vendredi 22 février 2008

20e envoi : La Chine

20e envoi : La Chine

La Chine, originellement, n’était pas sur notre itinéraire. Gilles n’avait pas de contact dans ce pays. Cependant deux raisons motivaient un séjour en Chine. D’abord j’(Jeanne-Mance) avais le goût de revoir la Chine après un voyage, en 1977, d’une durée d’un mois et demi, histoire de voir ce qu’est devenue la Chine. Ensuite, nous voulions voir une amie qui vit en Chine depuis presque 4 ans. Nous devions arrivés en Chine le 29 janvier, cependant la Chine était en pleine tempête de neige et le vol a été reporté au lendemain, tempête que la Chine n’avait pas connue depuis 40 ans. Nous nous sommes donc retrouvés au Holiday Inn juste à côté de l’aéroport Narita de Tokyo jusqu’au lendemain matin. Donc un peu de repos et un temps pour travailler sur la section du blog sur le Japon. Nous sommes arrivés le 30 janvier après quelques jours de tempête de neige et de froid comme la Chine n’avait pas connu depuis longtemps, semble-t-il. Bien sûr, cela demeure relatif quand on connaît nos hivers québécois. Mais lorsque le déblayage des rues se fait à la pelle par des brigades d’hommes et de femmes et que les maisons ne sont pas ou du moins mal isolées, cela devient plus problématique. Il faut aussi dire que la région de Shanghai où nous étions était beaucoup moins affectée que d’autres régions de la Chine qui, dans certains cas, ont connu une tempête de verglas du même type qu’on a déjà connu au Québec il y a déjà quelques années. Dès le lendemain de notre arrivée, nous avons dû magasiner des vêtements un peu plus chauds, histoire d’affronter des températures de 2 à 5 degrés sous zéro. C’est ainsi qu’on a pu voir ce que veut dire le « made in China » si populaire un peu partout dans le monde. En fait, les vêtements vendus par de nombreuses grandes marques connues sont fabriqués en Chine et sont disponibles ici à des prix nettement inférieurs à ce qu’on connaît chez nous. Juste pour vous donner une idée par exemple, les vêtements North face vendus à 250 ou 300 $ au Québec, ici se vendent dans les 40 $.

Quelques données générales sur la Chine

C’est bien connu, la Chine est le pays le plus populeux de la terre avec 1,28 billions d’habitants (Jie & Kanji, 2003). Hormis Hong Kong qui a réintégré la Chine depuis quelques années, la plus grande ville demeure Shanghai avec 12,5 millions d’habitants. En superficie, c’est le troisième pays le plus grand, juste après la Russie et le Canada (Jie & Kanji, 2003). C’est aussi un pays très diversifié avec 56 ethnies différentes, même si les Hans représentent 92% de la population (Harper et al., 2005). En pratique, la plupart des ethnies se retrouvent dans des régions spécifiques où nous ne sommes pas allés. Environ 70% des gens vivent dans les campagnes (Jie & Kanji, 2003). Je (Gilles) pensais que nous ressentirions davantage la pression exercée par le très grand nombre de personnes concentrées en ville. Bien sûr, nous arrivions de Tokyo et nous y avions expérimenté les trains bondés aux heures de pointe. La situation à Shanghai sur ce plan ressemble beaucoup à ce que nous avions connu et les rues ne sont pas plus bondées. Il faut dire aussi que nous étions en plein hiver, qu’il faisait un froid inhabituel, donc que les gens sortaient sans doute moins et que nous sommes arrivés en plein Nouvel An.

Rappelons que la Chine, contrairement à chez nous, a une politique de dénatalité pour aider au développement du pays et diminuer la pression reliée au nombre très élevé de personnes. C’est la politique d’un seul enfant par ménage. Le Lonely Planet rapporte qu’en pratique, cela prendra encore 30 ans avant d’en arriver à une croissance 0 de la population. Les logements sont petits, souvent surpeuplés. Selon un Chinois rencontré, l’architecture des maisons est telle que six logements se partagent la cuisine et la salle de bain. Il rapportait aussi que le logement est très cher à Shanghai alors que le revenu moyen demeure limité, soit 2 500 Yuans par mois (environ 370 $). Il y a donc, là aussi, des bains publics un peu comme on a pu voir au Japon. On comprend aussi que le rapport à l’intimité est fort différent de chez nous alors que nous sommes habitués à de grandes maisons. Par exemple, j’ (Jeanne-Mance) étais très surprise alors que nous étions aux bains qu’une femme soit venue partager la douche où j’étais, ce qui semble un fait usuel ici. De plus, c’est une population qui, comme en Inde et dans le Sud-est asiatique, est relativement jeune. En 2003, 10% de la population avait plus de 60 ans (Harper et al., 2005). Je (Gilles) m’attendais à ce que l’effet du nombre ait aussi des conséquences sur la propreté. Certes, nous sommes loin de la très grande propreté du Japon, mais les endroits publics étaient généralement propres, particulièrement le métro, avec des poubelles un peu partout, vidées régulièrement et les planchers lavés plus souvent encore que dans le métro de Montréal. Bien sûr, cela n’empêche pas d’observer certains comportements moins agréables : des déchets laissés par terre dans le train dont une couche souillée, un homme sur son balcon qui se mouche et jette son mouchoir souillé vers la rue, mais surtout des gens qui crachent sur le plancher un peu partout (magasin, aéroport, train, etc.). Même s’il y a un règlement adopté par la ville qui dit que si une personne est prise à cracher par terre, elle doit payer une amende, les gens font fi de ce règlement. Ce sont aussi des gens « affirmatifs », qui sont habitués de se faufiler pour prendre leur place. Par exemple, lorsqu’un taxi se vide, d’autres personnes entrent rapidement en même temps que les personnes sortent, histoire de ne pas se faire « voler » le taxi par quelqu’un d’autre. Vous comprendrez qu’au début de notre séjour, cela nous est arrivé quelques fois d’attendre que le taxi se libère et que pendant ce temps d’autres personnes entraient de l’autre côté…et voilà, il faut alors attendre le suivant. Nous avons vite compris le système. De même, à quelques occasions, nous avons dû aviser des gens qui passaient clairement devant nous au guichet du train ou à la poste et de leur faire voir que nous étions là avant eux. Disons que cela nous a aidés à aiguiser notre affirmation de soi.

Nous voulions passer quelques temps à Beijing, cependant nous avons dû réviser nos plans compte tenu que nous nous retrouvions en plein dans la tempête de neige dont vous avez entendue et vue à la télévision au Québec et en pleine période du congé du Nouvel an chinois. Donc il n’y avait pas de place sur le train et les billets d’avion qui restaient étaient beaucoup trop chers. Nous nous sommes donc contentés de visiter Shanghai et quelques villes autour.

Shanghai

La Chine connaît une modernisation très rapide, particulièrement depuis les années ’90. Ceci n’a rien à voir avec la Chine que j’ai (Jeanne-Mance) connue en 1977. Par exemple, le train qui relie l’aéroport de Shanghai à la ville est un train magnétique qui atteint les 300 km/heure en quelques minutes à peine. Shanghai a aussi un réseau de métro ultramoderne. Certaines stations ont été ouvertes pendant notre séjour et l’ensemble du réseau date de 2000. Il faut dire que Shanghai se prépare à recevoir l’exposition universelle en 2010 (un peu comme celle de 1967 à Montréal), elle doit se faire belle. On y retrouve plein de grands édifices, les feux de circulation affichent des chronomètres digitaux, à divers endroits on constate l’utilisation d’une technologie de pointe. Cela a amené une amélioration considérable du niveau de vie au cours des dernières années. Le taux de pauvreté selon l’indice international (au moins 1$US par jour) est passé de 80% en 1978 à 18,5% en 2001 (Jie & Kanji, 2003). C’est énorme comme changement! De plus, il semble bien révolu le temps où tout le monde se promenait en veste Mao bleu royal. On retrouve plein de boutiques de mode affichant entre autres les grandes marques de vêtements que l’on connaît bien : Prada, Gucci, Chanel, etc. Plusieurs de ces boutiques exigent d’avoir un portefeuille bien garni (trop pour nous) et on y retrouvait toute une classe de Chinois et de Chinoises qui semblent vivre bien à l’aise. Bref, on peut constater le développement d’une classe moyenne importante, du moins à Shanghai. L’automobile a aussi remplacé le vélo, quoiqu’il en reste encore quelques vestiges mais beaucoup moins. Le Lonely Planet note cependant que la campagne profite beaucoup moins de cette modernisation et que l’écart entre les riches et les pauvres s’agrandit de manière considérable au point d’être devenu l’un des pires au monde (Harper et al., 2005).
Notre amie Cristina et l’école internationale de Shanghai
Nous sommes atterris à Shanghai où nous attendait Cristina Pelaez, une amie d’Isabelle notre nièce, que nous avions rencontrée à quelques reprises à Sherbrooke. Nous avions eu la chance aussi de rencontrer toute sa famille quelques mois après leur arrivée au Québec. Pendant notre séjour à Shanghai, nous sommes demeurés chez elle. Elle demeure à un hôtel qui est à la fois un lieu de location de chambres et d’appartements. Nous étions donc très bien dans son appartement qui comporte deux chambres, cuisine, salon et deux salles de bain. J’ai (Jeanne-Mance) donc pu cuisiner quelques plats et faire une réserve de sauce à spaghetti pour notre amie. J’ai (Jeanne-Mance) aussi participé à la messe avec elle, histoire de voir comment se déroule et quelle est l’atmosphère d’une messe catholique en Chine. Sur notre route, nous avons pu observer des canards et des énormes poissons accrochés dehors.

