné que la participation des hommes aux rencontres prénatales ou encore à la naissance de leur enfant n’est pas coutume dans ce pays. Cependant, il semble y avoir une bonne ouverture au changement sur ce plan puisque les programmes qui ont été mis sur pied, dont à Istamboul et à Izmir, auprès des hommes qui attendent un enfant semblent avoir reçu un très bon écho, particulièrement quand il y a un effort particulier qui est fait pour les rejoindre, notamment dans le milieu de travail à partir des médecins industriels (Blaney, 1997; Sahip & Molzan Turan, ?). Blaney rapporte aussi les effets positifs d’inviter les hommes aux entrevues relatives à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Bref, ce sont là quelques rares expériences de travail plus spécifique auprès des hommes et la réponse semble avoir été positive.
Par ailleurs, l’intérêt porté à l’éducation des filles est nettement en progression. Ainsi, en 2004, si le taux d’alphabétisation chez les 15 ans et plus est de 79,6% chez les femmes et nettement plus élevé chez les hommes (95,3%), l’écart est beaucoup moindre entre les deux sexes chez les jeunes de 15 à 24 ans, soit 93,3% chez les filles comparativement à 95% chez les garçons. De plus, les filles forment maintenant 41,2% des étudiants à l’université (Sancar & Bulut, 2006). À l’Anadolu University que nous avons visitée, elles sont en majorité.
Cela donne une bonne image de la progression récente et des efforts gouvernementaux depuis les années 2000. Il faut dire que ce n’est que depuis 2002 que le Code civil a été amendé pour abolir suprématie du mari et reconnaître la pleine égalité des conjoints (Sancar & Bulut, 2006). C’est aussi à partir des années 2000, surtout en 2004, que des mesures ont été prises en matière de violence conjugale. Ainsi, une recherche effectuée en 1996 à Ankara rapportait que très peu de femmes faisaient appel à la police (1% seulement) en cas de violence conjugale parce qu’elles n’avaient pas confiance qu’elles pourraient être aidées. La recherche notait que, malheureusement, leur présupposé à cet égard était vrai (Ilkkracan, 1996). Lors d’un récent colloque sur la violence conjugale en Turquie, une conférencière notait que cette violence trouve certaines assises dans la culture turque alors que la ministre responsable indiquait que son gouvernement mettrait en place des programmes pour sensibiliser les hommes dans les mosquées et l’armée (Akyol, 2007). Il semble aussi que l’utilisation de joueurs de football pour dénoncer la violence faite aux femmes ait eu un impact (UNFPA, 2007). Il faut dire aussi qu’au cours des années 2000, le gouvernement a pris différentes positions pour interdire les « meurtres d’honneur », cette vieille pratique qui voulait qu’une femme puisse être tuée pour son comportement jugé « immoral ». Cela pouvait être d’avoir eu des relations extraconjugales, d’avoir refusé de se plier à un mariage arrangé, d’avoir demandé le divorce, ou simplement d’avoir « fleurté » avec des hommes, ou même, selon les paroles utilisées, de « s’être adonnée » (!) au viol, etc. Le meurtre était alors perpétré par un membre de la famille pour soit disant « sauver la famille de la honte » (Sancar & Bulut, 2006). Cela montre bien que la Turquie part de loin en matière d’égalité de droits entre les genres. Cependant, des groupes de défense de droits considèrent que les efforts du gouvernement demeurent limités puisque les amendements de 2004 au Code criminel permettent quand même d’invoquer le « crime d’honneur » pour obtenir une réduction de sentence, ce qui représente, bien entendu, une violation importante des droits humains, nommément ceux des femmes. Dénonçant cette situation, un regroupement de 26 ONG rapportait de plus qu’au cours de la première moitié de l’année 2004, plus de sept dossiers de « crimes d’honneur » se sont déroulés en Turquie (WWHR, 2004). Le même regroupement dénonce aussi le fait que toutes les mesures légales n’ont pas été prises pour empêcher de procéder à un « test de virginité » de telle sorte que cela peut se pratiquer (et se pratique encore semble-t-il) dans des cabinets médicaux à la demande des familles, sans le consentement explicite des femmes concernées. Cela montre aussi la pression très forte exercée sur les filles pour ne pas qu’elles aient de relations sexuelles avant le mariage. Plusieurs nous ont dit cependant que ces pratiques ont fortement tendance à changer et que les filles sont plus émancipées maintenant.
