mercredi 5 décembre 2007

Commentaires generaux sur l'Inde

Commentaires plus généraux sur les hommes en Inde
Cet envoi termine notre voyage en Inde. Vous y trouverez nos impressions generales mais aussi des photos qui, parfois, ont rapport avec le texte d'autres fois.D’abord une mise en garde. Comme le disait si bien Hari, un de nos guides, « l’Inde n’est pas un pays, c’est un monde ». L’Inde est le deuxième pays le plus populeux de la terre après la Chine et comme les politiques de restrictions de la natalité ne semblent pas avoir les effets escomptés, les prévisions sont telles que la population de l’Inde devrait dépasser celle de la Chine en 2033 (Lonely Planet, 2007). Imaginez autant de monde dans un territoire relativement petit (environ la même dimension que le Québec). On retrouve 18 langues officielles, soit presqu’une langue officielle par état, et il y a 28 états, chacun avec ses particularités. En fait, la plupart des gens semblent parler la langue de leur état et souvent l’Hindi, qui demeure la langue la plus parlée, mais cela demeure relatif puisque l’Hindi n’est pratiquement pas utilisé dans certains états. Heureusement pour nous, on retrouve plusieurs personnes qui parlent aussi l’Anglais. La spiritualité et la religion prennent une place de premier plan. L’Hindouisme est largement répandu dans toute l’Inde alors que les adhérents des autres grandes religions sont plus concentrés dans certains états comme le Sikhisme au Punjab, le Bouddhisme dans l’Himachal Pradesh, le Christianisme dans le Kerala, etc., même si on retrouve de leurs adeptes un peu partout dans le pays. Enfin, il faut aussi tenir compte du régime des castes qui demeure extrêmement présent en Inde et qui varie d’une religion à une autre. Bref, parler de l’Inde, c’est parler de la diversité. Alors il devient difficile de parler de LA réalité des hommes en Inde alors qu’elle est très différente par exemple pour un Sikh que pour un Hindu ou un Chrétien et encore plus sans doute si on parle d’une caste aisée à une caste très pauvre. Il faut aussi se rappeler que même si l’Inde est un pays émergent avec ses grands spécialistes en médecine et en informatique qui sont reconnus à travers le monde, elle demeure un pays avec un taux de pauvreté très élevé (autour de 40% selon un de nos guides). Le gouvernement Indien a mis en place des mesures importantes pour tenter d’arrêter le travail des enfants et favoriser leur scolarité, notamment en offrant un repas gratuit et l’uniforme aux enfants des familles pauvres, mais il demeure que, dans l’Inde rurale surtout, les enfants cessent rapidement l’école pour contribuer aux tâches de la ferme. Ainsi, il n’est pas rare de voir un garçon de 8 à 10 ans mener une charrette tirée par un chameau ou un bœuf ou un âne avec sa charge de foin ou autre. Dans d’autres cas, les enfants, même très jeunes (4, 5 ou 6 ans) sont utilisés par des parents ou des adolescents pour mendier. Partout on retrouve des pratiques de survie comme celle-là. Plus encore, l’écart entre la ville et la campagne, surtout les grandes villes comme Delhi, Mumbai, Bangalore, etc., se creuse : les villes s’occidentalisent considérablement alors que les campagnes demeurent beaucoup plus traditionnelles. Par exemple, dans certaines régions comme dans l’Himarachal Pradesh et le Rajasthan, le travail agricole demeure largement manuel avec l’appui d’animaux de trait, alors que dans d’autres régions, comme le Punjab, le travail agricole est beaucoup plus mécanisé et se compare davantage aux petites fermes québécoises. On comprend alors que les pratiques sociales sont aussi plus traditionnelles comme le système des castes, le mariage arrangé, la dot, les rôles très séparés entre les hommes et les femmes. Au contraire, dans certaines grandes villes, le travail des femmes est plus