t à la pelle par des brigades d’hommes et de femmes et que les maisons ne sont pas ou du moins mal isolées, cela devient plus problématique. Il faut aussi dire que la région de Shanghai où nous étions était beaucoup moins affectée que d’autres régions de la Chine qui, dans certains cas, ont connu une tempête de verglas du même type qu’on a déjà connu au Québec il y a déjà quelques années. Dès le lendemain de notre arrivée, nous avons dû magasiner des vêtements un peu plus chauds, histoire d’affronter des températures de 2 à 5 degrés sous zéro. C’est ainsi qu’on a pu voir ce que veut dire le « made in China » si populaire un peu partout dans le monde. En fait, les vêtements vendus par de nombreuses grandes marques connues sont fabriqués en Chine et sont disponibles ici à des prix nettement inférieurs à ce qu’on connaît chez nous. Juste pour vous donner une idée par exemple, les vêtements North face vendus à 250 ou 300 $ au Québec, ici se vendent dans les 40 $.
Quelques données générales sur la Chine
C’est bien connu, la Chine est le pays le plus populeux de la terre avec 1,28 billions d’habitants (Jie & Kanji, 2003). Hormis Hong Kong qui a réintégré la Chine depuis quelques années, la plus grande ville demeure Shanghai avec 12,5 millions d’habitants. En superficie, c’est le troisième pays le plus grand, juste après la Russie et le Canada (Jie & Kanji, 2003). C’est aussi un pays très diversifié avec 56 ethnies différentes, même si les Hans représentent 92% de la population (Harper et al., 2005). En pratique, la plupart des ethnies se retrouvent dans des régions spécifiques où nous ne sommes pas allés. Environ 70% des gens vivent dans les campagnes (Jie & Kanji, 2003). Je (Gilles) pensais que nous ressentirions davantage la pression exercée par le très grand nombre de personnes concentrées en ville. Bien sûr, nous arrivions de Tokyo et nous y avions expérimenté les trains bondés aux heures de pointe. La situation à Shanghai sur ce plan ressemble beaucoup à ce que nous avions connu et les rues ne sont pas plus bondées. Il faut dire aussi que nous étions en plein hiver, qu’il faisait un froid inhabituel, donc que les gens sortaient sans doute moins et que nous sommes arrivés en plein Nouvel An.
Rappelons que la Chine, contrairement à chez nous, a une politique de dénatalité pour aider au développement du pays et diminuer la pression reliée au nombre très élevé de personnes. C’est la politique d’un seul enfant par ménage. Le Lonely Planet rapporte qu’en pratique, cela prendra encore 30 ans avant d’en arriver à une croissance 0 de la population. Les logements sont petits, souvent surpeuplés. Selon un Chinois rencontré, l’architecture des maisons est telle que six logements se partagent la cuisine et la salle de bain. Il rapportait aussi que le logement est très cher à Shanghai alors que le revenu moyen demeure limité, soit 2 500 Yuans par mois (environ 370 $). Il y a donc, là aussi, des bains publics un peu comme on a pu voir au Japon. On comprend aussi que le rapport à l’intimité est fort différent de chez nous alors que nous sommes habitués à de grandes maisons. Par exemple, j’ (Jeanne-Mance) étais très surprise alors que nous étions aux bains qu’une femme soit venue partager la douche où j’étais, ce qui semble un fait usuel ici. De plus, c’est une population qui, comme en Inde et dans le Sud-est asiatique, est relativement jeune. En 2003, 10% de la population avait plus de 60 ans (Harper et al., 2005). Je (Gilles) m’attendais à ce que l’effet du nombre ait aussi des conséquences sur la propreté. Certes, nous sommes loin de la très grande propreté du Japon, mais les endroits publics étaient généralement
