samedi 14 juin 2008

27e envoi: L'Angleterre, la multiculturelle

27e envoi : L’Angleterre : la multiculturelle

L’Angleterre est le 15e et dernier pays de notre périple. Nous avions d’abord pensé passer en Angleterre avant d’aller en France, cependant nous avons modifié cela après avoir contacté Steve Robertson, un collègue chercheur que j’ (Gilles) ai connu en Australie, qui nous apprenait qu’il changeait d’université et commencerait à la Leeds Metropolitan University au début de juin. Cela permettait donc de le rencontrer en même temps que Alan White dont j’avais entendu parler déjà. De plus, comme notre billet de retour partait de Londres, cela nous allait très bien de finir le voyage dans cette ville.
Nous sommes partis de Toulouse après deux heures de vol pour atterrir à Leeds. Depuis avril, nous parlions Français, arriver en Angleterre il nous a fallu se réhabituer à parler Anglais et à s’adapter à l’accent du pays. Les premiers jours ont été un peu difficiles sur ce plan. Mais au bout de deux ou trois jours, nous avions passablement repris le contrôle.
Un des premiers aspects qui a retenu notre attention, c’est la diversité culturelle de l’Angleterre. On y retrouve des communautés culturelles provenant de plusieurs pays du monde : Pakistan, Turquie, Pologne, Inde, pour n’en nommer que quelques uns. Selon les gens que nous avons rencontrés, ces communautés s’intègrent plutôt bien. Cela donne un cachet particulier à l’Angleterre. La communauté chinoise s’est développée un quartier bien à elle comme elle l’a fait au Québec et dans plusieurs autres villes. Bien sûr, Londres est de loin plus multiculturelle que les autres villes anglaises. Mais même à Leeds, on retrouve de nombreuses personnes issues de l’immigration, notamment en milieu universitaire. Un professeur nous racontait qu’il demande souvent aux étudiants étrangers pourquoi ils et elles choisissent l’Angleterre malgré certains aspects moins intéressants : « Why have you chosen to come in UK? The cost of living is expensive, it’s dirty, it’s wet, people are rude, why? » Et systématiquement, il reçoit la réponse : « But, it’s fun ». Ce ne sont pas que des étudiants qui arrivent mais des gens d’un peu partout. D’abord du Commonwealth, soit les anciennes colonies britanniques qui sont demeurées en lien avec la « mère-patrie » comme le Canada, mais aussi des pays plus pauvres d’Afrique et des Caraïbes avec des populations qui cherchent des conditions de vie plus avantageuses. C’est aussi le cas de pays d’Europe de l’est qui peuvent maintenant immigrer sans exigence de plus avec l’élargissement de la Communauté européenne. Comme la plupart de ces personnes doivent apprendre une nouvelle langue lorsqu’elles émigrent, plusieurs choisissent un pays où la langue d’usage est l’Anglais, soit une langue qui donne un accès beaucoup plus large par la suite comparativement à l’Allemand, au Français ou encore au Danois pour ne donner que quelques exemples. De plus, le marché de l’emploi demeure très bon en Angleterre, davantage par exemple qu’en France. Bref, beaucoup pour attirer les immigrants d’un peu partout.
Bien sûr, le climat est incertain, l’Angleterre étant sur une île, et selon que les vents proviennent du nord ou du sud, le climat peut changer rapidement. Nous avons eu droit à des belles journées de chaleur (24 à 26 C), mais aussi des journées froides pour ce temps-ci de l’année (13 à 16 C), avec de la pluie passagère ou même parfois un peu persistante. Par ailleurs, cela donne une végétation en pleine santé, radieuse.