répandu, plusieurs jeunes couples rejettent les valeurs traditionnelles pour plutôt adopter les valeurs qui se rapprochent plus du monde occidental. Par exemple, un article d’un grand quotidien faisait état de l’influence de la série américaine que l’on connaît aussi au Québec Sexe à New York ; il semble donc que la pratique des relations d’un soir, selon ce quotidien, devient populaire dans les grandes villes. Nous sommes alors très loin de la pratique de l’abstinence avant le mariage prescrite dans la tradition. De même, un mouvement gai émerge dans ces villes selon Lonely Planet et quelques hommes interrogées, alors que l’homosexualité demeurerait largement cachée et condamnée en Inde. Mais même dans les villages les choses changent, les jeunes souvent ne veulent plus suivre les valeurs traditionnelles de leurs parents, comme ce jeune serveur de Bishnoi qui disait que le costume traditionnel était pour les « vieux ». Ils sont maintenant reliés par téléphones cellulaires à leurs amis et même à Internet. Bref, nous sommes confrontés à une diversité telle que toute tentative de généralisation demeure fortement réductrice. De plus, nous ne sommes pas allés dans le sud de l’Inde qui, selon quelques personnes rencontrées, est moins occidentalisé que le nord et enfin, nos échanges se sont limités presqu’essentiellement avec des personnes qui parlent Anglais, donc des personnes plus instruites (18). Malgré cela, tenter de comprendre certaines règles culturelles et le contexte général peut aider, je crois, à mieux saisir avec quoi se débattent les hommes Indiens.

Lorsque je (Gilles) disais que mes travaux de recherche portent sur les hommes et les masculinités plusieurs m’ont répondu qu’en Inde, les hommes sont dominants et qu’il s’agit d’une société patriarcale dans laquelle les femmes sont au deuxième plan. Notamment, dans les écoles de service social, les garçons autant que les filles semblent s’intéresser à la situation des femmes en Inde mais il m’a semblé que peu d’entre eux voyaient l’importance d’impliquer les hommes dans la lutte pour l’égalité. En fait, le réseau dont le Dr Sanjay (service social-organisation communautaire) a travaillé à mettre sur pied et les recherches de la Dre Radhika Chopra en sociologie semblent être des rares expériences de travail auprès des hommes dans ce sens. Plus encore, parfois je demandais à des hommes comment ils vivaient le fait de toujours se retrouver entre hommes, de ne pas avoir de femmes collègues de travail par exemple, et la plupart du temps, ma question demeurait sans réponse, comme si cela était inimaginable d’avoir une femme comme collègue de travail.
Lorsqu’on arrive en Inde, ce que l’on voit, c’est un monde d’hommes. Les femmes sont beaucoup plus effacées, plus discrètes alors que les hommes sont partout : tout le personnel des hôtels (gérance, entretien, restauration, etc.) aussi bien que ceux qui tiennent les petits commerces ou n’importe magasin, tous sont des hommes, aucune femme. Du moins, elles demeurent rarissimes. Sur la rue, on rencontre beaucoup plus d’hommes que de femmes. Rares sont celles qui conduisent une automobile ou encore une mobylette ou même un vélo. Plus encore, nos repères usuels sur les hommes sont ébranlés : par exemple, ici les hommes se tiennent pas la main ou par la taille ou la main sur l’épaule en toute simplicité, plusieurs portent un dhoti (genre de pantalon réalisé à partir d’une pièce unique de tissu tournée autour de chaque jambe) ou un paréo (genre de jupe qui n’est en fait qu’une pièce de tissu enroulée autour de la taille), etc. Bref, cela met en évidence comment la masculinité est essentiellement construite puisqu’elle semble s’exprimer différemment de nos repères occidentaux. Alors, que représente le concept de « masculinité hégémonique » dans ce contexte ?