Cristina enseigne à la maternelle dans une école internationale, une école qui vise une clientèle d’«expats » comme on les appelle, soit ces gens qui viennent d’ailleurs pour travailler ici quelques années. On estime, qu’il y a plus de 100 000 expats à Shanghai, soit l’une des communautés d’expats les plus importantes parmi les grandes villes asiatiques. Ces gens viennent d’un peu partout : Canada, États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume uni, Afrique du sud, Japon. Cristina nous a introduits à quelques-uns de ses amis et collègues avec qui nous avons eu notamment le plaisir de partager le souper du Nouvel An chinois. Nous n’avions aucune idée auparavant de ce que signifie la vie d’expat. C’était intéressant entre autres d’entendre parler les enseignants et enseignantes sur les enfants à l’école qui doivent composer constamment avec des pertes. En fait, comme les contrats des parents ne durent souvent que quelques années, cela veut dire pour les enfants de perdre ses petits amis qui partent vers une autre grande ville asiatique ou encore retournent à la maison. Parfois, ces changements se font en cours d’année scolaire, il peut y avoir une dizaine d’enfants dans la classe qui quittent à Noel par exemple et qui sont remplacés par de nouveaux élèves pour le reste de l’année. Les enseignants et enseignantes doivent donc adapter la gestion de leurs classes en conséquence et aussi offrir des opportunités aux enfants de parler de ces deuils. Un ami de Cristina notait aussi que les enfants qui revivent ce scénario plusieurs fois deviennent plus distants et s’investissent moins dans leurs relations d’amitié, comme pour se protéger. On appelle ces enfants les enfants de troisième nationalité. Souvent nés dans une de ces grandes villes, ils ont la nationalité du pays où ils sont nés et celle de leurs parents. Parfois ils ne vont que rarement visiter la parenté et connaissent peu le pays d’origine de leurs parents, mais c’est leur nationalité aussi. Les enseignants et les enseignantes font particulièrement attention à ce que les enfants sachent d’où ils viennent, leur origine respective pour ne pas qu’ils perdent leur identité culturelle. Quand je (Jeanne-Mance) suis allée dans la classe de Cristina lire une histoire aux enfants, je leur ai demandé d’où ils venaient : de la Corée du sud, du Mexique, du Chili, du Japon, de la Chine, de la France, de la Hollande, de l’Argentine, de la Turquie, presqu’autant de pays que d’enfants. Les parents de ces enfants sont des gens qui viennent développer un marché en Chine ou font partie du personnel diplomatique de leur pays ou encore ce sont des gens d’affaires. Plusieurs vivent dans de grands hôtels comme par exemple le Ritz Carlton, qui ont des appartements spécialement conçus pour cette clientèle, appartements habituellement payés par les compagnies. Ils ont souvent un chauffeur privé qui transporte les enfants à l’école. Il en coûte 20 000 $ pour fréquenter une école internationale à Shanghai et ces frais peuvent être assumés par les compagnies.

Le Nouvel An Chinois
Du 6 au 15 février, c’est le Nouvel an chinois (notre troisième avoir fêté le Nouvel An usuel au Cambodge, celui de la Thaïlande et enfin celui de la Chine).En cette période, 8 millions de Shanghainais sortent ou entrent dans la ville pour visiter leurs familles comme nous le faisons pour le temps des fêtes au Québec. Bien sûr, nous ne sommes pas 8 millions à quitter le Québec…! Les 6, 7 et 8 février allant parfois jusqu’au 10 février, les services publics, magasins même plusieurs restaurants sont fermés pendant au moins trois jours sinon plus. C’est le temps des réjouissances en famille mais aussi le temps des traditions. Par exemple, pendant deux semaines des feux d’artifice éclatent un peu partout dans la ville à toute heure du jour ou de la nuit tantôt pour chasser les dragons ou les mauvais esprits, tantôt pour la simple réjouissance, tantôt pour attirer le bon sort et la bonne fortune. On ne peut vous imager le bruit de ces feux, des quinzaines de feux à fois. Les temps les plus imposants sont à l’arrivée du Nouvel An chinois à minuit et l’autre trois jours plus tard. Il y a ensuite une autre fête, celle des lanternes qui se déroule normalement 15 jours après le Nouvel An, mais nous n’étions pas là à ce moment. C’était invraisemblable le soir du Nouvel An de voir des milliers de feux d’artifice péter un partout dans la ville. Vraiment impressionnant et incroyable! Nous sommes allés fêter l’évènement avec Cristina dans un restaurant un peu plus chic situé dans une tour où nous avions une vue sur une bonne partie de la ville. Des amis de Cristina nous ont rejoints. Nous étions tous épatés par ces feux superbes. Trois jours plus tard il nous était très difficile de dormir car les feux pétaient tout autant jusqu’à plus d’une heure du matin. Du balcon de chez Cristina, nous pouvions voir à nouveau comment les feux provenaient d’un peu partout en ville. C’est quand même impressionnant de voir comment les gens investissent des sous de manière assez considérable pour célébrer de cette façon.

Un secteur important du centre-ville de Shanghai est occupé par ce qui s’appelle la Concession française, soit un grand quadrilatère concédé à la France en 1847. Dans les faits, la forte majorité des gens qui y demeurent sont des Chinois mais c’est aussi le quartier où se retrouvent les plupart des expats. On y retrouve des « grandes places », des rues aménagées « à la française », des boutiques de toutes sortes, dont celles des grandes marques, des pâtisseries françaises etc. L’un des secteurs de ce quartier est celui de Nanjing/Xi Lu où on retrouve les boutiques Prada Gucci, Chanel, l’hôtel Ritz Carlton et plusieurs ambassades. C’est aussi dans la Concession française que se retrouve le musée érigé où a eu lieu la fondation du Parti communiste chinois en 1921, donc son premier congrès national, et le monument en l’honneur de la libération de la ville en 1949 alors occupée par les Japonais.

Deux stations de métro plus loin, juste sur le bord de la rivière, se trouve le célèbre Bund, soit le lieu où est née la ville il y a 6 000 ans. C’est un lieu touristique de Shanghai où les gens viennent se promener le long de la rivière. C’est un endroit particulièrement beau la nuit, notamment le secteur piétonnier de la rue Nanjing Road qui est tout illuminé. L’autre côté de la rivière se trouve la Jinmao Tower, soit le plus haut édifice de Shanghai, soit 420,5 m de haut, 88 étages. L’ascenseur qui nous mène à l’observatoire tout en haut monte à une vitesse de 9 mètres à la seconde. L’observatoire est situé au 88e étage et il permet de voir la ville sous 360 degrés. Magnifique point mais un peu trop de brouillard pour en apprécier la beauté.

Shanghai, depuis 1990 prend beaucoup d’expansion. D’ailleurs, un peu partout on pouvait voir des édifices en construction. Rappelons aussi que Shanghai est connue comme la cité de la soie, du thé et de l’opium. Nous n’avons pas essayé l’opium, mais le thé et Jeanne-Mance a bien aimé aussi voir les boutiques de soie. C’est aussi l’une des régions qui produit des perles. Inutile de dire que Jeanne-Mance s’est aussi régalé les yeux. J’ (Gilles) en ai aussi profité pour lui acheter son cadeau de fête qui s’en vient à grands pas.

Comme nous avons peu bougé et que Cristina avait Internet à la maison, nous en avons profité pour se mettre à jour : réservations de l’hébergement en Afrique du Sud et en partie en Turquie, achat de billets d’avion, correspondance avec nos contacts dans ces pays, travail sur un article, etc.

Qibao Village

(Il faut prononcer le Q comme un ch)

Pour s’y rendre nous avons pris l’autobus de la ville à la grande surprise de Cristina qui trouve que nous sommes d’excellents voyageurs, que nous nous sommes débrouillés très bien à travers la ville en peu de temps. Qibao a été construite entre 960 et 1126 sous la dynastie des Ming. C’est théoriquement un village, mais un village en Chine c’est comme une grosse ville chez nous, tout est relatif... Cette ville est traversée par trois ponts. Une cloche en bronze date elle aussi de 960. À Qibao, nous avons surtout visité la vieille ville avec ses maisons aux toits pointus et ses beaux canaux. Nous avons acheté un billet qui nous permettait de visiter plusieurs sites touristiques soit le musée du textile, une ancienne boutique de fabrication de vin, une galerie d’art d’un artiste chinois Zhang Chongren (assez extraordinaire d’ailleurs), un musée d’objets miniatures et le temple aux Sept trésors. Nous nous sommes promenés dans une rue très étroite bondée de monde en vacances pour le Nouvel An chinois. J’adore (Jeanne-Mance) ces petites boutiques qui vendent des produits alimentaires très particuliers comme des poissons dont on ne connaît pas le nom, des viandes apprêtées de diverses façons, des plats qui dégagent des saveurs parfois agréables parfois un peu désagréables. Bref, nous avons vu là ce que les chinois mangent.