Leeds
Encore là, nous avons connu des gens magnifiques, accueillants et nous avons découvert une ville charmante qui a environ la même dimension que Québec. Le dimanche de notre arrivée, nous avions rendez-vous avec Peter et sa conjointe Jane, en fait, pas seulement eux mais aussi avec la pluie. J’ (Gilles) ai connu Peter lors d’un congrès au Mexique il y a de cela 2 ans alors qu’il terminait son doctorat. Lorsque j’avais contacté Alan White, peu après je recevais un courriel de Peter me demandant s’il s’agissait du même Gilles Tremblay qu’il avait connu au Mexique. Il travaille maintenant à la Leeds Metropolitan University comme chercheur dans une équipe spécialisée sur la santé des hommes. Nous y reviendrons plus loin. Avec Peter et Jane, nous avons visité le National coal mining museum, une ancienne mine de charbon dont l’entrée est gratuite. C’est un ancien mineur qui nous servait de guide. Les mineurs y ont complété leur dernier horaire de travail en 1985 (pas si longtemps, quand même). Nous sommes descendus sous terre à 140 mètres de profondeur. C’est la première fois que nous entendions parler que des familles entières travaillaient dans une mine; pourtant ce n’est pas la première fois que nous en visitions. Le guide rapportait que des enfants de cinq ans passaient leurs journées dans le noir à surveiller l’ouverture et la fermeture des portes. Ils étaient attachés à la porte pour ne pas qu’ils se perdent ou se sauvent mais aussi pour retrouver facilement la porte à ouvrir. C’étaient les conditions de travail et de vie des familles ouvrières lors de la révolution industrielle. Quelles conditions de misère ! Par la suite, nous nous sommes rendus au Yorkshire sculpture park. Il s’agit d’une galerie d’art extérieure. On y retrouve plus de 40 sculptures à dimension humaine disposées un peu partout dans le parc, alors que d’autres œuvres sont situés dans des bâtiments prévus à cet effet. C’est ainsi que nous avons pu admirer des œuvres de Niger Hall, de Henry Moore et de Jonathan Borofsky, trois sculpteurs anglais bien connus. J’avoue que nous avons été impressionnés par quelques-unes d’elles. C’est magnifique cette idée de démocratiser la sculpture. Les familles y viennent prendre un pique-nique, l’entrée étant gratuite. Ce qui est également particulier de ce parc, c’est que les moutons, les canards s’y promènent partagent l’espace avec les sculptures et contribuent à donner à ce décor un joli coup d’œil.
Le lundi, nous attendaient Roger et Hannah qui sont membres de Servas et avec qui nous avons passé deux jours. Tous les deux travaillent à l’Université de Leeds en informatique, Roger comme professeur et directeur du département et Hannah comme chercheure sur l’intelligence artificielle. Elle est probablement une des rares femmes dans le monde à posséder une telle expertise. Elle est demandée dans beaucoup de pays pour des conférences.
Pendant que Gilles travaillait, Jeanne-Mance se plaisait à visiter la ville sous la pluie, une ville sous la pluie a quand même un certain charme n’est-ce pas ? J’ai vu la galerie d’art moderne où on y expose différentes collections de sculpture, dont des œuvres de Henry Moore, de peinture, des dessins, des bijoux, etc. Ensuite, je me suis rendue au Victoria Square, là où on retrouve des grands magasins comme Louis Vutton, Chanel, Gucchi pour ne nommer que ceux-là, mais attention, c’est très dispendieux. L’intérêt de ce lieu n’est certes pas de faire du magasinage (pour moi) mais d’y admirer l’architecture des bâtiments et de marcher dans cette rue piétonnière, très large, avec beaucoup de monde. Comme j’avais (Jeanne-Mance) proposé de cuisiner une entrée aux aubergines, nous sommes allés au Square market, tel que conseillé par Roger et Hannah, pour acheter tout le nécessaire. Ce marché est situé dans un vieil édifice dont malheureusement je ne connais pas la date de construction. D’ailleurs, dans ce marché on y retrouve de tout : de la petite culotte aux poissons frais.
Le mercredi, j’ (Gilles) étais attendu au Centre for men’s health de la Leeds Metropolitan University
(http://www.lmu.ac.uk/health/menshealth). Notons qu’Alan White est l'un des rares chercheurs à détenir un poste dédié spécifiquement à la santé des hommes. La chaire de recherche qu’il dirige comprend aussi Peter Branney et Steve Robertson et deux autres personnes. Un peu comme le centre dirigé par John MacDonald en Australie, ce centre dédié à la santé des hommes travaille non seulement à développer la recherche mais travaille aussi au transfert des connaissances auprès des professionnels de la santé et des hommes en général. L’avant-midi a passé à toute vitesse à échanger plein d’informations sur nos projets de recherche respectifs, sur des références et des textes. Il faut dire aussi qu’Alan est très impliqué au sein du forum européen sur la santé des hommes (http://www.emhf.org) et qu’il connaît pas mal tous les chercheurs qui travaillent sur ce thème en Europe. Puis, à l’heure du lunch, je présentais une petite conférence sur l’application de notre modèle en 10 points aux hommes abusés sexuellement dans leur enfance. Il n’y a avait pas foule en cette période-ci de l’année mais il y avait des professionnels qui travaillent auprès des hommes aux comportements violents et aussi en toxicomanie. Encore une fois, notre modèle a suscité beaucoup d’intérêt. Puis, Peter, Steve et moi sommes allés prendre le lunch ensemble dans un petit café coquet et nous avons continué nos échanges. J’ai tenté très fort de convaincre Steve de mettre Québec sur sa liste lors de son voyage d’étude au Canada l’été prochain. Bref, ce fût une journée des plus enrichissantes.