En fait, voir les hommes partout donne un premier aperçu du premier rôle des hommes ici : celui de pourvoyeur. Certes à la ferme, les femmes partagent les tâches agricoles en plus de celles reliées à la vie familiale (entretien, repas, soins des enfants), mais autrement, la plupart des femmes demeurent au foyer. Le travail des femmes est en hausse mais surtout dans les grandes villes. Ainsi, les hommes apprennent très jeunes à participer aux revenus de la famille. Comme ce jeune chauffeur de taxi, aîné de sa famille, qui a commencé à 14 ans à travailler comme conducteur de rikshaw et à 16 ans comme chauffeur de taxi pour contribuer aux revenus et ainsi permettre à sa sœur et à son frère plus jeunes d’accéder à des études plus élevées que le secondaire. Plusieurs nous ont raconté avoir commencé à travailler à cet âge. Et souvent, cela veut dire de nombreuses heures de travail par semaine, parfois loin de sa famille. Plusieurs nous ont raconté que leur famille, femme et enfants demeurent à des centaines de kilomètres de leur lieu de travail et qu’ils y retournent deux ou trois mois lorsque la saison touristique est basse (l’été dans certaines parties de l’Inde, parce que c’est trop chaud et l’hiver dans d’autres régions, parce que c’est trop froid et les routes peu praticables). Entre temps, ils travaillent souvent sept jours par semaine, sans repos. Les hôtels, par exemple, leur permettent de coucher sur le toit, parfois dans le corridor ou dans des chambres réservées à cet effet mais à 6 ou 7 par chambre, sans aucune intimité. Cette formule de chambres surpeuplées est notamment utilisée pour les chauffeurs d’autobus, de taxis et guides Indiens qui louent alors un lit pour la nuit à peu de frais ou encore gratuitement en « remerciement » pour avoir amené des touristes à l’hôtel.
Par ailleurs, toute une catégorie d’hommes, les babas et les sâdhus, dans la tradition spirituelle de l’Inde, ont décidé de consacrer leur vie à la prière. Sans être des moines comme nous connaissons, ces hommes, souvent habillés de couleur orange, se tiennent près des temples, vivant en fait dans la rue et de l’aumône des gens. En fait, la mendicité est omniprésente, surtout celle des femmes et des enfants et des personnes handicapées. Un de nos guides nous a raconté que souvent les mendiants changent de région, pour aller vers les villes plus touristiques. Le tourisme, jusqu’à un certain point, favorise la mendicité. Et les stratégies pour recueillir quelques Roupies se raffinent comme cette dame âgée demandant l’aumône avec un jeune bébé ou encore cette femme à qui des touristes ont acheté du lait pour le bébé plutôt que de donner de l’argent et qui a revendu le lait par la suite. Les hommes, outre ceux qui prient, harcèlent plutôt pour nous vendre des choses. En fait, la compétition est très forte parmi eux. C’est la lutte pour la survie. Par exemple, des dizaines de rikshaws sont là à compétitionner pour obtenir les faveurs de la clientèle. Les prix sont alors très « élastiques ». Il en est de même pour les mille et une choses à vendre : présenter de multiples choix pour séduire et gagner les faveurs de la clientèle. Stratégies de vente mais aussi stratégies de survie. Par ailleurs, la perception du temps est aussi différente. Un de nos guides reprochait aux Indiens de ne pas voir la valeur du temps. Le service est souvent lent mais aussi les gens nous accordent facilement de leur temps, ne serait-ce que pour parler avec nous. D’ailleurs, un visiteur est vu comme un dieu. Rapidement on nous affiche un sourire charmant.
Le rôle de pourvoyeur est aussi associé à celui de protecteur. Dans la famille traditionnelle indienne, le père occupe une place de premier rang. Il doit voir à ce que sa famille ne manque de rien et que tout se passe bien. Un répondant disait que son père représentait le modèle de ce que doit être un bon père. Il prenait comme exemple qu’au mariage de sa sœur, son père a vendu l’automobile pour offrir la dot et lui assurer ainsi « un bon mariage » même s’il avait besoin de cette automobile pour se rendre au travail. Lorsque son autre sœur s’est mariée, cette fois son père a remis sa caisse de retraite pour payer la dot, le laissant ainsi finir sa vie dans une situation économique précaire. Mais il avait donné tout ce qu’il pouvait pour le bien-être de ses enfants. Radhika Chopra fait ressortir notamment que cette perception de devoir jouer son rôle de pourvoyeur fait aussi en sorte que plusieurs hommes passent par-dessus les frontières de genre pour prendre des emplois dont les tâches sont considérées dans la société indienne comme « féminines », l’entretien ménager par exemple. Le père représente l’autorité absolue. Il faut voir aussi que lorsque l’on parle de la famille ici, c’est non seulement la famille nucléaire comme on la connaît mais bien la famille élargie puisque vivent sous le même toit habituellement trois générations : les parents, leurs fils avec leurs conjointes et leurs enfants. Il se peut que l’un des fils doive travailler à l’extérieur de la ville, mais sa femme et ses enfants demeurent dans la résidence familiale paternelle quand même. Il part alors seul à l’extérieur. Une présentation à laquelle j’ai assisté notait que le père jouait parfois un rôle de protecteur vis-à-vis sa bru lorsqu’il y avait conflit entre les belles-sœurs ou avec la belle-mère. Ainsi, par exemple, comme le notait bien D.P. Singh, l’intervention en service social ici ne peut se faire sans tenir compte de cette grande place qu’occupe la famille.