propres, particulièrement le métro, avec des poubelles un peu partout, vidées régulièrement et les planchers lavés plus souvent encore que dans le métro de Montréal. Bien sûr, cela n’empêche pas d’observer certains comportements moins agréables : des déchets laissés par terre dans le train dont une couche souillée, un homme sur son balcon qui se mouche et jette son mouchoir souillé vers la rue, mais surtout des gens qui crachent sur le plancher un peu partout (magasin, aéroport, train, etc.). Même s’il y a un règlement adopté par la ville qui dit que si une personne est prise à cracher par terre, elle doit payer une amende, les gens font fi de ce règlement. Ce sont aussi des gens « affirmatifs », qui sont habitués de se faufiler pour prendre leur place. Par exemple, lorsqu’un taxi se vide, d’autres personnes entrent rapidement en même temps que les personnes sortent, histoire de ne pas se faire « voler » le taxi par quelqu’un d’autre. Vous comprendrez qu’au début de notre séjour, cela nous est arrivé quelques fois d’attendre que le taxi se libère et que pendant ce temps d’autres personnes entraient de l’autre côté…et voilà, il faut alors attendre le suivant. Nous avons vite compris le système. De même, à quelques occasions, nous avons dû aviser des gens qui passaient clairement devant nous au guichet du train ou à la poste et de leur faire voir que nous étions là avant eux. Disons que cela nous a aidés à aiguiser notre affirmation de soi.
Nous voulions passer quelques temps à Beijing, cependant nous avons dû réviser nos plans compte tenu que nous nous retrouvions en plein dans la tempête de neige dont vous avez entendue et vue à la télévision au Québec et en pleine période du congé du Nouvel an chinois. Donc il n’y avait pas de place sur le train et les billets d’avion qui restaient étaient beaucoup trop chers. Nous nous sommes donc contentés de visiter Shanghai et quelques villes autour.
Shanghai
La Chine connaît une modernisation très rapide, particulièrement depuis les années ’90. Ceci n’a rien à voir avec la Chine que j’ai (Jeanne-Mance) connue en 1977. Par exemple, le train qui relie l’aéroport de Shanghai à la ville est un train magnétique qui atteint les 300 km/heure en quelques minutes à peine. Shanghai a aussi un réseau de métro ultramoderne. Certaines stations ont été ouvertes pendant notre séjour et l’ensemble du réseau date de 2000. Il faut dire que Shanghai se prépare à recevoir l’exposition universelle en 2010 (un peu comme celle de 1967 à Montréal), elle doit se faire belle. On y retrouve plein de grands édifices, les feux de circulation affichent des chronomètres digitaux, à divers endroits on constate l’utilisation d’une technologie de pointe
. Cela a amené une amélioration considérable du niveau de vie au cours des dernières années. Le taux de pauvreté selon l’indice international (au moins 1$US par jour) est passé de 80% en 1978 à 18,5% en 2001 (Jie & Kanji, 2003). C’est énorme comme changement! De plus, il semble bien révolu le temps où tout le monde se promenait en veste Mao bleu royal. On retrouve plein de boutiques de mode affichant entre autres les grandes marques de vêtements que l’on connaît bien : Prada, Gucci, Chanel, etc. Plusieurs de ces boutiques exigent d’avoir un portefeuille bien garni (trop pour nous) et on y retrouvait toute une classe de Chinois et de Chinoises qui semblent vivre bien à l’aise. Bref, on peut constater le développement d’une classe moyenne importante, du moins à Shanghai. L’automobile a aussi remplacé le vélo, quoiqu’il en reste encore quelques
vestiges mais beaucoup moins. Le Lonely Planet note cependant que la campagne profite beaucoup moins de cette modernisation et que l’écart entre les riches et les pauvres s’agrandit de manière considérable au point d’être devenu l’un des pires au monde (Harper et al., 2005).