Le soir, nous étions invités pour le repas et le coucher chez Peter et Jane dans leur agréable maison qui date de plus de 250 ans. Pendant que Jane mettait la dernière main pour la préparation du repas, Peter nous a amenés visiter un endroit particulier tout près de chez lui : Surprise view. Effectivement, la vue sur la vallée est magnifique. En même temps se déroulait une compétition locale de course à pied. Nous avons pris quelques minutes pour encourager les marathoniens et les marathoniennes qui franchissaient le haut de l’immense escalier qui mène au sommet de la colline.

Liverpool
Liverpool, ce nom vous dit quelque chose ? Eh bien oui ! C’est la ville des Beatles, là où ils sont nés, ont grandi et ont commencé leur carrière. Depuis le début de mon séjour en Angleterre, je (Jeanne-Mance) me disais qu’on ne peut passer à côté de Liverpool et que je ne voulais pas rentrer au Québec avec le regret de ne pas y être allée. Après consultation du site officiel du bureau de l’information touristique, je découvre qu’on organise des activités autour des Beatles : musée de renommée mondiale sur l’histoire des Beatles, visite des maisons de l’enfance de John Lennon et de Paul Mc Cartney et aussi du Cavern Club. Mais quelque chose freinait mon ardeur. Gilles, pour sa part, travaillait cette journée, et je devais faire quatre heures de train (aller-retour), me retrouver seule dans cette ville inconnue et dont on disait que l’accent local était incompréhensible pour les étrangers et surtout que les deux jours précédents j’étais affectée par un mal de gorge et d’oreille. Je me posais même la question à savoir si ce n’est pas une folie ou un caprice de « jeune fille ». Jusqu’au matin même du départ, je n’étais pas certaine d’y aller. N’écoutant que mon courage et ma détermination, j’ai décidé de partir pour Liverpool sur les traces des Beatles le même jour où Gilles était occupé à l’université. Cette ville a été nommée Capitale européenne de la culture en 2008. Je me suis d’abord rendue visiter le musée The Beatles Story qui est situé sur le bord du canal dans un sous-sol d’un vieux bâtiment, probablement pour simuler le Cavern Club. Passer trois heures dans ce musée nous imprègne de la musique, de l’histoire, de la vie, des photos, des vidéos, des objets souvenirs – dont la première guitare de John Lennon - des Beatles et évidemment du talent de ce groupe. J’y ai même rencontré une dame qui les avait déjà vus…la chanceuse. Malheureusement, aucune photo n’est permise à l’intérieur du musée. Les commentaires audio sont dits par Julia Lennon, la sœur de John. Je doute fort que ce soit elle qui parle en français mais je lui laisse le bénéfice du doute. La visite se termine dans une salle toute blanche, piano blanc, tapis blanc, murs blancs et comme seul objet décoratif une photo de John Lennon sur le piano. On y entend la célèbre chanson « Imagine » et les paroles sont écrites sur le mur. C’est superbe ! Une seule ombre au tableau : au début, Julia Lennon parle des quatre gars en disant que John est le plus intelligent des quatre, que Paul est un gars sympathique et j’oublie les qualificatifs pour les deux autres. Personnellement, je trouve ce commentaire un peu déplacé et pas très gentil pour les trois autres. Je n’ai pu obtenir de billets pour la visite des maisons de John et Paul. Il m’aurait fallu attendre jusqu’à 17heures et cela m’aurait amenée trop tard à Leeds. Ce sera pour une autre fois ! Je vous conseille de réserver avant votre arrivée, car la demande est forte. Ensuite, je me suis rendue sur la rue Mathew au fameux Cavern Club. Les Beatles ont joué dans ce club 272 fois. J’imagine l’atmosphère dans ce club dans les années 60. Il faut descendre quatre étages pour se retrouver dans un sous-sol. Le Cavern Club a conservé ses senteurs de sueur, de cigarette, d’alcool, de sous-sol humide et de quelque chose d’autre…! D’ailleurs, dans le musée, cet espace est reproduit pour bien montré tout le symbole qu’il représente. Cet endroit est gardé intact même si aujourd’hui le Cavern Club est toujours un bar et non un endroit historique. La scène où ont joué les Beatles est encore là avec le même décor en arrière. La rue où il se trouve est commémorative de la naissance des Beatles : il y a un hôtel qui se nomme « Hard days night », des sculptures des Beatles longent la rue, des magasins vendent des souvenirs des Beatles. Bref, ça sent la Beatlesmania ! C’est ici que se termine ma journée à Liverpool, heureuse d’y être allée.

