mercredi 10 octobre 2007

Septieme envoi : L'Australie et les hommes : un bilan personnel de fin de visite

7e envoi : Men’s Health Conference, Adelaide et petit bilan personnel apres 5 semaines d'echanges sur les realits masculines en Australie
2007-10-09
Dans cette partie, je (Gilles) désire partager mes réflexions sur les réalités masculines en Australie. L’envoi suivant permettra de donner un aperçu de la toute dernière portion de la partie australienne, soit la visite à Uluru.
Nous avions fait coïncider le voyage en Australie avec le 7th National Men’s Health Conference qui se tenait cette année à Adelaide. Deux autres colloques s’étaient ajoutés en concordance : l’un sur les hommes autochtones (2 jours) et l’autre Men and Family (1 jour), ce dernier auquel j’ai aussi assisté. Environ 300 à 350 personnes, moitié hommes, moitié femmes, y participaient et le tiers (environ) s’est retrouvé ensuite au colloque sur la santé des hommes auquel participaient aussi environ 300 à 350 personnes, dont environ 65% des hommes. Il semble que le colloque sur les hommes autochtones a été aussi un grand succès. Cependant, dans ce cas, il n’y avait aucune femme, les autochtones ayant un fonctionnement très différent sur ce point. b
J’ai eu la chance d’être l’un des trois conférenciers internationaux invités, à côté de Steve Robinson de l’Angleterre et Miles Groth des États-Unis. Je dois dire que c’est l’un des plus beaux colloques auquel j’ai participé. Un peu comme le colloque que nous (l’équipe Hommes, violence et changements) avions organisé en 2002, les deux colloques (Men and Family et Men’s Health) réunissaient des chercheurs, des agents des ministères et des intervenants de différentes disciplines, le tout dans une atmosphère conviviale. On y retrouvait des présentations de diverses tendances sur le plan idéologique, exception faite des extrémistes (antiféministes et proféministes radicaux) qui n’étaient pas présents, du moins dans ce que j’ai pu voir.
Les Australiens aimeraient bien obtenir une politique sur la santé des hommes comme il y a depuis plusieurs années sur la santé des femmes. Il s’agit pour eux d’une grande revendication. Selon leur point de vue, cela permettrait de donner un sens commun aux fort intéressantes initiatives qui ont place tout en assurant une certaine pérennité. Il y a en effet de grandes initiatives fort intéressantes, notamment Beyond Blues, une ONG qui fait de la sensibilisation sur la dépression avec un volet spécifique sur les hommes, dont les fermiers ; Partnership Australia, qui offre de la sensibilisation et du soutien aux familles avec un volet spécifique pour les hommes dont les hommes aux comportements violents, mais aussi toute une panoplie de brochures et d’ateliers pour soutenir les hommes en processus de séparation et un programme spécifique Staying Connected favorisant le maintien de l’engagement paternel après la séparation ; une équipe aussi qui travaille sur le dépistage et l’information concernant le cancer de la prostate ; et j’en oublie. À chaque fois, on sent un travail spécifique pour ajuster le vocabulaire, rejoindre les hommes là où ils sont, etc. Il y a même des cliniques de dépistage qui sont organisées lors de grands évènements qui regroupent principalement des hommes comme les ralliements de motocyclistes, et bien sûr dans les entreprises et les centres sportifs.
Tout comme au Canada, le gouvernement en place est un gouvernement conservateur qui applique sensiblement les mêmes lignes de conduite que chez nous avec, me dit-on, des réductions dans les programmes publics et des mesures pro-entreprises. Les ententes avec les entreprises du charbon ont priorité sur la protection de l’environnement de telle sorte que l’énergie éolienne et celle des marées sont, semble-t-il, très peu utilisées même si l’Australie en est très pourvue. De plus, on se rappelle que le gouvernement australien s’est rangé du côté du gouvernement américain dans la guerre en Iraq. Cette position pro-gouvernement Bush fait réagir plusieurs personnes qu’on a rencontrées.
Pour revenir aux réalités masculines, en même temps que les Australiens sont très critiques, sans doute avec raison, par rapport à l’attitude du gouvernement en la matière, les trois conférenciers étrangers, nous avons souligné comment les Australiens sont à l’avant-garde sur le plan international et nous les avons remerciés de leur apport important. Lors de la table ronde, je faisais l’analogie suivante : le dossier de la santé des hommes en sans doute encore dans son enfance en Australie, je dirais la fin de l’enfance, alors que chez nous, le dossier vient à peine de naître et lutte encore pour sa survie. Les Américains en sont probablement à l’étape de l’apprentissage de la marche, juste un peu en avant de nous.