Notre amie Cristina et l’école internationale de Shanghai
Nous sommes atterris à Shanghai où nous attendait Cristina Pelaez, une amie d’Isabelle notre nièce, que nous avions rencontrée à quelques reprises à Sherbrooke. Nous avions eu la chance aussi de rencontrer toute sa famille quelques mois après leur arrivée au Québec. Pendant notre séjour à Shanghai, nous sommes demeurés chez elle. Elle demeure à un hôtel qui est à la fois un lieu de location de chambres et d’appartements. Nous étions donc très bien dans son appartement qui comporte deux chambres, cuisine, salon et deux salles de bain. J’ai (Jeanne-Mance) donc pu cuisiner quelques plats et faire une réserve de sauce à spaghetti pour notre amie. J’ai (Jeanne-Mance) aussi participé à la messe avec elle, histoire de voir comment se déroule et quelle est l’atmosphère d’une messe catholique en Chine. Sur notre route, nous avons pu observer des canards et des énormes poissons accrochés dehors.
Cristina enseigne à la maternelle dans une école internationale, une école qui vise une clientèle d’«expats » comme on les appelle, soit ces gens qui viennent d’ailleurs pour travailler ici quelques années. On estime, qu’il y a plus de 100 000 expats à Shanghai, soit l’une des communautés d’expats les plus importantes parmi les grandes villes asiatiques. Ces gens viennent d’un peu partout : Canada, États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume uni, Afrique du sud, Japon. Cristina nous a introduits à quelques-uns de ses amis et collègues avec qui nous avons eu notamment le plaisir de partager le souper du Nouvel An chinois. Nous n’avions aucune idée auparavant de ce que signifie la vie d’expat. C’était intéressant entre autres d’entendre parler les enseignants et enseignantes sur les enfants à l’école qui doivent composer constamment avec des pertes. En fait, comme les contrats des parents ne durent souvent que quelques années, cela veut dire pour les enfants de perdre ses petits amis qui partent vers une autre grande ville asiatique ou encore retournent à la maison. Parfois, ces changements se font en cours d’année scolaire, il peut y avoir une dizaine d’enfants dans la classe qui quittent à Noel par exemple et qui sont remplacés par de nouveaux élèves pour le reste de l’année. Les enseignants et enseignantes doivent donc adapter la gestion de leurs classes en conséquence et aussi offrir des opportunités aux enfants de parler de ces deuils. Un ami de Cristina notait aussi que les enfants qui revivent ce scénario plusieurs fois deviennent plus distants et s’investissent moins dans leurs relations d’amitié, comme pour se protéger. On appelle ces enfants les enfants de troisième nationalité. Souvent nés dans une de ces grandes villes, ils ont la nationalité du pays où ils sont nés et celle de leurs parents. Parfois ils ne vont que rarement visiter la parenté et connaissent peu le pays d’origine de leurs parents, mais c’est leur nationalité aussi. Les enseignants et les enseignantes font particulièrement attention à ce que les enfants sachent d’où ils viennent, leur origine respective pour ne pas qu’ils perdent leur identité culturelle.
Quand je (Jeanne-Mance) suis allée dans la classe de Cristina lire une histoire aux enfants, je leur ai demandé d’où ils venaient : de la Corée du sud, du Mexique, du Chili, du Japon, de la Chine, de la France, de la Hollande, de l’Argentine, de la Turquie, presqu’autant de pays que d’enfants. Les parents de ces enfants sont des gens qui viennent développer un marché en Chine ou font partie du personnel diplomatique de leur pays ou encore ce sont des gens d’affaires. Plusieurs vivent dans de grands hôtels comme par exemple le Ritz Carlton, qui ont des appartements spécialement conçus pour cette clientèle, appartements habituellement payés par les compagnies. Ils ont souvent un chauffeur privé qui transporte les enfants à l’école. Il en coûte 20 000 $ pour fréquenter une école internationale à Shanghai et ces frais peuvent être assumés par les compagnies.