Londres
Le jeudi, nous sommes partis pour Londres en train. C’est aussi en pensant à notre fille Catherine que nous l’avons visitée alors qu’elle était venue dans cette ville en 2001. De manière générale, il a fait beau, un beau soleil la majorité du temps passé à Londres. Les premières journées se sont déroulées chez Chris et Fiona, un couple Servas, à Uxbridge en banlieue ouest de la ville. La première journée a passé en visites touristiques. Tout d’abord, le Buckingham Palace, la résidence officielle où se sont succédés les rois et reines de ce pays. Nous avons appris comment on peut savoir si la reine est présente dans le palais : Quand il y a le drapeau du Royaume Uni sur le toit du palais, c’est qu’elle est absente et quand c’est le drapeau royal, alors elle est au palais. C’est donc dire que tous les jours, il y a une personne qui monte ou descend le drapeau. Nous sommes arrivés juste à temps pour le changement de garde qui ne nous a pas impressionnés puisqu’il n’a rien d’exceptionnel. Ensuite, nous sommes passés par le Trafalgar Square qui commémore la grande bataille navale de 1805 contre les Français défaits par la Anglais sous la gouverne de Lord Nelson en l’honneur de qui une longue colonne de 170 pieds a été érigée. Par la suite, nous nous sommes dirigés vers la tour Big Ben avec son horloge de 23 pieds de diamètre et les aiguilles indiquant les minutes ont 14 pieds - que nous ne pouvons malheureusement pas gravir. La tour est intégrée au parlement et nous en avons profité pour assister à une séance de la Chambre des Communes où se discutait un projet de loi en deuxième lecture sur le droit de vote à 16 ans. À peine une dizaine de députés étaient présents. Il faut croire que ce projet de loi n’attire pas vraiment l’intérêt des parlementaires… Nous sommes arrêtés prendre des photos du Wesminster Abbey. Puis nous avons marché le long de La Tamise, ce fleuve qui est au centre de Londres. Ainsi, nous avons vu de proche le London Eye, la plus haute grande roue au monde construite pour le nouveau millénaire. À voir cette structure de 135 mètres de haut, cela ne nous a pas donné le goût de l’essayer. Chris et Fiona nous ont raconté leur plaisir d’identifier les différents édifices à partir d’en haut, mais il faut bien les connaître. Un de leurs amis, pour son anniversaire, avait réservé une bulle et y avait invité ses amis avec champagne et gâteau d’anniversaire. Cela doit être assez amusant de fêter ainsi ! Il faut dire que la bulle prend 45 minutes pour faire un tour complet. Dans leur cas, ils avaient eu droit à deux fois le tour complet soit une heure et demie. Puis nous nous sommes arrêtés juste en face voir l’exposition de Dali Universe, l’un des grands génies du vingtième siècle. Plus de 500 travaux font partie de l’exposition. Cette prestigieuse collection nous montre d’importantes sculptures, de rares graphiques, des bijoux et des meubles. Nous tenons à vous rappeler que Dali explore trois thèmes : Sensualité et féminité, Religion et mythologie et Rêves et fantaisie. Le soir, nous avons invité Maude McCloud que nous avions connue à Vientiane au Laos pour prendre le repas avec nous. Ceux et celles qui nous lisent régulièrement se souviendront de cette dame de 80 ans avec qui j’avais (Jeanne-Mance) passé une journée au Laos. C’était très agréable de la revoir. Elle vient de fêter ses 81 ans et elle est toujours en pleine forme.