« Que dire de plus sur les réalités des hommes en Australie ? », me demanderez-vous.Cela demeure les idées de quelqu’un de l’extérieur, car je n’ai vu qu’une partie seulement en cinq semaines, et bien sûr, mon point de vue est relatif aux personnes que j’ai pu rencontrées : lors des trois colloques auxquels j’ai participé, les chercheurs avec lesquels je me suis entretenu, les groupes que j’ai visités (4), les professionnels avec qui j’ai eu l’opportunité d’échanger et aussi, les familles chez qui nous avons eu la chance de demeurer (6). L’Australie est un grand pays, presqu’aussi grand que le Canada. Les réalités sont différentes d’un état à l’autre mais aussi selon la ville et la campagne, de même que selon le groupe social d’appartenance. Notamment, l’Australie subit une vague de sècheresse depuis sept ans, ce qui rend la réalité très difficile pour les fermiers qui sont parfois désespérés. Par ailleurs, l’Australie est comme une très grande île, un peu isolée du reste de la planète. On sent chez eux un sentiment d’appartenance important, un désir aussi de bien marquer leurs différences avec les Européens et les Américains et un besoin de développer leurs propres corpus. De plus, on y retrouve une convivialité fort intéressante avec un sens de la communauté très développé, ce qui s’est perdu en Europe, aux USA et de plus en plus chez nous au Québec. La famille demeure une valeur importante, notamment avec un ratio de 2,5 enfants par femme, ce qui est un enfant de plus que chez nous. On a rencontré des familles, ou des pères, qui ont 4, 5 6 et même 7 enfants, ce qui est très rare au Québec, mais semble l’être moins ici. Enfin, la population est principalement regroupée tout autour de l’Australie, près de la mer. Cela donne une population fortement « easy-going » : travailler fort, oui, mais se garder du bon temps, notamment avec les amis, ne pas trop s’en faire pour des riens, bref, une population qui semble moins stressée que chez nous.
En matière d’égalité, l’Australie, comme le Québec, a connu aussi une grande vague et d’importantes avancées avec le mouvement des femmes. Comme chez nous, c’est l’égalité de droits et bien sûr, cela ne fait pas une égalité en tout dans la vie quotidienne. Dans les familles visitées, la situation ressemble beaucoup à chez nous. Dans plusieurs cas, on a retrouvé sensiblement le même genre de dynamique que dans notre couple ou chez nos amis ou nos propres familles du Québec : la femme demeure le plus souvent la meilleure pour faire la cuisine de la maison, l’homme s’occupe de la vaisselle, l’homme est plus souvent celui qui fait les travaux de construction et la femme la décoration, bref des tâches parfois différentes mais dans un esprit de partage du pouvoir et des responsabilités. Les femmes travaillent et se retrouvent dans divers types d’emplois, comme chez nous. Cependant, le tabagisme et l’abus d’alcool semblent des problèmes plus importants ici, et comme on peut s’y attendre, chez les hommes en particulier. Il y a aussi des côtés plus sombres ; notamment, il semble que l’Australie ait un taux élevé de viols collectifs. La violence se retrouve aussi sur d’autres aspects, comme par exemple, lors de notre passage le journal rapportait une attaque sauvage d’un homme à la sortie d’un bar par trois footballeurs des Broncos. Bref, un pays où il se fait des choses très intéressantes mais où il reste encore beaucoup à faire.
Pour ce qui est de la réalité des gais, l’Australie reconnaît le principe d’égalité de droits et de non discrimination, mais concrètement le mariage gai n’est pas reconnu mais seulement un contrat civil. Lors de la conférence sur la santé des hommes, certains ateliers abordaient les réalités des gays, cela était le cas aussi lors de la conférence de Murray Drummond. Il semble que Sydney et Melbourne aient des communautés gays bien établies mais que la situation demeure plus difficile dans plusieurs régions (un peu comme on connaît au Québec), à l’exception de quelques endroits, dont les Blue Mountains où on retrouve, semble-t-il, avec une forte communauté gaie et lesbienne bien enracinée.