SuZhou

Nous avons pris le train pendant une heure. À la sortie du train, contrairement à Qibao où nous avions dû nous débrouiller seuls, ici nous attendaient plusieurs représentants et représentantes de compagnies prêtes à nous offrir leurs services. Nous avons donc pris un tour de la ville avec une de ces compagnies. On nous avait dit qu’il y aurait un guide qui parlerait anglais tout au long de la journée, eh bien non ! Gilles et moi avec un couple de Japonais avons été très frustrés de cette situation. Nous avons essayé tant bien que mal de revendiquer que la guide parle en anglais tel que promis mais en vain, sinon quelques petites bribes. C’est vraiment dommage car nous avons manqué toutes les explications des lieux visités. C’était aussi surprenant de voir que les services touristiques sont essentiellement prévus pour les Chinois.

On dit dans la littérature chinoise qu’il y a trois paradis : celui du ciel, Hanzhou et SuZhou. Nous avons choisi de visiter celui de SuZhou parce que celui du ciel était un peu plus dispendieux et nous ne sommes pas rendus encore à cette étape…Effectivement, je ne connais pas celui du ciel, mais celui de Suzhou est magnifique. On l’appelle « la petite Venise de la Chine » ou « la Venise orientale ». Elle date de 514, fondée par King Helui of Wu. Elle a une histoire de 2500 ans. Elle possède une soixante de jardins construits au 10e siècle et plusieurs d’entre eux sont gardés intacts et listés dans la liste des héritages mondiaux. Cette ville est couverte à 42% par l’eau.

Je (Jeanne-Mance) vous raconte l’histoire de cette sculpture. Il s’agit du poète Zhang Ji qui a écrit, il y a 1 000 ans, un poème sur le pont que nous voyons derrière nous. Ce poème Overnight stay at Feng Qia (c’était traduit sur le panneau explicatif, nos capacités de lire le Chinois sont trop faibles…) est devenu célèbre à travers le monde et on a érigé, en l’honneur du poète, une sculpture le représentant assis avec l’index de la main droite en évidence, index avec lequel il a écrit son poème, son doigt lui servant de plume. L’histoire dit que si nous touchons l’index une fois, c’est le succès assuré et deux fois c’est la fortune. Allez croire…! Vous vous imaginez bien que plusieurs personnes frottent le doigt du poète. Il y a une belle pagode qui date de 961, toujours de la Dynastie des Ming. On ne sait pas les noms des lieux visités mais nous vous laissons avec ces images.

Commentaires plus généraux sur les hommes en Chine

En plus des mises en garde que nous avons l’habitude de faire et que nous ne répèterons pas ici, notons que nous n’avons surtout visité qu’une seule ville, Shanghai, ville réputée pour être la plus occidentalisée de la Chine et dont les hommes en particulier, sont aussi réputés pour être différents des autres Chinois. Je (Giles) n’ai pas réussi, malgré de nombreuses recherches, à trouver des chercheurs chinois sur le sujet ni d’établir des contacts avec les écoles de service social. J’ai trouvé cependant quelques études sur les hommes en Chine, mais toutes ces recherches ont été réalisées par des chercheurs qui ne demeurent pas (ou plus) en Chine. Enfin, le nombre d’entrevues a aussi été très limité. Un peu comme au Japon, la barrière de la langue est considérable, peu de monde ici parle l’Anglais.

Dans la tradition du confusianisme, la masculinité et la féminité sont identifiées au yin et au yang, soit deux principes qui existeraient en chacun de nous, l’un étant dominant, plus développé que l’autre, selon le sexe de la personne. Selon ce point de vue, la masculinité est issue de la biologie et non construite. Louie (2002 dans Souchou) qui s’est intéressé à la construction de la masculinité en Chine, s’oppose à cette vision. À la suite de ses recherches sur les héros chinois, il conclut que la masculinité en Chine doit plutôt se comprendre à partir de la dualité entre le « wen » (arts littéraires) et le « wu » (arts martiaux), l’homme idéal étant perçu comme celui qui sait maîtriser ces deux arts un peu comme Mao Zé Dong a su le faire en étant à la fois fin stratège de guerre mais aussi un homme de lettre.

Le Lonely Planet note que le mouvement des femmes en Chine a fait des progrès considérables. Notamment la Loi sur le mariage de 2001 protège maintenant les victimes de violence conjugale et condamne sévèrement les conjoints qui ont des comportements violents. De plus, les femmes représentent 44% des étudiants dans les collèges et les universités. On les retrouve un peu partout sur le marché du travail, aussi bien comme chauffeuses d’autobus ou de taxi que comme coiffeuses ou commis. Par exemple, la Chine a un plus haut taux de femmes ingénieures que le Canada, mais un peu comme chez nous, de manière générale, les hommes et les femmes demeurent concentrées dans ces secteurs d’emploi très « genrés », notamment plus de femmes chez les cols blancs et très peu si on monte dans la hiérarchie des entreprises (China-Canada Cooperation Project in Cleaner Production, 2000). En fait, elles forment 45% de la main-d’œuvre soit un taux nettement supérieur à la moyenne mondiale qui est de 35%, mais, selon les données du recensement de l’année 2000, elles n’obtiennent que 80% du revenu moyen des hommes (Tingting, 2006), ce qui est quand même une proportion nettement plus élevée que bien des pays occidentaux. Selon un Chinois rencontré, la plupart des femmes continuent de travailler après la naissance d’un enfant, le bébé étant alors confié aux grands-parents s’ils sont retraités, ou encore à une gardienne. Il n’en demeure pas moins, cependant, que la Chine n’obtient que le 83e rang sur 114 pays en matière d’équité pour les femmes (UNDP-China). Notamment la participation déclinante des femmes sur le plan politique et leur difficulté à obtenir des postes de gestion jouent nettement en défaveur de la Chine.

La société chinoise est en profonde transformation. Elle est toutefois réputée pour demeurée encore très patriarcale alors que les garçons ont plus de valeurs que les filles. Par exemple, après le mariage, la coutume veut que la femme aille demeurer chez son mari et soit sous la gouverne de sa belle-mère et aussi des autres hommes de la maison. Cependant, son statut s’améliorerait lorsqu’elle accouche d’un garçon. (Jie & Kanji, 2003). Par exemple, un Chinois racontait que la tradition veut que les parents investissent beaucoup pour aider leur fils à s’installer dans la vie (soutenir l’achat d’une maison ou du moins l’achat du matériel de base) alors que cela n’est pas le cas pour une fille. Par ailleurs, la Chine présente le ratio hommes par rapport aux femmes des plus élevés des pays d’Asie, soit 117 hommes pour 100 femmes, selon le recensement de l’année 2000 (Harper et al., 2005; Marquand, 2004) et 120 pour 100, selon des données plus récentes (Kurtanzick, 2007). Selon Marquand, le foeticide serait plus prononcé en milieu rural qu’en milieu urbain, de même que les bébés filles donnés en adoption. Il rapporte que le gouvernement chinois travaille à corriger la situation en implantant un nouveau programme pilote dans 13 provinces qui accorde 1200 Yuans (environ 160$) par année aux parents qui ont une fille. Cette situation fait aussi en sorte qu’un bon nombre d’hommes ne se trouvent pas de conjointes. Ce qui inquiète de plus en plus, certains questionnant même si la Chine est en train de devenir un pays d’hommes seuls (Kurtanzick, 2007; Marquand, 2004).

Pour certains Chinois, contrairement à ce que la culture dominante valorise dans la culture occidentale, s’occuper des enfants (« nurturing ans caring ») est perçu comme une expression de la puissance masculine. Par exemple, les hommes de Shanghai sont réputés pour faire plus de tâches domestiques que leurs conjointes et ils aiment cela (Da, 2004 et Wand, 2000 dans Donaldson et Hawson, 2006). J’ai (Jeanne-Mance) vu plusieurs hommes étendre le linge sur la corde. Plusieurs des personnes rencontrées confirment cette situation. Plus encore, Fang (2007) parle de « domestic softeness » des pratiques masculines chinoises.