Le lendemain matin départ pour une autre journée et une autre famille Servas, celle de Renée et de son fils Genessee. Renee est travailleuse sociale auprès des familles d’accueil. Nous avons eu donc d’intéressantes discussions sur le système de soutien aux enfants en besoin de protection et le soutien aux familles d’accueil. Notamment le programme de formation pour celles-ci prévoit tout un volet pour les pères d’accueil et pour les enfants biologiques des familles d’accueil. Son fils a treize ans et joue de la guitare. C’est une jeune assez "allumé" comme on dit au Québec. Avec elle, Genessee et un de ses amis, nous sommes allés à un festival dans un parc, une activité où les gens de Londres participent. Ce n’est pas touristique et nous aimons beaucoup ce genre d’activités. Cela nous permet de voir les manières de vivre des gens de la place : les relations parents-enfants, les relations de couple, les activités locales, etc… et en plus, il faisait super beau !
Le lundi, nous nous sommes dirigés vers l’auberge de jeunesse où nous logions dans le quartier SoHo. Alors que Gilles travaillait, Jeanne-Mance en a profité pour visiter la rue Oxford et y faire du « shopping » puisqu’il s’agit de l’un des lieux les plus prisés des Londonniens et Londonniennes pour magasiner. Le quartier Soho, rappelons-le, est un quartier très multiculturel, un peu alternatif, qui est un lieu prisé des artistes et des écrivains, possiblement le plus coloré de Londres, avec pleins de boutiques et de restaurants. On y retrouve aussi le Chinatown et le quartier gai.
À trois reprises au cours du voyage, on m’avait parlé de Fathers Direct, qui est devenu depuis février dernier le Fatherhood Institute (http://www.fatherhoodinstitute.org). C’est ainsi que j'ai (Gilles) rencontré Adrienne Burgess, l’une des permanentes de l’institut chargée notamment du volet recherche. Le groupe existe depuis une quinzaine d’années. Il travaille sur le développement de politiques sociales qui reconnaissent la place des pères. Ils sont sept permanents, sans local comme tel, fonctionnant à partir de leurs domiciles respectifs, certains demeurent dans des villes relativement éloignées, mais ils sont toujours en contact par courriel, téléphone ou autrement tout en se réservant une réunion d’une journée complète aux trois semaines. Le groupe a développé différents volets, bien sûr tout l’aspect politique pour lequel Adrienne souligne qu’ils ont remporté de bons succès, mais aussi un travail pour implanter les politiques, ce qui est beaucoup plus complexe. En ce sens, ils élaborent des outils de soutien pour les intervenants et intervenantes, notamment en périnatalité pour les sages-femmes, ou encore pour les travailleurs sociaux qui œuvrent auprès des délinquants, ou encore qui outils qui visent des clientèles spécifiques comme les pères issus de familles immigrantes des Caraïbes, les pères prisonniers, etc. Leurs outils sont particulièrement bien faits et à chaque fois, bien appuyés par des données probantes provenant de résultats de recherche à jour. Bref, nous avons eu une discussion d’une couple d’heures qui a été passionnante sur les pratiques québécoises et anglaises dans le domaine. J’ai aussi vu quelques minutes son mari qui participe à un groupe d’hommes (groupe de parole) du même type que le RHQ depuis 25 ans, ce qui représente sans doute un record de longévité pour un groupe du genre.
Ensuite, j’ai rencontré Mathew Hodson du Gay Men’s Health Centre (http://www.gmfa.org.uk). Ce groupe est né dans les années 90 dans la foulée du travail contre l’épidémie de SIDA. La prévention du VIH/SIDA demeure un volet important de leur travail mais en fait, le groupe a développé une approche plus globale de la problématique. Ils travaillent de manière plus générale sur la santé sexuelle mais aussi dans une approche qui favorise l’appropriation du pouvoir. Ils font un travail plus général de sensibilisation et de promotion, mais aussi un travail plus spécifique auprès de communautés plus à risque ou moins rejointes par les campagnes usuelles, par exemple les gais de certaines minorités ethniques. Par leurs interventions, ils touchent aussi les bisexuels, mais le groupe demeure largement centré sur les réalités homosexuelles. En fait, les années Tacher ont, semble-t-il, amené plusieurs reculs pour les droits des gais, ce qui a été corrigé par la suite au cours des années 90, mais la communauté gaie demeure vigilante et craint qu’un élargissement aux bisexuels - ou encore aux MSM comme on parle souvent dans le travail en prévention du VIH/SIDA pour parler des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes même si plusieurs ne s’identifient pas comme homosexuels – soit utilisé pour limiter le soutien aux organismes dédiés à la communauté homosexuelle.