Le Nouvel An Chinois
Du 6 au 15 février, c’est le Nouvel an chinois (notre troisième avoir fêté le Nouvel An usuel au Cambodge, celui de la Thaïlande et enfin celui de la Chine).En cette période, 8 millions de Shanghainais sortent ou entrent dans la ville pour visiter leurs familles comme nous le faisons pour le temps des fêtes au Québec. Bien sûr, nous ne sommes pas 8 millions à quitter le Québec…! Les 6, 7 et 8 février allant parfois jusqu’au 10 février, les services publics, magasins même plusieurs restaurants sont fermés pendant au moins trois jours sinon plus. C’est le temps des réjouissances en famille mais aussi le temps des traditions. Par exemple, pendant deux semaines des feux d’artifice éclatent un peu partout dans la ville à toute heure du jour ou de la nuit tantôt pour chasser les dragons ou les mauvais esprits, tantôt pour la simple réjouissance, tantôt pour attirer le bon sort et la bonne fortune. On ne peut vous imager le bruit de ces feux, des quinzaines de feux à fois. Les temps les plus imposants sont à l’arrivée du Nouvel An chinois à minuit et l’autre trois jours plus tard. Il y a ensuite une autre fête, celle des lanternes qui se déroule normalement 15 jours après le Nouvel An, mais nous n’étions pas là à ce moment. C’était invraisemblable le soir du Nouvel An de voir des milliers de feux d’artifice péter un partout dans la ville. Vraiment impressionnant et incroyable! Nous sommes allés fêter l’évènement avec Cristina dans un restaurant un peu plus chic situé dans une tour où nous avions une vue sur une bonne partie de la ville. Des amis de Cristina nous ont rejoints. Nous étions tous épatés par ces feux superbes. Trois jours plus tard il nous était très difficile de dormir car les feux pétaient tout autant jusqu’à plus d’une heure du matin. Du balcon de chez Cristina, nous pouvions voir à nouveau comment les feux provenaient d’un peu partout en ville. C’est quand même impressionnant de voir comment les gens investissent des sous de manière assez considérable pour célébrer de cette façon.
Un secteur important du centre-ville de Shanghai est occupé par ce qui s’appelle la Concession française, soit un grand quadrilatère concédé à la France en 1847. Dans les faits, la forte majorité des gens qui y demeurent sont des Chinois mais c’est aussi le quartier où se retrouvent les plupart des expats. On y retrouve des « grandes places », des rues aménagées « à la française », des boutiques de toutes sortes, dont celles des grandes marques, des pâtisseries françaises etc. L’un des secteurs de ce quartier est celui de Nanjing/Xi Lu où on retrouve les boutiques Prada Gucci, Chanel, l’hôtel Ritz Carlton et plusieurs ambassades. C’est aussi dans la Concession française que se retrouve le musée érigé où a eu lieu la fondation du Parti communiste chinois en 1921, donc son premier congrès national, et le monument en l’honneur de la libération de la ville en 1949 alors occupée par les Japonais.
Deux stations de métro plus loin, juste sur le bord de la rivière, se trouve le célèbre Bund, soit le lieu où est née la ville il y a 6 000 ans. C’est un lieu touristique de Shanghai où les gens viennent se promener le long de la rivière. C’est un endroit particulièrement beau la nuit, notamment le secteur piétonnier de la rue Nanjing Road qui est tout illuminé. L’autre côté de la rivière se trouve la Jinmao Tower, soit le plus haut édifice de Shanghai, soit
Shanghai, depuis 1990 prend beaucoup d’expansion. D’ailleurs, un peu partout on pouvait voir des édifices en construction. Rappelons aussi que Shanghai est connue comme la cité de la soie, du thé et de l’opium. Nous n’avons pas essayé l’opium, mais le thé et Jeanne-Mance a bien aimé aussi voir les boutiques de soie. C’est aussi l’une des régions qui produit des perles. Inutile de dire que Jeanne-Mance s’est aussi régalé les yeux. J’ (Gilles) en ai aussi profité pour lui acheter son cadeau de fête qui s’en vient à grands pas.