La situation en matière d’homosexualité est ambiguë. Suiming, Zongjian et Gil (2006). racontent qu’historiquement, à l’époque de la noblesse chinoise, certains, souvent les plus érudits, affichaient ouvertement leur homosexualité sans que cela ne fasse problème. Bien au contraire, cela semblait lié à leur prestige. Puis, avec la révolution chinoise, la perception de l’homosexualité est devenue négative. Pan et Wu rapportent que certains leaders politiques en ont parlé dans les années 90 comme quelque chose de liée à des pratiques archaïques qu’il faut se défaire ou encore aux influences négatives des sociétés occidentales, surtout chez les jeunes qui visionnent le cinéma occidental et consultent Internet. Plus encore, dans la lutte contre le VIH/SIDA, les gays sont devenus en quelque sorte les ennemis étant identifiés par certains comme la source de l’infection en Chine. Socialement, l’homosexualité demeure illégale et les discussions sur le sujet demeurent taboues (Lonely Planet). Les gays et lesbiennes peuvent affronter du harcèlement policier mais en même temps, le mouvement gay s’organise surtout à partir de Hong Kong, semble-t-il (Lonely Planet). La tradition joue, selon certains auteurs, un rôle toujours important de telle sorte que parler ouvertement de son homosexualité demeure difficile. Fang (2006) explique que, pour échapper aux pressions de l’entourage, il n’est pas rare que deux hommes gays marient deux femmes lesbiennes, les deux couples légalement mariés sous la forme d’un couple hétérosexuel partagent le même appartement (ce qui se fait fréquemment compte tenu du nombre limité de logements disponibles) et forment, dans la pratique, deux couples homosexuels. La même formule est utilisée pour l’insémination artificielle qui permet ainsi aux deux couples d’avoir des enfants, le tout sans que les familles d’origine ne soient au courant de la réalité. Si le premier bébé qui naît et un garçon, il est, semble-t-il, élevé par le couple d’hommes et si c’est une fille par le couple de femmes. On peut comprendre que, dans un milieu plus traditionnel où on ne parle pas d’homosexualité, le premier lieu d’exploration pour les jeunes collégiens soit Internet (Qiuju & Geng, 2006) et aussi d’identification pour plusieurs gays et bisexuels (Sun, Farrer & Choi, 2006; Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Certains préfèrent parler de « tongzhis » (dont la traduction littérale signifie camarades) plutôt que de gais, ce qui inclut plus largement les MSM et non seulement ceux qui s’identifient comme homosexuels et aussi distingue de la vision occidentale de l’homosexualité (Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Selon certains auteurs, ce qui distingue le plus les gais chinois des gais occidentaux c’est la pression très forte pour se marier qui existe en Chine (mariage hétérosexuel on comprend puisque le mariage avec conjoint du même sexe est interdit) (Yinhe dans Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Enfin, il semble bien que l’ouverture sur le monde, notamment par Internet et le ratio élevé d’hommes par rapport aux femmes seraient deux facteurs qui contribuent au développement des réalités gaies (plus de personnes qui s’identifient comme gais, plus de visibilité, plus de services).

Lee (2005) rapporte qu’à Hong Kong, concept de santé des hommes est de plus en plus en vogue. Il note notamment que de plus en plus d’hommes surveillent leur alimentation, vont au gym, participent à des séances d’information sur la santé, etc. Cependant, cela ne semble pas être le cas dans toute la Chine. Par exemple, l’usage du tabac augmente sans cesse au cours des années contrairement à ce qu’on observe chez nous (Cheng et al., 1997). Les Chinois, les hommes surtout, sont réputés pour être de gros fumeurs. Ainsi, l’espérance de vie des hommes est de 69 ans, soit trois ans de moins que celle des femmes (72 ans) mais plus élevée lorsque l’on regarde l’espérance de vie en santé (Jie & Kanji, 2003). De plus, on observe une augmentation substantielle du nombre d’hommes qui vivent les effets de l’andropause de manière précoce.

De manière générale, la culture chinoise n’encourage pas l’expression des émotions, cela étant vu comme offensant. Parler de ses problèmes à un étranger est mal perçu, voire honteux. Les problèmes doivent être traités dans la famille. On comprend alors que les gens ont peu recours aux services publics pour régler leurs problèmes psychosociaux (Lee, 2005). En fait, la culture chinoise est basée sur des liens familiaux solides, incluant la famille étendue (Harper et al., 2005).

Il nous reste à remercier en premier lieu notre amie Cristina pour son hospitalité, mais aussi toute sa gentillesse à notre égard. Nous avons pu apprécier la femme de cœur qu’elle est. Nous remercions aussi ses collègues et amis que nous avons eu l’occasion de rencontrer et qui nous ont alimentés dans réflexions. Merci aussi aux deux hommes que j’ (Gilles) ai interrogés et dont je dois taire les noms par souci de confidentialité.

Références

Chen, Z.N., Xu, Z., Collins, R., Li, W.X. & Peto, R. (1997). Early health effets of the emerging tobacco epidemic in China. A 16-year prospective study. The Journal of American Medical Association, 278 (18) 1346-1348.

China-Canada Cooperation Project in Cleaner Production (2000). Gender Equality Facts and Case Study. Disponible sur Internet : www.chinacp.com.

Donaldson, M. & Howson, R. (2006). Comparative Masculinities: Why Islamic Indonesian Men are Great Mates and Australian Men are Girls. Papier présenté à The 16th Biennial Conference of the Asian Studies Association of Australia, University of Wollongong, 25-29 June 2006.

Fang, G. (2007). Qualitative Study on the Construction of Money Boy’s Male Temperament. Papier présenté à International Conference on Sexuality in China, 18-20 juin 2007, Beijing. Institute for Research on Sexuality and Gender, Renmin University of China.

Fang, G. (2006). The Marginalized Group’s Marriage and Reproductive Rights. Papier présenté lors de la Second Asia Pacific Conference on Reproductive and Sexual Life. Institute for Research on Sexuality and Gender, Renmin University of China.

Harper, D., Fallon, S., Gaskell, K., Grundvig, J., Heller, C.B., Huhti, T., Mayhew, B. & Pitts, C. (2005). China. The Lonely Planet.

Jie, D. & Kanji, N. (2003). Gender equality and poverty reduction in China: Issues for development policy and practice. Reports. Department of International Development (DFID). Disponible sur Internet : www.oda.un.org.cn

Kurtanzick, P. (2007). China’s Future: A Nation of Single Men? The Los Angeles Times, edition du 21 octobre.

Lee, B.M.W. (2005). Sexualities and Gender rights in Asia. Papier présenté à 1st International Conference of Asian Queer Studies, Bangkok, 7-9 juillet 2005.