Les rôles sont très tranchés : les hommes au travail, les femmes à la maison. De nos jours, les écoles sont mixtes. Cependant, les activités demeurent largement centrées avec les personnes du même sexe. Par exemple, un homme médecin pour un homme et une femme médecin pour une femme, même chose en massage, etc. En fait, selon les règles, les garçons et les filles ne doivent se fréquenter avant le mariage. Dans plusieurs cas, les familles organisent le mariage, s’entendent sur la dot que doit fournir la future épouse et les deux jeunes adultes doivent acquiescer. S’ils sont d’accord, on fait faire les horoscopes et s’ils sont favorables, le mariage est prévu. Selon la tradition, ces mariés n’ont jamais eu de relation sexuelle avant le mariage et toute relation hors mariage est mal vue. Après le mariage, la jeune mariée va vivre dans la famille de son mari. Ainsi, dans une grande maison ou encore dans plusieurs logements dans le même pâté de maisons, se retrouve alors la grande famille : les parents avec les enfants non mariés et chacun de leurs fils mariés avec leurs femmes et leurs enfants. Les femmes doivent partager ensemble les tâches domestiques globales sous la gouverne de la mère. On comprend que parfois des conflits peuvent éclater entre les belles-sœurs ou entre une bru et sa belle-mère. Il s’agit là semble-t-il, d’une source de violence domestique répandue, surtout lorsque la belle famille juge que la dot n’était pas suffisamment élevée et que la nouvelle bru est perçue comme un poids pour la famille. Le mari aurait tendance à prendre pour sa famille et non pas sa conjointe, d’où, selon une recherche présentée au congrès sur la violence, une source de suicide chez les nouvelles mariées. Le mari doit, m’a rapporté un homme en entrevue, s’assurer que sa femme s’entende avec les autres femmes de la maison et au besoin, il doit régler cela avec ses frères et son père. À défaut d’entente, il doit partir avec sa conjointe et ses enfants pour s’établir à la manière d’une famille nucléaire. On peut comprendre que cela peut être source de conflits au sein du couple par la suite. En fait, la famille est une institution très forte ici. Dans l’échelle des valeurs masculines, on nous rapporte que la famille (d’origine), le travail et les amis passent avant la conjointe et les enfants. Le taux de divorce serait en hausse mais il demeure, disent plusieurs personnes, très mal vu de se séparer. Par ailleurs, on peut comprendre que les hommes qui quittent leur famille, femme et enfants pour travailler loin de chez eux pour plusieurs mois disent ne pas vraiment s’ennuyer. Centrés sur leur rôle de pourvoyeur, ils mettent toute leur énergie à s’assurer de bien remplir ce rôle, qui devient du même coup leur marque d’amour. Pour le reste, la famille élargie a le rôle de soutien à la conjointe. Elle n’est jamais seule dans ses tâches. Par ailleurs, si dans les grandes villes l’accouchement se passe un peu comme chez nous, la situation semble bien différente ailleurs. Par exemple, un jeune père me rapportait que lorsque son bébé est né, sa femme était seule avec la femme médecin alors que lui et ses parents se tenaient dans la salle voisine; la femme médecin serait sortie de la salle une fois le bébé né pour le présenter d’abord à ses parents et ensuite à lui, le père du bébé. Il a donc été le dernier à prendre son propre enfant dans ses bras. Pour lui, l’accouchement est une affaire qui doit se passer entre les femmes. Il ne voyait pas en quoi il aurait pu être là. Plus encore, il est mal vu, semble-t-il, qu’un homme s’occupe de ses propres enfants. Dans la tradition, nous dit un répondant, il doit s’occuper de ses frères plus jeunes mais pas de ses propres enfants. Radhika Chopra rapporte que le gouvernement indien a mis sur pied un programme pour favoriser l’implication des hommes dans les soins maternels (Men in Maternity), notamment en pré et post natal qui semble marquer des points. Mais le défi demeure de taille.