Par ailleurs, l’Australie est de plus en plus multiculturelle. On sent une fierté chez les gens rencontrés que leur société soit maintenant multiculturelle. Bien sûr, cela est davantage présent dans les grands centres comme Sydney et Melbourne, mais la tendance semble se développer aussi ailleurs. Le racisme semble peu présent et il semble y avoir beaucoup de liens entre les communautés. Plusieurs ont noté qu’ils adaptent les services en conséquence, notamment par des dépliants dans plusieurs langues. Certains projets spécifiques se mettent en place, notamment pour mieux rejoindre certaines communautés. Il faut noter aussi que l’Australie est un pays qui favorise beaucoup le tourisme, dont chez les jeunes, alors que l’on y retrouve un nombre impressionnant d’auberges de jeunesse de toutes sortes. Plusieurs ont noté un changement important depuis une quinzaine d’années en matière d’ouverture à l’immigration alors que d’autres rapportent qu’il demeure un fond de xénophobie dans la population derrière le premier contact chaleureux et poli.
Quant aux autochtones, ils forment environ 2% de la population, soit un taux comparable à la situation du Québec. Cependant, on retrouve plus de cent nations différentes, et contrairement à chez nous, les nations ne sont pas confinés à des réserves. La colonisation a eu comme effet ici de disperser les nations, de telle sorte que, pour certaines d’entre elles, la transmission de la culture demeure sérieusement difficile. Néanmoins, les autochtones demeurent fiers (et avec raison) de leurs traditions. L’art autochtone est magnifique. On a profité hier d’un excellent spectacle de didjeridu, ce célèbre instrument de musique autochtone. Dans certaines communautés, le modèle de lignée demeure matriarcal. On relève sensiblement le même genre de problèmes sociaux que parmi les communautés autochtones que Québec (alcool, violence conjugale, etc.). Par ailleurs, j’ai particulièrement apprécié de rencontrer des intervenants autochtones. Régulièrement, ils soulevaient la question des autochtones dans les ateliers, cherchant à identifier les points communs et les différences d’avec les Blancs, dans un esprit positif et qui permet de faire avancer les choses. Enfin, alors que les Australiens semblent fiers de se retrouver dans une société multiculturelle, la situation semble moins évidente du côté des autochtones qui rapportent vivre encore une discrimination importante. Heureusement, certaines grandes associations s’assurent qu’ils aient une place importante comme lors du colloque sur la santé des hommes. J’ai entre autres très aimé la présentation des intervenants du centre de santé pour hommes d’Alice Spring, de même que la visite de la Men’s Shed à laquelle est s’associé John MacDonald.
Pour ce qui est des hommes ages et des hommes avec limitation, le mouvement des Men's shed est sans aucun doute un excellent moyen pour reintegrer des hommes isoles et leur permettre de sentir leur place dans la societe actuelle. Ce mouvement se developpe rapidement depuis une dizaine d'annees par un travail benevole intense et beaucoup en partenariat. Cela eatnt dit, lors du colloque sur la sante des hommes, un jeune homme en fauteil roulant a note, avec justesse sans doute, que la conference n'avait pas aborde cet aspect et que le travail sur la sante des hommes gagnerait a integrer davantage les realites des hommes avec des limitations.
Sur le plan théorique, les écrits de Connell, très connus chez nous et un peu dans le monde, sont repris par certains mais aussi fortement critiqués par d’autres. J’ai eu l’impression que pour plusieurs, ce type de discours est assimilé à celui du « ugly male » ou du mâle toxique duquel les gens veulent se défaire. Notamment, il y a un consensus assez clair que le type de campagne de prévention de la violence conjugale (très semblable à ce que l’on a au Québec) doit changer pour aborder la question sous un autre angle. Notamment, un conférencier a présenté un exemple d’une campagne sur la violence conjugale qui partait du positif, c’est-à-dire la recherche de relations harmonieuses dans la famille et comment la violence peut être un frein à cela. Cela représente un changement important : s’appuyer sur la valeur sociale d’une famille qui fonctionne dans la complicité pour contrer la violence et non seulement dénoncer le « méchant batteur de femmes ». Bien sûr, je caricature quelque peu pour bien faire comprendre. Par ailleurs, faute d’assisse théorique solide, comme à certains égards la théorie de Connell peut offrir malgré ses limites (comme toute théorie), certaines campagnes de prévention m’apparaissent questionnables : en cherchant à rejoindre les hommes, parfois la campagne peut renforcer les stéréotypes de genre et cela peut nuire à long terme. Je prends pour exemples : « sois un homme! (et le reste du message), comme s’il y avait une seule manière d’être homme, dont on ne sait pas réellement laquelle mais