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samedi 2 février 2008

19e envoi : Le Japon

19e envoi : Japon

Le Japon est le 8e pays que nous visitons et l’un des plus riches dont l’économie est la seconde plus importante dans le monde. C’est un pays fascinant à plusieurs égards et à travers ce blog vous en découvrez quelques raisons. Malheureusement, l’hiver n’est pas la meilleure saison pour visiter le Japon. Il fait froid (environ 1 à 5 degrés) et nous n’avions pas de vêtements adaptés pour la circonstance. Les maisons sont mal isolées, souvent sans système de chauffage central, peu chauffées, sinon quelques fournaises au gaz quand même très utiles pour nous garder au chaud. Il a même neigé à Tokyo pendant une journée au grand désespoir de Gilles alors que Jeanne-Mance était contente d’avoir vu la neige au Japon. De plus, le paysage n’est pas à sa pleine beauté, les arbres, les jardins sont dépouillés de leurs feuilles et de leurs fleurs. On peut facilement imaginer la beauté de ces paysages quand ils sont en pleine floraison et surtout les cerisiers en fleurs. Que cela doit être magnifique! Les jardins dans les parcs, les temples et les palais sont sans aucun doute de toute beauté en été. Un avantage cependant de voyager en hiver : il n’y a pas beaucoup de touristes en cette période.
Quelques données générales pour montrer l’ampleur de ce pays. Un pays de 127 millions d’habitants dont l’espérance de vie est la plus élevée au monde (Statistique Canada, 2006), soit 78,2 ans pour les hommes et 85,2 pour les femmes (Yamada & Izumi, 2003). En ce sens, c’est très différent des pays du Sud-est asiatique où l’espérance de vie gravite autour de 55 ans. D’ailleurs, elles sont si belles ces personnes âgées japonaises sur leurs bicyclettes. Ce moyen de transport est aussi populaire au Japon mais pas autant qu’en Inde ou qu’au Viêt Nam. Donnée assez cocasse : les téléphones cellulaires sont au nombre de 86 millions sur une population de 127 millions …plus de la moitié de la population a son cellulaire. N’oublions pas que c’est le pays de l’électronique après tout. Dans les métros, les bus, le train, sur la rue, dans les restaurants, tout le monde écrit des messages sur son cellulaire, car ici, dans les endroits publics, on demande d’éteindre la sonnette du téléphone mobile et d’être discret. D’ailleurs, on pourrait « entendre voler une mouche » dans le wagon même s’il est bondé. On utilise cette technologie au maximum pour envoyer et recevoir des courriels, pour avoir la carte du métro, pour prendre des photos, pour connaître les heures de train, etc. Nous étions dans un restaurant avec un japonais. Il voulait avertir sa conjointe de son retard. Au lieu de lui téléphoner, à partir de son mobile, il lui a laissé un message sur son cellulaire. Peu de temps après, sa conjointe le rejoignait; très efficace et en même temps silencieux et discret.
Le Japon est riche en patrimoine culturel. Pour donner une idée, douze sites (surtout des temples) sont reconnus par l’UNESCO comme un héritage mondial.
Nous savions comment les Japonais sont des gens disciplinés, qui travaillent fort avec des croyances bien ancrées. Ce petit séjour de quinze jours dans ce pays nous a permis d’en constater quelques aspects. Par exemple, dans les escaliers roulants des métros et des trains, tout le monde se tient à gauche pour laisser passer les gens à droite qui sont plus pressés. C’est une règle, tout le monde la connaît. A plusieurs reprises, il a fallu se la rappeler. Pour entrer dans le métro ou le train, on attend patiemment en ligne les uns derrière les autres. Les gens savent exactement où le train arrêtera et se placent en ligne en conséquence. Cependant, aux heures de pointe, les métros et les trains sont pleins à craquer Les gens poussent pour pouvoir entrer et pour en sortir, cela demande un certain courage car il faut prendre sa place, jouer du coude, comme le dit une expression bien connue de chez nous. Cette densité de population dans un wagon a un certain avantage, c’est-à-dire que nous n’avons pas besoin de nous tenir car la foule nous retient. Pour les trains les plus achalandés, un ou des wagons sont réservés aux femmes seulement lors de ces heures de point. Les japonais ont la réputation, selon le Lonely Planet, d’avoir les mains baladeuses. Ainsi donc, par mesure de sécurité des wagons sont spécialement réservés pour les femmes. Autre règle : il faut enlever ses souliers à l’entrée d’une maison ou d’un endroit public, ce qui ne relève pas d’une tradition oubliée. Il faut bel et bien enlever nos souliers avec un protocole bien précis. Des pantoufles sont à notre disposition et souvent un casier pour ranger ses souliers. Le plancher est habituellement de deux niveaux, un espace plus bas où l’on entre avec ses souliers et le reste du local, un peu plus élevé où on se tient en pantoufles ou en chaussettes. De plus, la ponctualité est une qualité à faire envier bien des gens. Notre personne-contact nous disait : « À 12h. 50, je vais frapper à votre porte». Croyez-le ou non, à 12h 50 tapant, il sonne à la porte et ce, cela est arrivé plus d’une fois. Bien sûr, Gilles et moi avons été très respectueux de leur ponctualité. Les arrêts d’autobus indiquent le nombre de minutes avant le prochain autobus (3 ou 4 ou 5 minutes) encore une, le prochain autobus arrive à l’heure indiquée. Nous devions prendre le train qui nous amène à l’aéroport à 10h 42, le train est parti à 10h 42 tapant. C’est impressionnant d’avoir autant de rigueur en matière de ponctualité. Très intéressant! Ainsi, personne ne s’inquiète parce qu’il y a un retard quelconque. Mais il faut se le dire, les Japonais ont le souci de la perfection. Tout est bien fait dans les moindres détails. Par exemple, les mets (succulents d’ailleurs) sont servis dans des plats différents : un petit bol pour le riz, un autre pour ceci, un autre pour cela, chaque pièce placée de manière minutieuse dans un arrangement de toute beauté. Quel travail juste pour la présentation! De plus, leur gentillesse et amabilité sont également remarquables. Par exemple, il a suffi qu’on demande à une jeune fille où se situe le Green Hotel pour qu’elle vienne nous y reconduire. Une autre fois, nous nous informons au guichet du train où se trouve la station de métro et une jeune femme derrière nous nous invite à la suivre et elle nous conduit à l’endroit recherché. Les Japonais ont aussi la réputation de travailler très fort. Certains bureaux, semble-t-il, sont équipés pour permettre à des membres du personnel d’y passer la nuit. Dans un hôtel, nous avons vu qu’il était possible aux Japonaises et Japonais de louer un cubicule pour y dormir la nuit, histoire de ne pas trop avoir de frais et de récupérer quelques heures. C’est vraiment des boîtes de bois empilées les unes sur les autres sur deux étages. On loue ces espaces pour 30$ la nuit. Ces cubicules ont une grandeur approximative de 3X6. On y reviendra dans la section sur les hommes, puisque le surtravail les touche davantage, mais il faut aussi placer ce point en contexte. Faut-il le rappeler, le Japon s’était joint à l’Allemagne et à l’Italie lors de la Deuxième grande guerre. La Chine, La Corée et d’autres pays d’Asie ont été envahis par le Japon. Cette guerre et la défaite qui en a suivi a coûté très cher au Japon. Par exemple, l’une des conséquences de la défaite du Japon, les Etats-Unis l’ont obligé à ne pas avoir d’armée. Les années qui ont suivi ont été très difficiles pour ce peuple qui a dû reconstruire son pays lourdement affecté aussi par les bombardements. Le sens collectif des Asiatiques, une discipline de fer et un travail acharné en plus de l’ingéniosité des Japonais ont fait en sorte que le Japon a pu non seulement se sortir de la pauvreté mais aussi devenir l’une des grandes puissances économiques du monde. En l’espace de quelques décennies, le Japon a changé sa condition du tout au tout. Maintenant, il s’agit d’un pays très avancé sur le plan économique grâce à ce dur effort collectif et cette discipline de fer. Sur le plan de la tenue vestimentaire aussi la discipline est de rigueur. Sur le plan de l’ingéniosité, rappelons que c’est le pays de l’électronique. Le Québec importe du Japon beaucoup d’appareils de fine pointe dans ce domaine, notamment des caméras, des ordinateurs, etc. Mais sur place, cela demeure impressionnant de voir comment beaucoup de choses fonctionnent de manière électronique : les portes coulissantes qui s’ouvrent généralement avec un œil magique ou encore avec une légère pression du doigt, les portes des taxis s’ouvrent et se ferment à partir de pitons accessibles au chauffeur, même les sièges de toilette qui sont chauffés (c’est bien pratiques pour tenir les fesses au chaud) et avec un système de jets d’eau électroniques pour laver les fesses et même, pour les dames, la vulve. Enfin, notons que la plupart des Japonais sont habillés de manière très formelle, tout en noir, complet et cravate, quelque soit le moment de journée, quelque soit leur âge, quelque soit l’endroit. Même les femmes portent des costumes noirs. Imaginez tout un wagon bondé de personnes habillées en noir, cela donne un effet spécial.
Rappelons aussi que le Japon a connu des tremblements de terre importants et la possibilité des tremblements de terre est toujours là. Au Guest House de l’université où nous résidions, il y avait un guide expliquant les procédures à suivre dans l’éventualité d’un tremblement de terre; d’ailleurs, ce n’est pas la seule place où on a vu ce genre de prévention. On a aussi remarqué, en lien avec ce phénomène, comment les édifices ne sont pas très hauts comme on peut en voir aux États-Unis et même à Montréal.
Nous avons eu certaines difficultés avec la langue. Nous avons été surpris de constater que, dans beaucoup d’endroits et même dans les services publics, les gens ne parlent pas anglais. Ce qui nous a surpris. Il faut dire que le Japon est habitué de s’autosuffire et qu’il dépend beaucoup moins du tourisme sur le plan économique que les pays de l’Asie du sud-est.