Cette division des mondes entre celui des femmes et celui des hommes amène aussi beaucoup d’homosocialité. Les hommes se tiennent entre eux et les femmes entre elles mais aussi avec une certaine intimité fort différente de ce qu’on connaît dans nos sociétés occidentales. Les hommes se prennent par la main, se collent ; les femmes font de même, mais de manière un peu plus discrète. Bref, des comportements qui, à nos yeux d’Occidentaux, seraient associés à des marques d’homosexualité. Ils rapportent parler facilement de leurs émotions à leurs meilleurs amis et de choses intimes. D’ailleurs, j’ (Gilles) ai eu droit à quelques confidences lors des entrevues. L’expression semble relativement facile, du moins jusqu’à un certain point. Lorsqu’on touche des choses plus profondes, plus sensibles, la conversation dévie rapidement. Cette intimité entre hommes n’empêche pas l’homophobie. Lonely Planet accorde toute une section à cet effet, avisant les touristes gays d’être prudents que le harcèlement demeure très présent à leur endroit. Quelques hommes ont dit que l’homosexualité existait bel et bien en Inde, et même de plus en plus dans les grandes villes, mais qu’elle demeurait très mal vue et qu’en général les gais demeuraient très cachés. Par ailleurs, quelques hommes m’ont dit connaître des hommes gais ; il faut donc croire que cette réalité existe bel et bien et est bien connue. Lonely Planet écrit que la ségrégation très grande entre hommes et femmes avant le mariage fait en sorte que dans les faits, on retrouverait des comportements homosexuels mais sans que l’on puisse les associer comme tels à l’homosexualité. Dans son travail de prévention du VIH, le réseau MASVAW (Men’ Action for Stopping Violence Against Women) fait aussi état de cette situation. En fait, cela semble s’inscrire un peu comme dans la recherche de Simon-Louis Lajeunesse : lorsqu’il y a une importante homosocialité on retrouve en même temps une forte homophobie, comme si elle représente une limite à ne pas dépasser.
Sur le plan de la demande d’aide, ici, ce n’est pas tant les pressions de la masculinité hégémonique qui fait que les hommes demandent peu d’aide, mais plutôt une question d’argent. Au contraire, ils ne semblent pas être plus réticents que les femmes à demander de l’aide. Plus encore, comme ce sont surtout les hommes qui sont sur le marché du travail, on les retrouve aussi en grand nombre dans les écoles de service social, en soins infirmiers, etc., contrairement à ce qu’on peut observer au Québec et dans la plupart des pays industrialisés. Lorsque j’ (Gilles) ai eu à consulter dans un hôpital, les hommes s’y retrouvaient en grand nombre comme clients, davantage que chez nous.