Puis mardi, nous nous sommes ensuite retrouvés chez Joanna et Richard, un autre couple Servas. Ce sont deux professeurs d’université, Richard en informatique et Joanna en sciences humaines. Ils ont une grande maison dans le quartier Harringay, un autre quartier très multiculturel où on retrouve notamment beaucoup de personnes originaires de la Turquie. Dans le cadre de son travail, Joanna élabore des outils de formation. Elle travaille pour l’université à distance (Open University). Comme elle a une formation en histoire, elle a développé plus spécifiquement la méthode du conte (storytelling) qui amène les personnes concernées à raconter leur histoire de vie. Elle a notamment travaillé sur un cours portant sur le placement d’enfants pour les travailleurs sociaux en utilisant cette méthode où un jeune homme raconte son histoire de placement. Le deuxième soir, nous sommes allés manger dans un restaurant du quartier servant de la cuisine du sud de l’Inde : pas trop épicée et délicieuse.
Pour notre dernière grande journée à Londres, nous avons fait une autre série de visites touristiques. Nous avons probablement marché un bon cinq kilomètres autour de l’auberge de jeunesse et de la rue St-Paul. Nous avons visité d’abord la Cathédrale St-Paul, qui date de 1400 ans. Elle demeure l’un des joyaux de la ville. Elle a été témoin du mariage de Lady Dy et du prince Charles et du quatre-vingtième anniversaire de la reine Élizabeth II. Nous sommes passés ensuite par un lieu de commémoration des soldats morts en mer lors des deux grandes guerres. Vingt-quatre mille noms sont inscrits sur des grands murs. C’est comme un cimetière où le respect et le silence sont de mise. Puis la Tour de Londres, un monument historique important. Elle a eu plusieurs fonctions au cours des années : prison, forteresse, etc. Le billet d’entrée était très cher (une trentaine de dollars chacun), nous nous sommes donc contentés de la regarder de l’extérieur. Mais nous avons pris la visite du Tower-Bridge. Ce pont date de 1894. Son mécanisme est fort ingénieux car il permettait aux piétons de continuer de le traverser en utilisant la section supérieure lorsque la section du bas était levée pour laisser passer les bateaux. Nous sommes arrêtés au Tate Modern Museum, une immense galerie d’art moderne ouverte en 2000 avec des expositions permanentes et d’autres qui sont temporaires. Il s’agit d’un musée très réputé dont au moins trois personnes nous avaient dit de ne pas manquer. Après, nous sommes revenus à l’auberge de jeunesse en passant par le Pont du Millénaire, un pont piétonnier ouvert en 2000. Ce pont a été fermé peu après son ouverture jusqu’à ce que l’on remédie au défaut de fabrication décelé, ce qui a pris trois ans. Nous avons terminé la journée par une soirée au théâtre en nous rendant voir Les misérables, ce drame musical que nous n’avions pas vu au Québec.

Réalités masculines en Angleterre
Malheureusement, notre séjour en Angleterre a été très court (13 jours), sans doute un peu trop court. De plus, nous l’avons dit, l’Angleterre est sans aucun doute le plus multiculturel des pays que nous avons visités. De ce point de vue, il est clair que les réalités masculines sont très diversifiées ce qui complexifie l’image que l’on peut en dresser. Dans ce contexte, le rappel des limites de ce genre d’exercice demeure important.
Cela étant dit, nous allons quand même tenter de dresser quelques grandes lignes plus générales.