TOKYO
Selon le Lonely Planet et des Japonais à qui nous avons parlé, s’il y a deux villes à visiter au Japon ce sont Tokyo et Kyoto. C’est ce que nous avons fait.
Tokyo est une ville de 12..4 millions d’habitants. C’est toujours impressionnant de comparer la population du Québec avec celle d’une ville. Cela correspond donc à plus de quatre fois la population de l’Ile de Montréal. Par exemple, la section de train entre les stations Tokyo et Shinjuku dessert 740 000 passagers par jour.
À Tokyo, nous avons eu la chance d’être en contact avec un professeur du Japan College of Social Work, Takashi Fujioka, contact établi l’hiver dernier lors de son séjour à Québec. Il nous a introduits à la culture japonaise. Grâce à lui, nous avons pu connaître de l’intérieur un peu la culture de son pays. Il adore le Japon et il était très heureux de nous le faire découvrir. C’est un homme cultivé, très curieux et intéressé par l’histoire du Japon. Au fil des discussions avec lui, nous avons appris beaucoup sur le vécu des Japonais. Aussi, nous avons eu la chance de loger gratuitement au Guest house de l’université dont sa conjointe, Shiki, est responsable. Ce Guest House est réservé aux professeurs étrangers qui font un séjour de recherche à cette université. Il est situé un peu loin du centre-ville et nous n’avions pas accès à Internet très facilement, mais nous avons appris très vite, avec les conseils de Takashi et de Shiki, comment nous rendre en ville sans trop de difficultés malgré la barrière de la langue. De plus, demeurer à cet endroit a eu l’avantage de nous permettre de vivre avec les gens du quartier et de partager avec eux les mêmes restaurants, le même « dépanneur », etc., bref, de nous retrouver dans un milieu japonais et non entourés de touristes. Ce qui nous a valu parfois des petits sourires des gens qui se demandaient bien d’où on arrive, notre look occidental ne passant pas inaperçu…
Takashi avait préparé tout un programme pour notre séjour. D’abord une présentation sur la protection de la jeunesse au Québec à un groupe d’étudiants et étudiantes de baccalauréat que nous avons faite à deux. La présentation avait lieu en Anglais et Takashi traduisait en Japonais au fur et à mesure puisque la plupart ne comprenaient pas bien l’Anglais. Disons, qu’à certains égards, notre système est assez différent de celui du Japon. Par exemple, les étudiantes et étudiants ont été très impressionnés par le système des familles d’accueil qui n’existe à peu près pas au Japon. Cet exposé a soulevé beaucoup de questions, notamment sur le recrutement des familles d’accueil. Une étudiante rapportait que les familles d’accueil au Japon sont en quelque sorte ostracisées et que la plupart des gens ne veulent pas vivre cette réaction négative de leur voisinage. Plus tard, une professionnelle nous a dit que le suivi des familles d’accueil au Japon ne serait pas facile car il est difficile, selon elle, de distinguer entre discipline très sévère (qui est habituellement le cas nous dit-elle dans les familles au Japon) et abus, surtout quand les enfants ont des troubles du comportement, ce qui est souvent le cas des enfants qui ont connu un abus ou ont été négligés. Puis il y a eu une présentation auprès d’un groupe de maîtrise à laquelle s’est aussi joint un autre professeur de la faculté. Elle se déroulait complètement en Anglais, ce qui a permis d’approfondir un peu plus. Elle devait porter sur deux points : un résumé de la présentation au groupe de baccalauréat sur le système de protection de la jeunesse et sur la construction de l’identité masculine des garçons et l’impact des mauvais traitements. Il s’agissait plus d’un séminaire avec échanges. La discussion sur la deuxième partie a soulevé beaucoup d’intérêt, les gens me soulignant que pour eux, il s’agit d’un aspect complètement nouveau puisque les intérêts sur les questions du genre au Japon se sont essentiellement portés, semble-t-il, sur les réalités des filles et des femmes et non pas sur celles des garçons et des hommes.
Takashi avait aussi prévu des visites de trois organismes communautaires. Le premier est un centre (orphelinat) pour garçons de 3 à 18 ans abusés ou abandonnés (sans parents), le Tokyo Sarejio Gakuen. Le centre fonctionne par petites maisons où les éducateurs suivent un même groupe d’enfants d’âges divers, un peu comme une petite famille. Les jeunes qui atteignent l’âge de 16 ans sont regroupés et apprennent à faire la cuisine, administrer un budget, entretenir une maison etc., afin de les préparer à une vie adulte autonome. Il existe environ 560 centres pour enfants (garçons et filles) abandonnés, négligés ou maltraités au Japon, on les appelle Jidou Yougo Shisetsu. Par la suite, on a partagé un repas avec les responsables de l’organisme. La moitié du personnel est composée d’hommes et l’autre de femmes. La plupart sont assez jeunes. On nous dit que la moyenne de temps travaillé à cet organisme est de 10 ans, ce qui est, semble-t-il, nettement plus que dans les autres centres semblables où la moyenne serait de trois ans. Les conditions de travail au Tokyo Sarejio Gakuen seraient meilleures de telle sorte que le personnel y travaillerait plus longtemps que dans les autres centres du même type malgré la lourdeur de la tâche. Il s’agit d’ailleurs, nous dit-on, d’un des centres les plus réputés du Japon. Il est dirigé par les Pères Salésiens. Il a été fondé dans les années 50 et il est construit sur le terrain d’une ancienne base militaire américaine, terrain donné par les États-Unis lors de la fin de l’occupation du Japon (qui a suivie la 2e guerre mondiale) en 1952. C’était aussi intéressant de voir un éducateur qui avait visiblement un très bon lien avec un garçon de trois ans arrivé depuis seulement trois mois dans ce centre après un séjour dans un orphelinat pour bébés. Les enfants avec des problèmes plus sérieux se retrouvent dans l’un des centres spécialisés (une trentaine au Japon) appelés Joncho Shougaiji Tanki Chiryo Shisetsu.
Nous avons aussi visité en même temps qu’un groupe d’étudiants et étudiantes un autre orphelinat mais cette fois pour bébés, le Azabu Nyujiin. Dans cet orphelinat vivent environ 95 jeunes enfants allant de 2 mois à 6 ans. Les bébés et jeunes enfants sont répartis dans les locaux par petits groupes (4 ou 5) selon leur âge sous la responsabilité d’une éducatrice ou deux éducatrices. Cela nous a rappelé le système d’orphelinats qui a déjà existé au Québec avant de développer plus intensément le système des familles d’accueil. Quand j’(Jeanne-Mance) ai pris un petit bébé de deux mois abandonné dans mes bras, je n’ai pu que lui dire que « l’univers te protège, mon bébé » et je vous avoue que je suis sortie de là avec un pincement au cœur en pensant qu’il demeurera jusqu’à 18 ans dans un orphelinat. Il existe aussi quelques centres mères-enfants nommés Boshiseikatsu Shien Shisetsu qui s’adressent aux mères pour lesquelles c’est possible de maintenir le lien en les aidant à acquérir les habilités parentales nécessaires.
L’autre centre visité est le Mabae Gakuen où travaille Takashi comme thérapeute auprès des enfants autistes. Nous l’avons vu en action avec cinq jeunes et leur mère. Il travaille avec l’approche développée par Pierre Janet et on doit dire que sa performance était impressionnante. C’était formidable de voir comment, après seulement quelques minutes de travail, l’enfant (tous des garçons) était plus concentré, moins agité. Nous avons pris le dîner avec un groupe d’enfants autistes. On a pu voir ainsi comment les éducateurs travaillent avec eux. Les enfants (il y en avait 9) se comportaient bien à la table, mangeaient par eux-mêmes (avec des baguettes en plus!), sans trop faire de dégât. À la fin de l’après-midi, Takashi, nous a offert de participer à une rencontre de l’équipe du Centre qui se réunissait un groupe d’éducateurs et éducatrices pour discuter de certains enfants avec lui. Comme les séances de thérapie avaient été filmées sur vidéo, l’équipe pouvait voir plus concrètement les progrès des enfants en l’espace de très peu de temps et ainsi se donner des pistes pour les interventions à venir avec chaque enfant. Notamment pour un des garçons, l’équipe était impressionnée de voir comment il avait réussi à se concentrer alors qu’habituellement il est plutôt hyperactif et bouge sans arrêt.
Malgré des activités professionnelles bien remplies à Tokyo, nous avons quand même pu visiter quelques beaux endroits dont le Imperial Palace et son East Garden. Nous nous sommes promenés dans la ville. Le quartier Shinjuku est en quelque sorte le symbole du Japon moderne : centres de jeux (casinos), grands magasins de classe, arcades, grands néons, peep shows et strip bars, centres d’affaires, etc. Chaque jour, environ 2 millions de personnes passent à travers cette station de métro. L’atmosphère y est agréable. Pas très loin de là, nous sommes arrêtés à cette statue dédiée à un chien : la statue Hachiko. En voici l’histoire : dans les années 1920, un professeur qui vivait près de la station Shibuya gardait un petit chien nommé Akita. Son chien venait l’attendre tous les jours à la station. Le professeur est décédé en 1925, mais le chien a continué de se rendre au métro pendant 11 ans plus tard jusqu’à sa propre mort. Les Japonais ont construit une statue en son honneur. Takashi nous a amenés à Asakusa Temple, où se retrouve un « shopping square » très fréquenté par les Japonais. On y retrouve de tout à cet endroit. Près du temple, on peut se quérir de notre destinée. Ainsi, pour 100 Yens (environ 1.00 $), on brasse une boîte dans laquelle sont des petits bâtons où sont inscrits des numéros. Ceux-ci font référence à des tiroirs où se trouvent les prédictions pour notre avenir. Vous comprendrez bien que tout est positif. Plus loin, on s’arrête à un attroupement de personnes autour d’une espèce de cuve : c’est de l’encens qui brûle et si on dirige la fumée vers la tête, la chance est avec nous … Un peu plus loin, avant d’entrer dans le temple, il y a une boite de bois dans laquelle on lance des Yens et par la suite, on fait un vœu en espérant qu’il soit exaucé. Ce sont là des croyances qui, à quelques égards, ne sont pas si loin des croyances chrétiennes.
Lorsque nous visitons le Japon, on ne peut se priver de l’expérience des bains japonais et des spas que nous avions d’ailleurs connus à Sydney. Dans la période de reconstruction qui a suivi la Deuxième guerre mondiale, la situation économique étant très difficile, les Japonais ont construit de petites maisons avec de très petites salles de bains et souvent sans bain ni douche. Ils ont donc remplacé les bains personnels par des bains publics. À la place, ils ont développé tout un réseau de bains publics, de type onsen (à base d’eau provenant de sources thermales – chaleur volcanique) et de type sentos (à base d’eau ordinaire). Ces bains publics ont toujours une partie réservée aux femmes et une autre aux hommes. À chaque fois, on retrouve divers réservoirs d’eau (genre petites piscines) dont la quantité et le genre varient selon l’endroit : eau chaude à 40 0, eau froide à 170, spas, bains à l’extérieur sous la pleine lune, bains électriques, bains à base d’herbe, bains de vapeur, sauna dont parfois certains sont « incendiaires » comme le disait si bien le Lonely Planet. Il y en avait un dans le quartier où nous demeurions à Tokyo, nous y sommes allés à quelques reprises. C’est un lieu de socialisation pour les gens du quartier, ils se connaissent tous. Les filles vont avec leurs mères et les garçons avec leurs pères. J’y (Jeanne-Mance) ai même vu un bébé de 3-4 mois dans une eau chaude à 40 0, il ne pleurait pas, il semblait tout simplement très confortable, aussi des enfants de 7- 8 ans, parfois des femmes de 70-80 ans. Les adolescents aussi bien que les enfants et les adultes s’y plaisent. On y allait le soir après notre journée pour relaxer et se préparer à bien dormir et aussi se réchauffer après avoir passé une journée dehors à visiter. Comme les Japonais et Japonaises travaillent très fort et de manière très formelle (dont complet- cravate), cet endroit devient un lieu de relaxation. Comme le veut la tradition japonaise, le tout se passe complètement nus. Pour les gens qui ont une certaine appréhension de la nudité, prière de s’abstenir.
Pour terminer notre séjour à Tokyo, Takashi nous a offerts un superbe souper au restaurant avec sa famille (un adolescent de 16 ans, une fille de 12 ans et le jeune garçon de 7 ans) et sa conjointe Shiki. Quelle agréable soirée même si Takashi a dû servir d’interprète à plusieurs reprises !