En 2005, l’espérance de vie des hommes à la naissance était de 67,3 ans, soit plus de dix ans de moins que celle des femmes établie à 77,9 ans (Sancar & Bulut, 2006). Il faut dire que c’est le pays où on a observé le plus grand nombre de fumeurs, et ce sont presque essentiellement des hommes qui fument, l’usage de la cigarette étant mal vu pour une femme. Par ailleurs, un peu comme on observe dans les pays occidentaux, les hommes sont plus réfractaires à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin (Turkum, 2005).
Par ailleurs, toutes les personnes avec lesquelles nous en avons discuté nous ont dit que l’homosexualité est très cachée en Turquie. Le fait que les hommes sont très chaleureux entre eux, se prennent bras dessous bras dessous ou partagent facilement un logement ou même le lit, ne permet pas de distinguer facilement si deux hommes sont homosexuels ou hétérosexuels. D’ailleurs, un homme nous a dit que les Turcs sont beaucoup moins homophobes que les Occidentaux, mais plus hétérosexistes. Aussi, ceux qui sont homosexuels restent, nous dit-on, très discrets car l’homosexualité demeure mal vue. Une recherche réalisée à l’Université d’Istamboul rapporte que les gays dans cette ville intègrent de plus en plus une identité gaie comparable à ce qui se vit dans les pays occidentaux. On retrouve notamment une association de défense de droits, Lambda Istambul et quelques bars. Les Turcs distinguent, rapporte cette recherche, deux types d’hommes homosexuels : le type « ibne », plutôt passif et efféminé, sujet aux railleries, à la stigmatisation et au « gay bashing », et le type « kulampara », plutôt actif et masculin. Bien sûr, ce deuxième type passe plus inaperçu. Il n’en demeure pas moins que la Turquie, sur cette question comme sur d’autres d’ailleurs, se distingue des autres pays à forte concentration musulmane avec une certaine tolérance à l’homosexualité (Taylor-Martin, 2003). À ce propos, Taylor-Martin rappelle que l’un des chanteurs les plus populaires de Turquie, Bulent Ersoy, est un transsexuel et qu’un écrivain très populaire, Murathan Morgan est connu pour être homosexuel. Elle rapporte aussi un militant qui considère que les relations sexuelles entre hommes sont aussi liées au fait que les relations sexuelles avec les femmes ne sont permises, bien que cela a tendance à changer, que dans le cadre du mariage seulement. Bref, sur ce plan aussi, la Turquie se situe à cheval entre l’Occident et l’Orient : un mouvement gai émergeant en ville et une réprobation encore présente de l’homosexualité.
Plus que partout ailleurs, les hommes Turcs semblent en recherche. Lorsque nous les questionnions sur les réalités masculines, très rapidement ils nous adressaient les questions du type : Comment sont les hommes ailleurs ? Comment situez-vous les hommes Turcs ? Comme un besoin de se situer entre les deux mondes (occidental et oriental) autour desquels ils gravitent.

Il nous reste à remercier très sincèrement toutes les personnes qui nous ont accueillis généreusement et nous ont permis de saisir toute l’hospitalité typique des hommes et des femmes de la Turquie. D’abord ma collègue Sibel Turkum de l’Anadolu University d’Eskisehir et l’équipe de son département ainsi que Mithak Bilik et Firat Derin du Bureau international. Les familles Servas qui nous ont reçus : Jaki, Sercan, leur ami Gadas, et les amis en visite; de même que Tugrul et Osge, son frère, son père et son cousin.




Références
Akyol, M. (2007). Men, not women, should be ashamed of domestic violence. Turkish Daily News, December 8, 2007.
Blaney, C.L. (1997). Involving men after pregnancy. Network,17 (4). Family Health International.
The British Council – Cultural studies courses (1996). Gay identities, communities and places in the 1990s in Istambul. Istambul University. FDisponible sur Internet à www.gayidentities.html.
Ilkkaracan, P. (1996). Domestic violence and family life as experienced by Turkish immigrant women in Germany. Istambul. Women for women’s human rights reports no. 3. Disponible sur Internet.
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