Bien sûr, pour nous Québécois et Québécoises, lorsque nous pensons à l’Angleterre, nous référons assez rapidement à la monarchie et aussi à la reine Élizabeth II. Jusqu’à un certain point, cela donne un premier aperçu de l’état de ce pays en matière de relation entre les genres. Bien avant Élizabeth II, il y a aussi eu la reine Victoria qui a fait sa marque, bien autant que bien des rois. Autrement dit, il y a là un premier symbole d’une vision égalitaire où une femme peut occuper un poste de premier plan. Parmi les pays industrialisés, l’Angleterre a sans doute été l’un des premiers à élire une femme à la tête du pays avec Margareth Tatcher. Certains disent que son règne a par ailleurs nui considérablement à l’avancement de la cause des femmes : les positions de son gouvernement conservateur ont ramené l’Angleterre en arrière en matière de lois sociales, notamment nous a-t-on dit, en ce qui concerne les droits des gais et lesbiennes, donnant ainsi une image négative des femmes au pouvoir. Il n’en demeure pas moins que, si d’un côté l’Angleterre, à certains égards du moins, a toujours eu ses solides défenseurs du conservatisme, d’un autre côté elle a aussi ses personnes qui représentaient des images très fortes de la remise en question de la masculinité traditionnelle. Déjà dans les années 60 et 70, même si cela n’était pas exprimé ainsi, les Beatles ont clairement bousculé le modèle aristocratique de l’homme. Par son habillement, son maquillage et son homosexualité connue de tous, Boy George a aussi marqué. Et nous pourrions en nommer plusieurs autres, plus ou moins adulés, mais qui ont tous connu une forme de célébrité marquant ainsi en quelque sorte l’acceptation par la population de la différence, notamment sur le plan de l’orientation sexuelle. Même Tony Blair lors de son entrée au pouvoir à l’époque avait noté l’importance qu’il accordait à sa vie de père, ce qu’on a rarement entendu de la bouche d’un politicien. En ce sens, on peut comprendre qu’on y retrouve un important organisme financé par l’État pour soutenir le travail auprès des pères. Des pressions sont faites pour et s’assurer que cette dimension soit présente.et pour adapter les politiques aux réalités des pères. Certes, beaucoup demeure à faire pour voir à l’implantation de tout cela et s’assurer du soutien aux intervenants et intervenantes pour y arriver. Il n’en demeure pas moins que le congé de paternité de 15 jours lors de la naissance d’un enfant est largement utilisé et plusieurs pères, semble-t-il considèrent qu’il n’est pas suffisant (April & Romero, 2008). Notons qu’en Angleterre aussi, l’organisme Fathers for Justice est très présent et fait des démonstrations publiques du type « Batman » comme on connaît bien au Québec. Cela oblige les autres organismes qui travaille au soutien et à la promotion de l’engagement paternel à constamment se démarquer pour ne pas soulever de réaction négative au sein de la population.
Bien sûr, cela ne signifie pas que l’égalité des genres soit acquise. Le taux d’emploi des femmes atteint 70%, soit un taux relativement près de celui des hommes (79%) si on compare à plusieurs autres pays. Cependant, les femmes occupent souvent des emplois moins bien rémunérés de telle sorte que pour des emplois à temps complet, elles gagnent encore 29% de moins de l’heure que les hommes (Watson, 2006). Un peu comme chez nous, les garçons réussissent moins bien à l’école de telle sorte que seulement 49% des garçons (59% des filles) obtiennent une cinquième secondaire (Watson, 2006), soit dans les deux cas, des taux inférieurs à ceux du Québec. Selon l’Office national de la statistique (2004), les différences entre les genres s’amenuisent considérablement au fil des ans, mais il n’en demeure pas moins des écarts comme ceux que nous venons de parler mais aussi dans la vie quotidienne. Dans toutes les familles où nous sommes demeurés, les tâches domestiques étaient partagées, cependant il ne semble pas que ce soit le cas de toutes les familles anglaises. « La majorité des tâches domestiques et des soins des enfants demeurent encore la province des femmes », concluait une recherche du bureau de la statistique (ONS, 2006 : 1). Le taux de divorce augmente et du même coup le nombre de mères qui assument seules les soins des enfants (ONS, 2006). De plus, les hommes se distinguent clairement sur le plan de la criminalité (quatre fois plus que les femmes) et dans le cas des voies de fait, ils sont plus souvent victimes et aussi agresseurs (ONS, 2006). Bref, ce sont là quelques chiffres mais aussi des chiffres qui varient considérablement selon les origines ethniques il faut bien le dire.