Enfin, je terminerais en disant que la réalité des hommes en Inde est un peu le reflet du trafic en Inde : à première vue, on est confus, on a l’impression d’un grand chaos devant ces automobiles, camions, autobus qui s’entrecoupent avec des vélos, des rikshaws, des tuk-tuks, autant que des animaux (vaches, chèvres, chameaux, etc.) et bien sûr nombre de piétons. Parfois les uns vont en sens inverse ou croisent la circulation sans avis quelconque. Lorsque l’on observe plus attentivement, on voit que plusieurs règles plus ou moins implicites émergent. Notamment, on roule habituellement à gauche, le plus gros a normalement la priorité, après les animaux bien sûr. Autrement dit, c’est d’abord la diversité qui règne. Plusieurs règles issues des traditions culturelles et religieuses sont fortement répandues et représentent parfois un poids énorme. Certains vont dans le sens du trafic et le suivent, d’autres au contraire ont décidé de vivre autrement et adoptent alors un mode de vie fortement influencé par la culture occidentale. Presque toutes les personnes que j’ai interrogées ont dit que les choses changent rapidement en Inde ; pour certains trop vite, pour d’autres pas assez. Cela semble très difficile de conserver les bons aspects d’une culture traditionnelle tout en s’ouvrant sur la modernité, sans s’occidentaliser, sans tomber dans le piège de l’uniformisation dans lequel semble nous pousser la mondialisation. Un jeune étudiant me disait que les pays occidentaux doivent se battre contre les effets néfastes du capitalisme, alors qu’en Inde, en plus de cette réalité, les Indiens sont confrontés aux vestiges du féodalisme (système de castes, emprise très forte de la religion, etc.). Enfin, la publicité
touristique sur l’Inde s’intitule Incredible India, cela est très représentatif de cette diversité profonde. Akshay, notre guide du Rajasthan, disait « a colourfull country », avec toutes ces femmes notamment qui portent de très beaux saris de toutes les couleurs, ces hommes vêtus de dhotis, ces multiples temples, ces influences de toutes sortes, mais aussi ces réalités très particulières comme les vaches qui circulent sur les autoroutes ou en plein coeur d’une grande ville. C’est comme si tout est possible en Inde. Il s’agit sans doute d’un défi énorme de passer à la modernité tout en gardant un cachet particulier, ses propres couleurs, sans tomber dans la fadeur
de l’uniformisation à l’Occidentale promue par la mondialisation où le jeans devient l’uniforme et le MacDo l’aliment standard. Cela est d’autant plus inquiétant lorsqu’on voit la publicité et les
video-clips à la télévision dans lesquels on voit, à la manière occidentale, des jeunes filles en tenue sexy et des garçons musclés, ce qui n’a rien a voir avec l’Inde où les femmes sont habillées en saris et les hommes qui ont bien autre chose à faire que d’aller au gym pour assurer leur survie et celle de leurs familles.

Enfin, il nous reste à remercier toutes ces personnes qui ont contribué à cette réflexion, qui ont bien voulu répondre avec une grande générosité et beaucoup d’ouverture à nos multiples questions qui auraient pu parfois sembler indiscrètes. Merci aux collègues universitaires, Manjit Singh, D. P. Singh, Aruna Bharadwaj, A. S. Inam Shastri, Sanjay Sinaghda et Madhu Kushwaha. Merci à nos guides qui ont aussi fortement contribué à nous aider à comprendre les cultures en Inde : Akshay Sharma, Hari Chauhan, Pradeep Singh, K.D. Singh. Merci aussi à tous ceux et celles qui ont bien voulu répondre à nos questions dont je n’ai pas tous les noms malheureusement (couple de Mumbai, marchant de Jodhpur, aîné de Bishnoi, étudiants de service social de Patiala et de Varanessi, divers employés d’hôtels, et.).

Chopra, R. (2003). Rethinking Pro-Feminism: Men, Work and Family in India. UN, Expert Group Meeting on “The role of Men and Boys in Achieving Gender Equality. Brazil.
Singh, S., Binloss, L., Bainbridge, J., Brown, L., Butler, S., Elliott, M., Harding, P., Lealous, V., Karafin, A., Richmond, S., Spurling, T. & Wloadarski, R. (2007). India. Victoria (AU), Oakland (CA) & London (UK): Lonely Planet.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quoi dire!!!!toujours aussi interressant.L'Inde me semble un endroit très facinant,a ce que je lit.xxxxxxxxlyse et Bob..

Anonyme a dit…

Leur réputation de travaillant,et de perfectionniste,sont vraiment reconnut,a travers la planète.C'est vraiment beucoup de monde..J M,la pancarte a laquelle,tu es accotée dit quoi..(humour)...lachez pas surtout,çà nous fait voyager,a peu de frais..
xxxxxlyse et ton frère...bob.