dimanche 28 octobre 2007

Auckland - Nouvelle-Zelande

9e envoi : Nouvelle-Zélande – Première partie

Le 10 octobre, nous avons quitté l’Australie à partir de Melbourne pour arriver à Auckland en fin d’après-midi avec trois heures de décalage (+). À l’arrivée aux douanes, nos sacs ont été inspectés, particulièrement nos souliers, puisque nous avions campé dans le désert (Ayers Rock). Heureusement, nous étions informés que les autorités néozélandaises vérifiaient attentivement la propreté, surtout lorsque les gens ont fait du camping. Donc la veille de notre arrivée, nous avons lavé tout notre linge, notre sac a dos et surtout nos espadrilles. Il faut dire que la Nouvelle-Zélande est aux prises avec un problème sérieux de vache folle et que de nombreuses précautions sont prises pour éradiquer le problème.
Les deux premiers jours se sont passés à Devonport (banlieue nord d’Auckland) au B&B de Peter Goldsbury, un ami d’Andrée Mathieu du Québec, que nous remercions d’ailleurs de cette excellente recommandation. En plus de bien s’occuper de son gîte, Peter est un consultant en gestion. Il a développé une approche de gestion fort intéressante basée sur la spiritualité autochtone. Il forme des enseignants et des directions d’école aussi bien que des gestionnaires de toutes sortes à cette approche. Il a de nombreux contacts et amis parmi les Maoris. Avec une agréable gentillesse, il nous a offert de souper avec lui le premier soir, ce que nous avons fortement apprécié compte-tenu que nous étions un peu fatigués, qu’il pleuvait et faisait froid et en plus, nous n’avions aucune idée où se trouvaient les restaurants dans ce quartier de la ville. Cela nous a permis déjà de le connaître un peu plus. Puis le lendemain, il a organisé un souper (excellent d’ailleurs) en invitant des gens qu’il connaît qui pourraient être intéressés à discuter des réalités masculines. Comme c’était un peu à la dernière minute, un seul a pu venir, Ian Leader, qui est responsable des liens entre la Faculté de technologies et la communauté. Les échanges autour de la table ont été fort intéressants, Ian étant tout aussi sympathique que Peter. De plus, Peter nous a aussi donné plein de contacts parmi ses amis Maoris à Raglan et Whirenaki. Malheureusement, le temps nous a manqué pour rencontrer tout ce beau monde.
Le vendredi, rencontre avec Denis Bunbury de Mensline Auckland. Visite des lieux et discussion sur le service. Mensline est un des services de Lifeline qui a aussi une ligne pour les jeunes (Kidsline) et des services aussi pour des minorités ethniques comme Asianline. C’est la ligne d’écoute et de crise, un peu comme on a au Québec. Cependant, Mensline signifie qu’il y a une ligne spéciale pour les hommes pouvant avoir accès à un homme intervenant spécialement formé. Le service est le soir seulement et en d’autres temps, la ligne bascule vers Lifeline. De plus, il y a suivi à court terme en face à face. Mensline a aussi été impliqué dans une campagne nationale contre la violence conjugale. C’est un très petit service comparé à Mensline d’Australie, mais bien structuré. Il est clair que le gouvernement néozélandais n’investit pas les mêmes sommes dans les services aux hommes que le gouvernement australien. Cela ressemble plus à la situation au Québec où les organismes doivent se débrouiller pour trouver des fonds un peu partout pour survivre.
Puis nous sommes demeurés une semaine chez Warwick Pudney et sa conjointe Josie. Lorsque j’(Gilles) avais fait les premiers contacts avec des groupes d’hommes, on m’avait référé à Warwick me signifiant qu’il était sans doute le seul chercheur néozélandais sur les réalités masculines. Professeur de psychothérapie, tout comme sa conjointe Josie, non seulement il fait de la recherche sur le sujet mais il est très impliqué personnellement. Il a notamment mis sur pied un centre de soutien pour les hommes qui s’appelle Man Alive et il anime lui-même un groupe de soutien dont je parlerai plus loin.
On a passé avec Warwick et Josie des moments superbes où on a senti rapidement qu’une belle complicité s’était installée entre nos deux couples. Le samedi, ils nous ont conduits au marché polynésien en banlieue d’Auckland et ensuite dans les montagnes où on a pu admirer des beaux paysages. Le dimanche, nous avons eu un Kiwi BBQ – les Néozélandais se surnomment Kiwis, du nom de l’oiseau fétiche du pays - avec une douzaine de personnes les plus impliquées en intervention auprès des hommes :(s’il avait fallu qu’une bombe tombe sur la maison, le leadership sur la condition masculine en Nouvelle-Zélande aurait été décimé…commentaire de Jeanne-Mance). Il y avait notamment un couple qui a développé un programme intéressant de prévention auprès des garçons turbulents dans les écoles primaires, un thérapeute spécialisé auprès des hommes abusés sexuellement dans l’enfance, Rex McCann qui dirige Essentially Men (cours – groupe - pour hommes qui désirent sortir des limites de la masculinité traditionnelle tout en honorant les hommes) et sa conjointe, un intervenant auprès des hommes aux comportements violents et j’en oublie. Plusieurs discussions informelles, puis au cours de la dernière heure, Warwick a animé une discussion plus formelle sur nos perceptions des réalités masculines.