L’Angleterre est sans doute le deuxième pays parmi ceux que nous avons visités où l’avancement du travail et de la réflexion sur les réalités masculines est le plus notable. Le gouvernement britannique n’a certes pas investi autant que le gouvernement australien et par le fait même, le niveau de services disponibles est nettement inférieur. Ce qui est fait en matière de santé des hommes est en ce sens très indicateur. On y retrouve un centre spécialisé qui développe de la recherche et des outils pour les intervenants (Conrad & White, 2007). Ce centre joue aussi un rôle important sur le plan européen. Alan White et son équipe sont particulièrement dynamiques. Ils approfondissent des dimensions de la santé des hommes encore peu explorées dont par exemple l’obésité (White & Pettifer, 2007). De plus, un réseau de groupes locaux s’est développé dans les grandes villes (du moins à Londres et à Leeds) pour sensibiliser les hommes à leur santé. En cette matière, les données les plus récentes disponibles placent le Royaume Uni de manière avantageuse comparativement aux autres pays industrialisés pour certains problèmes de santé. Par exemple, le taux de suicide chez les hommes de 15 à 24 ans était de 8,2 par tranche de 100 000 de population en 2002 comparativement à, selon les données de l’année 2000, 12,1 pour la France, 17 pour les États-Unis et 20,2 pour le Canada (White & Holmes, 2006). Il semble bien que, tout comme au Québec, le taux de suicide chez les hommes tend à diminuer en même temps que les professionnels notent une augmentation de la demande d’aide des hommes (Burgess, 2008, entretien personnel). Par contre, pour d’autres problèmes de santé, la situation de l’Angleterre est moins enviable pour ce qui concerne la mortalité chez les hommes de 35 à 44 ans à la suite d’une maladie cardiovasculaire, dont le taux par 100 000 de population atteignait 36 en 2002 comparativement pour l’an 2000 à 30,7 en France, 50,3 aux États-Unis et 25,3 au Canada. (White & Holmes, 2006). Par ailleurs, l’espérance de vie des hommes est de 70 ans et celui des femmes de 80 ans (ONS, 2006), soit un peu moins que ce que nous connaissons au Québec. De plus en plus, des travaux sont faits pour mieux identifier comment la dépression se profile chez les hommes et s’assurer qu’elle est bien dépistée par les professionnels de la santé (Branney & White, 2007, 2008). De plus, des travaux permettent de mieux comprendre les représentations de la masculinité qui interfèrent dans la demande d’aide des hommes mais aussi dans l’interprétation que les professionnels font des problèmes que les hommes vivent (Robertson, non daté, 2006, 2007).
En matière de violence conjugale, le gouvernement britannique a adopté une nouvelle loi en 2004 et du même souffle a renforcé son réseau de services qui semble bien implanté tant en ce qui concerne le soutien aux victimes que celui offert aux hommes aux comportements violents. Notamment, le gouvernement a mis en place une ligne d’écoute pour ceux qui commettent ou ont peur de commettre des abus en plus de celle qui existait déjà pour les personnes qui sont victimes de violence (Bristish Government, 2005).
Enfin, nous avons ouvert quelque peu sur les réalités des hommes bisexuels et gais en parlant notamment d’artistes comme Boy George. L’Angleterre est bien connue pour son ouverture sur ce plan. Du moins, la situation semble avoir évolué positivement depuis le milieu des années 90 après la fin du règne du gouvernement conservateur et des suites de l’époque Tatcher. Le mouvement gai demeure cependant sur ses gardes de peur qu’un autre recul puisse arriver à nouveau. De plus, le réseau de services pour les gais est visiblement bien en place. Le mariage de conjoint demeure cependant illégal, mais il est remplacé par un contrat de partnership. Comme peu d’hommes homosexuels pratiquent une religion (70% ne sont pas pratiquants selon une enquête), cela ne représente pas une revendication pour eux actuellement.

Remerciements :
Nous tenons à remercier les familles Servas qui nous ont hébergés chaleureusement : Roger et Hannah à Leeds, Chris et Fiona, Renée et Genessee, de même que Joanna et Richard à Londres. Un merci aux collègues avec qui les échanges ont été très fructueux : Alan White, Steve Robertson et Peter Branney. Un merci spécial à Peter et Jane pour la visite à la mine et au parc des arts et de nous avoir accueillis chez eux où nous avons pu échanger davantage. Merci à Adrienne Burgess du Fatherhood Institute et à Matthew Hodson du Gay Men’s Health Centre. Merci aussi à Maud que nous avons bien aimé revoir.

Références
Abril, P. & Romero, A. (2008). Including men into work-life balance: Fostering caring masculinities. QMIP Newsletter (5) 11-15. The British Psychological Society.

Branney, P. & White, A. (2007). Why do men die younger? HCPJ, july.
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