Comme nous avons peu bougé et que Cristina avait Internet à la maison, nous en avons profité pour se mettre à jour : réservations de l’hébergement en Afrique du Sud et en partie en Turquie, achat de billets d’avion, correspondance avec nos contacts dans ces pays, travail sur un article, etc.
Qibao Village
(Il faut prononcer le Q comme un ch)
Pour s’y rendre nous avons pris l’autobus de la ville à la grande surprise de Cristina qui trouve que nous sommes d’excellents voyageurs, que nous nous sommes débrouillés très bien à travers la ville en peu de temps. Qibao a été construite entre 960 et 1126 sous la dynastie des Ming. C’est théoriquement un village, mais un village en Chine c’est comme une grosse ville chez nous, tout est relatif... Cette ville est traversée par trois ponts. Une cloche en bronze date elle aussi de 960. À Qibao, nous avons surtout visité la vieille ville avec ses maisons aux toits pointus et ses
beaux canaux. Nous avons acheté un billet qui nous permettait de visiter plusieurs sites touristiques soit le musée du textile, une ancienne boutique de fabrication de vin, une galerie d’art d’un artiste chinois Zhang Chongren (assez extraordinaire d’ailleurs), un musée d’objets miniatures et le temple aux Sept trésors. Nous nous sommes promenés dans une rue très étroite bondée de monde en vacances pour le Nouvel An chinois
. J’adore (Jeanne-Mance) ces petites boutiques qui vendent des produits alimentaires très particuliers comme des poissons dont on ne connaît pas le nom, des viandes apprêtées de diverses façons, des plats qui dégagent des saveurs parfois agréables parfois un peu désagréables. Bref, nous avons vu là ce que les chinois mangent.
SuZhou
Nous avons pris le train pendant une heure. À la sortie du train, contrairement à Qibao où nous avions dû nous débrouiller seuls, ici nous attendaient plusieurs représentants et représentantes de compagnies prêtes à nous offrir leurs services. Nous avons donc pris un tour de la ville avec une de ces compagnies. On nous avait dit qu’il y aurait un guide qui parlerait anglais tout au long de la journée, eh bien non ! Gilles et moi avec un couple de Japonais avons été très frustrés de cette situation. Nous avons essayé tant bien que mal de revendiquer que la guide parle en anglais tel que promis mais en vain, sinon quelques petites bribes. C’est vraiment dommage car nous avons manqué toutes les explications des lieux visités. C’était aussi surprenant de voir que les services touristiques sont essentiellement prévus pour les Chinois.
On dit dans la littérature chinoise qu’il y a trois paradis : celui du ciel, Hanzhou et SuZhou. Nous avons choisi de visiter celui de SuZhou parce que celui du ciel était un peu plus dispendieux et nous ne sommes pas rendus encore à cette étape…Effectivement, je ne connais pas celui du ciel, mais celui de Suzhou est magnifique.
On l’appelle « la petite Venise de la Chine » ou « la Venise orientale ». Elle date de 514, fondée par King Helui of Wu. Elle a une histoire de 2500 ans. Elle possède une soixante de jardins construits au 10e siècle et plusieurs d’entre eux sont gardés intacts et listés dans la liste des héritages mondiaux. Cette ville est couverte à 42% par l’eau.
Je (Jeanne-Mance) vous raconte l’histoire de cette sculpture. Il s’agit du poète Zhang Ji qui a écrit, il y a 1 000 ans, un poème sur le pont que nous voyons derrière nous. Ce poème Overnight stay at Feng Qia (c’était traduit sur le panneau explicatif, nos capacités de lire le Chinois sont trop faibles…) est devenu célèbre à travers le monde et on a érigé, en l’honneur du poète, une sculpture le représentant assis avec l’index de la main droite en évidence, index avec lequel il a écrit son poème, son doigt lui servant de
plume. L’histoire dit que si nous touchons l’index une fois, c’est le succès assuré et deux fois c’est la fortune. Allez croire…! Vous vous imaginez bien que plusieurs personnes frottent le doigt du poète. Il y a une belle pagode qui date de 961, toujours de la Dynastie des Ming. On ne sait pas les noms des lieux visités mais nous vous laissons avec ces images.