Le mardi, j’ai eu la chance de participer au groupe qu’anime Warwick qui porte sur les relations, l’idée étant d’outiller ces hommes dans leurs relations interpersonnelles avant que la situation ne dégénère en violence. Il y avait là une douzaine d’hommes qui en étaient à leur quatrième rencontre. Les origines sont diverses : néozélandais, maoris, indiens, chinois et aussi d’autres immigrants, la plupart de classe moyenne, certains professionnels, d’autres ayant leur propre petite entreprise. Certains reçoivent une aide thérapeutique individuelle en plus du groupe ; deux ont même précisé que c’est le ou la thérapeute qui les avait référés au groupe. Warwick m’avait demandé de faire un bref exposé sur les hommes et la dépression, sachant que quelques uns du groupe vivaient une dépression en ce moment. Cela a amené particulièrement un membre du groupe à parler de sa dépression et comment il ne voit pas de solution actuellement. Il refuse toute médication mais demeure confiant dans l’avenir. C’était aussi bon de voir le soutien des autres membres du groupe. J’ai beaucoup aimé voir Warwick en action. C’est un très bon intervenant en groupe : il s’assure que tout le monde ait sa place, qu’il se sente soutenu tout en aidant le groupe à aller plus loin. Il peut être très confrontant mais on sent toujours le soutien derrière la confrontation. Pendant ce temps, nous, les filles, on est allées au cinéma. On a trouvé un film en français sous-titré anglais. Une comédie qui nous a fait bien rire Prête moi ta main. Enfin, le mercredi, il avait lieu un séminaire public sur le thème Does current counselling and therapy suit men? Le tout se passait dans les locaux de Man Alive ; Warwick espérait ainsi dépasser le nombre usuel de participants des conférences qui ont lieu à l’université. Son vœux a été plus qu’exaucé puisqu’il y avait une soixantaine de personnes en tout. La salle était bondée, on manquait de chaises. Le programme annoncé prévoyait que je parle une quinzaine de minutes, puis que d’autres leaders locaux - Rex McCann d’Essentially Men, Russell Whitters d’Integrated Drawing Therapy-Jungian approches, Peter Hubbard du Psychosynthesis Institute spécialisé auprès des clientèles masculines et enfin Warwick - prennent la parole et qu’il y ait une discussion plus générale. À partir des discussions que nous avions eues, je m’étais préparé en insistant sur trois points pour m’assurer de ne pas dépasser le temps prévu. Au bout des 15 minutes, une première vague de questions puis on m’avise que les gens qui sont là aimeraient que je continue un peu plus sur notre modèle d’intervention. Ainsi, j’ai repris mon matériel déjà présenté ailleurs pour une autre demi-heure environ suivi d’une deuxième période de questions. Par la suite, on a pris une pause et les autres conférenciers sont intervenus et une discussion plus générale s’est déroulée. Il semble qu’habituellement les néozélandais interviennent peu, mais ce soir là, les interventions fusaient. Une partie de la discussion a porté sur l’androgynie et la place du « principe masculin », discussion soulevee par un participant en particulier. Il semble y avoir chez certains néozélandais, un peu comme en Australie d’ailleurs, une certaine peur de déconstruire la masculinité traditionnelle, ou plutôt une recherche d’une sorte de masculinité qui serait universelle. Dans ma présentation, j’avais insisté sur l’importance de bien distinguer le sexe et le genre et sur l’importance de déconstruire la masculinité hégémonique, mais il semble bien que ce n’était pas suffisant ou du moins ne répondait pas suffisamment aux arguments associant sexe et genre comme deux éléments indissociables. Lorsque l’on parle d’éclater le genre pour y retrouver des masculinités, ou plutôt de reconnaître qu’il y a une multiplicité des masculinités, cela semble difficile. Loin d’y voir la fin d’une « camisole de force », pour reprendre l’expression de Pollack, et ouvrir des opportunités, cela semble plutôt générer une certaine peur, comme si on enlevait une partie de soi, une sécurité, comme si cela voulait dire que les hommes devaient, par exemple, se passer dorénavant du sport (le Rugby ici) pour ne prendre que des comportements socialement identifiés, selon les stéréotypes, aux femmes, comme étant féminins. Tout comme en Australie, et aussi au Québec, on retrouve de fiers défenseurs qui considèrent les différences entre les hommes et les femmes sur le plan physique - la configuration du cerveau, la testostérone, l’appareil génital – comme la base de différences psychologiques et sociales, comme une essence qui transcenderait tout velléité de changement des règles sociales actuelles. Pourtant, la grande psychanalyste française Bégouin-Guignard, paraphrasant De Beauvoir, disait : « On ne naît pas homme, on le devient ». Dans la vie quotidienne, les relations entre les hommes et les femmes ressemblent beaucoup à ce que l’on peut vivre au Québec. . Je comprends qu’il reste encore beaucoup à écrire pour bien le démontrer.
Enfin, les Néozélandaises et les Néozélandais sont particulièrement accueillants. Le travail sur les réalités masculines est émergeant et les initiatives fort intéressantes. On sent un vif intérêt, des gens passionnés et passionnants qui développent des services avec peu de moyens. Ce que je retiens le plus, c’est le dynamisme de ces personnes qui, avec très peu de moyens, que ce soit en pratique privée ou dans des organismes communautaires, réussissent à développer des services fort intéressants pour les hommes. On sent toute la force de ces pionniers. Je me sens chanceux d’avoir eu cette occasion inespérée d’en avoir rencontré plusieurs. J’en profite pour remercier particulièrement Warwick. J’ai vraiment eu la chance de côtoyer non seulement un bon chercheur mais aussi un excellent intervenant et un homme de cœur, passionné. On a eu la chance de développer une réelle complicité au cours de cette semaine et je l’en remercie fortement. J’espère sincèrement qu’on aura d’autres opportunités de travailler ensemble dans les années qui viennent. J’aimerais vraiment cela. Merci Warwick!

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