KYOTO
Nous avons pris quelques jours pour visiter Kyoto. Ville de 1,4 millions d’habitants et ancienne capitale impériale. Nous y avons séjourné quatre jours dans un B&B de style Japonais (matelas par terre, table basse) tenu par une propriétaire qui parle bien l’Anglais et qui nous a donné plein d’informations sur la ville. Comme Gilles n’avait pas de rencontre liée à son travail, nous avons visité plusieurs endroits. En commençant par le château Nijo-Jo, construit en 1603 et qui servait de résidence officielle du premier shogun. L’architecture japonaise n’a rien à voir avec les châteaux de la Vallée de la Loire en France Ce sont en général des structures de bois, pas très hautes, sobres, sans mobilier à l’intérieur. Les jardins en particulier sont d’une beauté exceptionnelle. À plusieurs endroits, nous ne pouvions pas prendre de photos afin de conserver la qualité des peintures et des toiles. Particularité de ce château, à l’intérieur des planchers il y avait un système (dont on n’a pas trop compris la mécanique) qui produisait un bruit à chaque pas comme un chant d’oiseau pour avertir des intrus qui voulaient entrer dans le château. Encore une fois, un château très simple et sobre où les jardins prennent une grande place sur le site. Le lendemain, visite du temple Kyomizu-Dera. C’est un temple construit en 798 mais dont la reconstruction date de 1633. Comme les constructions sont en bois, il y a peu de structures originales d’édifices anciens. Dans ce temple, on pouvait boire une eau sacrée avec supposément des vertus thérapeutiques, nous a-t-on dit! Quelques pas plus loin, nous avons marché entre deux pierres les yeux fermés (18 mètres). Si nous réussissions le trajet, selon l’adage, nous avions du succès en amour. Pour notre part, Gilles et moi, nous n’avions pas besoin de cela mais nous avons quand même essayé. Après 26 ans de vie commune et ce voyage qui nous met à l’épreuve, la garantie du succès amoureux est assurée sans avoir eu à marcher entre ces pierres. Un autre temple, celui-ci appelé Kinkaju-Ji, le temple d’or construit en 1397 servant de villa de repos pour le shogun Ashikaga Yoshimitsu (on vous entend dire « est-ce vraiment nécessaire de nommer tous ces temples ? »). En 1950, un jeune moine mit le feu au temple pour exprimer son obsession avec ce temple. En 1955, il y eut une reconstruction suivant l’original mais la couverture d’or s’arrête au premier plancher. Sans porter atteinte à ce temple d’or, celui d’Amritsar en Inde nous a beaucoup plus impressionnés.
Pendant que Gilles travaillait, j’ai visité le Centre du textile Nishjin. C’est un endroit pour observer la fabrication des kimonos et des ceintures qui les accompagnent, qu’on appelle obi. À chaque dimanche, il y a parade de kimonos et à ma grande surprise, beaucoup de Japonais sont attirés par cet événement et prennent beaucoup de photos. Afin de jouer la touriste, j’ai profité de cette visite pour faire l’essayage d’un kimono. Deux femmes prennent 20 minutes pour nous habiller. L’activité propose une promenade dans la ville en kimono. Mon expérience s’est réduite à l’intérieur du Centre du textile. Pour terminer la visite de Kyoto, celles et ceux qui nous suivent virtuellement, savez que je (Jeanne-Mance) participe, quand c’est possible, à des cours de cuisine, Kyoto n’a pas fait l’exception. J’ai donc appris à cuisiner quelques mets japonais.