Commentaires plus généraux sur les hommes en Chine
En plus des mises en garde que nous avons l’habitude de faire et que nous ne répèterons pas ici, notons que nous n’avons surtout visité qu’une seule ville, Shanghai, ville réputée pour être la plus occidentalisée de la Chine et dont les hommes en particulier, sont aussi réputés pour être différents des autres Chinois. Je (Giles) n’ai pas réussi, malgré de nombreuses recherches, à trouver des chercheurs chinois sur le sujet ni d’établir des contacts avec les écoles de service social. J’ai trouvé cependant quelques études sur les hommes en Chine, mais toutes ces recherches ont été réalisées par des chercheurs qui ne demeurent pas (ou plus) en Chine. Enfin, le nombre d’entrevues a aussi été très limité. Un peu comme au Japon, la barrière de la langue est considérable, peu de monde ici parle l’Anglais.
Dans la tradition du confusianisme, la masculinité et la féminité sont identifiées au yin et au yang, soit deux principes qui existeraient en chacun de nous, l’un étant dominant, plus développé que l’autre, selon le sexe de la personne. Selon ce point de vue, la masculinité est issue de la biologie et non construite. Louie (2002 dans Souchou) qui s’est intéressé à la construction de la masculinité en Chine, s’oppose à cette vision. À la suite de ses recherches sur les héros chinois, il conclut que la masculinité en Chine doit plutôt se comprendre à partir de la dualité entre le « wen » (arts littéraires) et le « wu » (arts martiaux), l’homme idéal étant perçu comme celui qui sait maîtriser ces deux arts un peu comme Mao Zé Dong a su le faire en étant à la fois fin stratège de guerre mais aussi un homme de lettre.
Le Lonely Planet note que le mouvement des femmes en Chine a fait des progrès considérables. Notamment la Loi sur le mariage de 2001 protège maintenant les victimes de violence conjugale et condamne sévèrement les conjoints qui ont des comportements violents. De plus, les femmes représentent 44% des étudiants dans les collèges et les universités. On les retrouve un peu partout sur le marché du travail, aussi bien comme chauffeuses d’autobus ou de taxi que comme coiffeuses ou commis. Par exemple, la Chine a un plus haut taux de femmes ingénieures que le Canada, mais un peu comme chez nous, de manière générale, les hommes et les femmes demeurent concentrées dans ces secteurs d’emploi très « genrés », notamment plus de femmes chez les cols blancs et très peu si on monte dans la hiérarchie des entreprises (China-Canada Cooperation Project in Cleaner Production, 2000). En fait, elles forment 45% de la main-d’œuvre soit un taux nettement supérieur à la moyenne mondiale qui est de 35%, mais, selon les données du recensement de l’année 2000, elles n’obtiennent que 80% du revenu moyen des hommes (Tingting, 2006), ce qui est quand même une proportion nettement plus élevée que bien des pays occidentaux. Selon un Chinois rencontré, la plupart des femmes continuent de travailler après la naissance d’un enfant, le bébé étant alors confié aux grands-parents s’ils sont retraités, ou encore à une gardienne. Il n’en demeure pas moins, cependant, que la Chine n’obtient que le 83e rang sur 114 pays en matière d’équité pour les femmes (UNDP-China). Notamment la participation déclinante des femmes sur le plan politique et leur difficulté à obtenir des postes de gestion jouent nettement en défaveur de la Chine.