laisse présager qu’il s’agit du modèle traditionnel ou encore, l’homme qui sauve son enfant alors que sa conjointe est en panique, qui, sans le vouloir sans doute, présente l’homme comme le sauveur et la femme comme l’hystérique. À cet effet, la recherche d’une politique sur la santé des hommes devrait pouvoir asseoir les interventions sur des bases plus solides. J’avoue que j’ai été aussi très déçu de la première d’un film réalisé ici sur ce qui se passe dans un groupe d’hommes : selon moi, le contenu laisse à désirer. Sincèrement, selon moi, les deux films québécois Ni rose ni bleu et Le souffle du désert sont nettement meilleurs et de loin. On pourrait inspirer les Australiens sur ce plan. Bref, il se fait un travail exceptionnel ici sur les réalités des hommes, extrêmement intéressant, mais la dimension « genre » n’est pas toujours au rendez-vous. C’est entre autres fort intéressant de voir comment diverses dimensions de la vie des hommes sont touchées : hommes âgés ou avec des limitations qui sont plus isolés, les hommes aidants naturels, le travail dans les entreprises qui emploient majoritairement des hommes, les pères, les hommes aux comportements violents, les autochtones, les immigrants, etc. Bref, les hommes dans leur globalité, le plus souvent en lien avec la famille et la communauté. C’est sans aucun doute ce que je retiens le plus. Enfin, plusieurs insistent aussi sur la nécessité d’honorer les bons coups réalisés par des hommes et non seulement les présenter comme les violents ou encore ceux qui courent des risques inutiles. Cela ressemble beaucoup à ce qu’AutoHommie tente de faire lors de ses grandes conférences et déjeuners-bénéfices : présenter des hommes qui ont réalisé des choses intéressantes, qui ont su se surpasser ou lutter pour un monde meilleur.
Sur un plan plus personnel, les rencontres avec tout ce beau monde ont été extrêmement riches. Cela m’aide énormément à nuancer mon point de vue, le raffiner davantage. J’ai aussi l’impression d’avoir développé des liens qui vont durer dans le temps. J’ai rencontré des hommes et des femmes de cœur. Les présentations que j’ai faites à ce jour (3) sur notre modèle d’intervention ont suscité beaucoup d’intérêt à chaque fois. Plus que jamais, je suis persuadé qu’on a réussi à écrire un article fort utile. C’est un modèle d’intervention qui fait école, du moins dans les pays occidentaux. Les échanges avec les professionnel-les et les étudiant-es en service social ressemblaient beaucoup à ceux que nous avons lors des formations que l’on donne au Québec. Ils et elles semblent se débattre avec à peu près les mêmes problèmes, avec autant d’intérêt que chez nous. De plus, Jeanne-Mance, « my lovely wife » comme me disaient certaines personnes, s’est jointe par la force des choses à diverses discussions. J’ai beaucoup apprécié aussi entendre son point de vue alors que l’on ne discute pas tant que cela de ces choses à la maison. Enfin, ce qui est fort intéressant aussi lorsqu’on sort des débats idéologiques, c’est de sentir que nous travaillons ensemble, hommes et femmes, professionnels et chercheurs, de divers pays, pour un monde meilleur. Ça, c’est un très bon « feeling »! Bref, j’ai l’impression que je vais m’ennuyer de l’Australie. C’est comme si en quelques semaines on a réussi à y faire un petit nid et un début de réseau social. Il y a des moments forts qui resteront marqués longtemps. Enfin, je termine cette section en remerciant particulièrement John MacDonald. C’est sans doute avec lui que j’ai eu le plus de chance d’échanger sir le plan professionnel, mais aussi sur le plan personnel. C’est un grand homme de cœur que j’admire énormément. Merci John! Merci aussi à tous ceux et celles qui ont bien voulu partager leurs idées, leurs points de vue, leur travail ou encore leur vie quotidienne avec nous, en toute simplicité et avec toute leur générosité. Merci à Bob Pease et à l’équipe de Deakin University, merci à l’équipe de professeures de l’University of Newcastle, merci à l’équipe du Men’s resources and information centre de lUniversity of Western Sydney, merci à Ian et Jane, Howard et Irene, Jennie et Collin, Brian, Kathyn et les enfants, Katie, John Byrne, Terry Melvin, Rohan et Mira, merci à notre guide d’Ayers Rock, Dominic et à tous ceux et celles que j’oublie avec qui on a pu partager en cours de route.
Enfin, Adelaide est aussi une belle ville avec un musee interessant et une superbe galerie d'art dont l'entree, dans les deux cas, est gratuite. Jeanne-Mance a aussi profite du jardin botanique dont vous pouvez admirer quelques photos.
On devrait mettre en ligne sous peu la section sur Uluru qui termine la portion australienne du voyage.
Au plaisir de lire vos commentaires et reactions.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis fière de Toi Gilles,comme beau frère,et comme représentant de notre beau Canada..Toujours très interressant a lire...Fèlicitation,,,,xxxxxJ Mance