Commentaires sur les réalités masculines au Japon
Nous avons profité des occasions que nous avions pour observer les gens, discuter avec ceux et celles qui parlaient au moins un peu Anglais et pour nous documenter. Je (Gilles) n’ai pas eu la chance de rencontrer des groupes ou des personnes spécialisés sur le sujet, sinon sur des aspects très spécifiques (orphelinat pour garçons et autisme – qui touche principalement les garçons). Par ailleurs, j’ai pu trouver quelques références intéressantes. Ces quelques réflexions ne reflètent que ce qu’on a pu comprendre en l’espace d’un temps limité (deux semaines), avec un nombre limité de personnes et selon notre regard de personnes qui viennent de l’Occident. Nous arrêtons là pour les précisions des nuances puisque les mêmes commentaires que pour les sections précédentes s’appliquent. J’ (Gilles) utilise le « nous » parce que Jeanne-Mance relie, commente et enrichit aussi cette section. Sa participation à la construction de cette réflexion sur les réalités masculines dans le monde est très appréciable. C’est toujours riche de confronter son point de vue, particulièrement avec quelqu’un avec qui je partage non seulement ma vie mais aussi la même profession et aussi un certain nombre de convictions.
Il faut sans doute comprendre les réalités masculines au Japon en tenant compte de l’histoire. Tamura (2001) indique qu’avant et pendant la guerre, la société japonaise était structurée de manière très hiérarchique avec l’empereur au sommet de la hiérarchie que tous devaient écouter au doigt et à l’œil et les familles basées sur une division des rôles selon le genre mais aussi sous l’autorité de l’homme senior de la maison appelé « maître » ou encore « chef de famille ». Après la guerre, nous dit-il, le pays s’est transformé en démocratie mais plusieurs des anciennes règles ont perduré. Ainsi, les hommes se devaient de se serrer les coudes pour reconstruire l’économie et notamment par une fidélité pratiquement absolue à l’entreprise y mettant de nombreuses heures de travail et une productivité à toute épreuve pendant que les femmes, de leur côté, portaient seules la responsabilité de la maisonnée et donc de l’éducation des enfants et le soutien aux parents âgés. Ainsi, les Japonais ont appris à passer de nombreuses heures avec les collègues (travail, activités sociales, etc.) et très peu avec leurs familles. Les activités en dehors des heures usuelles de travail deviennent une autre occasion de cimenter les relations de travail, de faire en sorte que l’entreprise devienne une « grande famille ». En contrepartie, cela signifie que les hommes, dans cette formule, demeurent en périphérie de la famille, le parent principal étant nettement la mère, mais, comme le souligne Tamura, ils se doivent de demeurer les « chefs de famille ».
Par ailleurs, il faut aussi comprendre que, dans la culture japonaise, la dépendance et l’autonomie ne se conçoivent pas comme dans nos visions occidentales. Par exemple, contrairement aux valeurs occidentales, la dépendance est perçue comme « normale » et trop d’autonomie gêne. Si on place cela dans un contexte d’entreprise, on peut très bien comprendre. C’est la base d’un bon travail d’équipe, ce qui permet de construire une équipe solide : beaucoup d’interdépendance où chacun peut jouer un rôle complémentaire en lien avec ses collègues. C’est la base du développement économique du Japon. La famille est alors conçue sur le même modèle (Tamura, 2001). Les enfants par exemple dorment dans la même chambre que leurs parents jusqu’à 12 ans environ, ce qui, selon le modèle japonais, permet de créer un sentiment de sécurité solide. Nous sommes loin de la grande valorisation de la séparation et de l’autonomie si chère en Occident. Il faut aussi souligner que le Bouddhisme met l’accent sur le rôle de la mère et non celui du père. Le lien de soutien, d’affection et de soins est avec la mère alors que le père représente l’autorité.
Dans la vision traditionnelle, lorsqu’un couple se marie, les conjoints décident avec leurs parents où ils iront demeurer. Si l’homme va demeurer chez les parents de sa conjointe, il prend alors le nom de celle-ci et appartient maintenant à ce « clan » familial alors que si c’est l’inverse (ce qui est semble-t-il plus courant), c’est alors la femme qui prend le nom de sa belle-famille et en devient pleinement membre. On s’attend aussi que les enfants prennent en charge leurs parents âgés, c’est normalement le cas du couple qui a décidé de vivre chez les parents.
Aujourd’hui, les femmes sont davantage présentes sur le marché du travail et revendiquent leurs droits. Cependant, même si sur papier les femmes ont autant de droits que les hommes au Japon (de voter, d’être propriétaires, de recevoir une éducation de premier degré, de divorcer, de se porter candidates aux élections, etc.), en pratique, de nombreux obstacles demeurent. Notamment, les écarts de salaires entre les hommes et les femmes demeurent importants. Une enquête de 2001 rapporte que 63,4% des femmes (comparativement à 14,9% des hommes) gagnent 3 000 000 Yens (environ 28 000$ CAN) par année ou moins et à l’extrémité supérieure, 3,2% de femmes (comparativement à 24,2% des hommes) gagnent plus de 7 000 000 Yens (environ 65 000$ CAD). Il faut bien sûr mettre des données en perspective du fait que les hommes passent généralement beaucoup plus d’heures au travail. Ainsi, la même enquête rapporte qu’à 30 ans, 22,7% des hommes passent plus de 60 heures par semaine au travail. Aussi, l’accession des femmes aux postes de promotion et de direction demeure très limitée. La hiérarchie est conçue selon un modèle masculin. Cela comporte aussi des désavantages importants pour les hommes, notamment on note un taux important de problèmes cardiaques chez les hommes qui travaillent 60 heures et plus par semaine (Liu, 2000). Cependant, Tamura (2001) rapporte que la crise économique des années 90 a amené plusieurs hommes à questionner cet idéal et à investir davantage la vie familiale. Ces pères sont alors, selon lui, en recherche de modèles tentant souvent d’être des « amis » des enfants plutôt que leurs pères, ce qui occasionnerait d’autres problèmes.
Sur un autre plan, la violence conjugale représente un dossier relativement nouveau ici. Une loi a été établie il y a un peu plus de cinq ans (en 2002) afin d’éliminer la violence conjugale et des ressources ont été mises en place depuis. Le nombre d’hommes arrêtés pour violence conjugale augmente depuis 2000 selon une enquête nationale, mais cela est un peu compréhensible du fait que la loi est de plus en plus connue et utilisée pour protéger les victimes. Selon une enquête de 1999, le taux de femmes qui rapportent avoir perçu que leur sécurité était menacée était de 4,6%. Le rapport que j’ai lu ne précisait pas les critères utilisés, mais selon la terminologie, on pense plus à une violence physique que psychologique, ce qui donne un taux comparable, sinon inférieur, à ce qui est noté dans plusieurs pays occidentaux (encore une fois, il faut être prudents compte tenu qu’on ne connaît pas les critères utilisés). Il faut dire aussi que l’éducation reçue est le plus souvent très stricte, comme nous l’ont indiqué plusieurs personnes. Règles et discipline très strictes peuvent, on s’en doute, mener parfois à des dérapages.
Le même rapport de 2001 sur la question de l’égalité rapporte une recherche auprès de parents d’enfants de 4e jusqu’à la 9e année scolaire sur leurs attentes envers leurs enfants. Ainsi, les parents (pères et mères) espèrent que leurs fils aient un bon sens des responsabilités, qu’ils soient capables de planification, de faire les choses par eux-mêmes et fassent preuve de patience alors que pour leurs filles, ils espèrent qu’elles soient polies, coopératives, qu’elles aient le sens de la valeur de l’argent et des choses. Autrement dit, que les garçons puissent bien s’inscrire sur le plan social et que les filles développent leurs qualités émotionnelles. Ce n’est donc pas si différent de ce que les enquêtes dans certains pays occidentaux rapportent.
Par ailleurs, un peu comme pour la situation des femmes, les réalités des gays, des bisexuels, des transgenres et des transsexuels commencent à être plus connues au Japon. Un peu comme dans les autres pays asiatiques, lorsque l’on parle d’homosexualité avec les gens, on retrouve un mélange de tous ces genres alors que les gens font référence parfois aux relations sexuelles entre hommes, parfois aux transsexuels, transgenres et travestis. Par ailleurs, la vision de ces questions en Asie en général, tout comme au Japon en particulier, est fort différente de la vision occidentale où on parle d’identités (homosexuelle, transgenre, etc.) (McLelland, 2000). À certains égards, les multiples formes de ces vécus sont relativement imbriqués dans la société en autant que cela demeure « discret ». Par exemple, le terme « asobi » est utilisé pour parler de ce qu’on pourrait appeler « jeux homosexuels », qui, dans la vision asiatique n’a rien à voir avec une « identité homosexuelle » comme il est souvent question en Occident. Plus encore, dans son article McLelland fait ressortir que les magazines pour jeunes femmes présentent en quelque sorte le modèle androgyne (beaux jeunes hommes plutôt « efféminés » qui peuvent être ou non en amour les uns avec les autres dans ces romans) comme un idéal-type. McLelland cite notamment une revue féminine et deux films populaires qui présentent l’union d’un homme gai avec une femme hétérosexuelle comme une relation idéale, les hommes gais japonais étant identifiés dans ces médias comme partageant davantage les tâches domestiques, plus ouverts, plus « doux », mieux habillés que les hommes hétérosexuels. Par ailleurs, ces représentations de l’homosexualité dans les revues féminines diffèrent, nous dit Mclelland, des médias en général (mainstream) qui auraient tendance à se moquer des gais. Cependant, il n’en demeure pas moins que ces feuilletons féminins exercent sans doute des pressions pour que les choses changent chez les hommes hétérosexuels. On peut comprendre alors pourquoi le phénomène « métrosexuel » prend aussi de l’ampleur, semble-t-il, au Japon alors que des jeunes hommes investissent des fortunes dans leur présentation (habillement, coupes de cheveux, etc.) (McCraken, 2003). Cela crée aussi une pression sur les hommes en général qui, comme on a pu voir dans le train ou le métro au centre-ville, investissent pour des complets très chics, souliers bien vernis comme s’ils étaient tous neufs, coupes de cheveux soignées, etc.
Sur le plan de la santé des hommes, outre les problèmes cardiaques reliés au surtravail, l’écart entre l’espérance de vie des hommes et celui des femmes était de 6,9 ans en 2002, un écart qui ne cesse de s’accentuer depuis les années 60 (Yamada & Izumi, 2003), contrairement à la tendance au Canada et au Québec (Statistique Canada, 2006). De plus, le Japon rapporte un haut taux de suicide, avec une moyenne de 27 par 100 000 de population en 2003, soit 40,1 chez les hommes et 14,5 chez les femmes, selon la National Police Agency (Ueno, 2005), juste derrière la Latvie, l’Estonie, la Lithuanie, la Russie, la Hongrie et la Slovénie qui ont des taux se rapprochant de 30 par 100 000 habitants. Selon la World Health Organization (dans Goerzen, 2003), ce sont surtout des hommes de 40 à 65 ans, particulièrement ceux entre 55-59 ans (Ueno, 2005) qui se suicident au Japon, ces hommes sentent, selon ce rapport, qu’ils déshonorent le nom de leur famille souvent parce qu’ils se retrouvent sans emploi (Goerzen, 2003). La perte d’un emploi après plusieurs années de fidélité à une entreprise est aussi rapportée comme l’une des principaux facteurs de risque de suicide chez les hommes. Cela même si le Japon a l’un des taux de chômage les plus bas des pays développés. Ainsi, devant des difficultés financières importantes, ces hommes tenteraient de sauver la situation de la famille en procurant les sommes reliées à leurs assurances vie (Ueno, 2005). Cette sociologue, montre que le suicide s’inscrit aussi dans une tradition japonaise comme moyen de « sauver l’honneur de la famille » et dans ce sens, nous dit-elle, il s’inscrit comme un suicide altruiste au sens de Durkheim, contrairement au suicide dit égoïste que l’on retrouve dans nos sociétés occidentales. Par ailleurs, on explique mal le fait que le taux de cancer de la prostate soit moindre chez les Japonais et les Chinois que chez les Occidentaux, d’autant plus que lorsque ces hommes émigrent vers l’Ouest, le taux de cancer de la prostate augmente. Certains scientistes pensent que le haut taux de cholestérol dans l’alimentation occidentale et l’usage important du soya en Orient y serait pour quelque chose (University Health Care).

Il nous reste à remercier très sincèrement tous ceux et celles qui ont contribué à faire en sorte que notre séjour au Japon ait été aussi agréable. Bien sûr, nous tenons à remercier en particulier Takashi Fujioka, dont nous avons pu apprécier non seulement le professionnalisme mais aussi ses grandes qualités humaines. Merci aussi à sa famille et en particulier à Shiki, sa conjointe et notre hôtesse, responsable du Guest House. Merci aux deux groupes d’étudiants et étudiantes que nous avons rencontrés. Merci aux professionnels, professionnelles et cadres des trois organismes que nous avons visités qui nous ont permis de comprendre mieux les services aux enfants du Japon. Merci aussi au Japan College of Social Work pour nous avoir permis de loger au Guest House de l’université. Enfin, merci à Hiroto de Kyoto qui nous a si gentiment conseillés et accueillis dans son B&B.

Références
Goerzen, M. (2003). Suicide : Japan Growing Nightmare. The Foreigner Japan, disponible sur Internet à http://www.theforeigner-japan.com/archives/200304/news.htm.
Lonely Planet, (2007) Japan
Liu, Y. (2000). Men’s Health – Long Hours, Little Sleep Hard on a Guy’s Heart. Occupational and Environmental Medecine. Résumé disponible sur Health Topic Contact, University of Virginia.
FY2001 Annual Report on the State of Formation of a Gender Equal Society and Policies to be implemented in FY2002 to Promote the Formation of a Gender-Equal Society - Outline. Disponible sur Internet à www.gender.go.jp/whitepaper/info2002.pdf.
McCraken, M. (2003). Young Japanese men pay big bucks for vanity – The pulse: the word on the street from heart of Tokyo. BNet Research Center. CNet Network. Disponible sur Internet à : BNetwork.com.
McLelland, M. (2000). Male Homosexuality and Popular Culture in Modern Japan. Intersections, Murdoch University. Disponible en ligne à :
http://wwwsshe.murdoch.edu.au/intersections/issue3/mclelland2.html.
Tamura, T. (2001). The development of family therapy and the experience of fatherhood in Japanese context. Papier présenté aux 13th International Family Therapy Congress, Porto Alegre, Brazil.
Ueno, K. (2005). Suicide as Japan’s major export? A note on Japanese Suicide Culture. Revista Espaço Acadêmico, (44). Disponible sur Internet à
http://www.espacoacademico.com.br/044/44eueno_ing.htm.
University Health care (non daté). Men’s Health – Prostate Cancer. Disponible sur Internet à : http://healthcare.utah.edu/healthinfo/adult/men/procan.htm.
Yamada, Y. & Izumi, T. (2003). Aging in Japan. Japan Aging Research Center. Disponible sur Internet : http://www.jarc.net/aging/03oct/page2.shtml.