La société chinoise est en profonde transformation. Elle est toutefois réputée pour demeurée encore très patriarcale alors que les garçons ont plus de valeurs que les filles. Par exemple, après le mariage, la coutume veut que la femme aille demeurer chez son mari et soit sous la gouverne de sa belle-mère et aussi des autres hommes de la maison. Cependant, son statut s’améliorerait lorsqu’elle accouche d’un garçon. (Jie & Kanji, 2003). Par exemple, un Chinois racontait que la tradition veut que les parents investissent beaucoup pour aider leur fils à s’installer dans la vie (soutenir l’achat d’une maison ou du moins l’achat du matériel de base) alors que cela n’est pas le cas pour une fille. Par ailleurs, la Chine présente le ratio hommes par rapport aux femmes des plus élevés des pays d’Asie, soit 117 hommes pour 100 femmes, selon le recensement de l’année 2000 (Harper et al., 2005; Marquand, 2004) et 120 pour 100, selon des données plus récentes (Kurtanzick, 2007). Selon Marquand, le foeticide serait plus prononcé en milieu rural qu’en milieu urbain, de même que les bébés filles donnés en adoption. Il rapporte que le gouvernement chinois travaille à corriger la situation en implantant un nouveau programme pilote dans 13 provinces qui accorde 1200 Yuans (environ 160$) par année aux parents qui ont une fille. Cette situation fait aussi en sorte qu’un bon nombre d’hommes ne se trouvent pas de conjointes. Ce qui inquiète de plus en plus, certains questionnant même si la Chine est en train de devenir un pays d’hommes seuls (Kurtanzick, 2007; Marquand, 2004).
Pour certains Chinois, contrairement à ce que la culture dominante valorise dans la culture occidentale, s’occuper des enfants (« nurturing ans caring ») est perçu comme une expression de la puissance masculine. Par exemple, les hommes de Shanghai sont réputés pour faire plus de tâches domestiques que leurs conjointes et ils aiment cela (Da, 2004 et Wand, 2000 dans Donaldson et Hawson, 2006). J’ai (Jeanne-Mance) vu plusieurs hommes étendre le linge sur la corde. Plusieurs des personnes rencontrées confirment cette situation. Plus encore, Fang (2007) parle de « domestic softeness » des pratiques masculines chinoises.
La situation en matière d’homosexualité est ambiguë. Suiming, Zongjian et Gil (2006). racontent qu’historiquement, à l’époque de la noblesse chinoise, certains, souvent les plus érudits, affichaient ouvertement leur homosexualité sans que cela ne fasse problème. Bien au contraire, cela semblait lié à leur prestige. Puis, avec la révolution chinoise, la perception de l’homosexualité est devenue négative. Pan et Wu rapportent que certains leaders politiques en ont parlé dans les années 90 comme quelque chose de liée à des pratiques archaïques qu’il faut se défaire ou encore aux influences négatives des sociétés occidentales, surtout chez les jeunes qui visionnent le cinéma occidental et consultent Internet. Plus encore, dans la lutte contre le VIH/SIDA, les gays sont devenus en quelque sorte les ennemis étant identifiés par certains comme la source de l’infection en Chine. Socialement, l’homosexualité demeure illégale et les discussions sur le sujet demeurent taboues (Lonely Planet). Les gays et lesbiennes peuvent affronter du harcèlement policier mais en même temps, le mouvement gay s’organise surtout à partir de Hong Kong, semble-t-il (Lonely Planet). La tradition joue, selon certains auteurs, un rôle toujours important de telle sorte que parler ouvertement de son homosexualité demeure difficile. Fang (2006) explique que, pour échapper aux pressions de l’entourage, il n’est pas rare que deux hommes gays marient deux femmes lesbiennes, les deux couples légalement mariés sous la forme d’un couple hétérosexuel partagent le même appartement (ce qui se fait fréquemment compte tenu du nombre limité de logements disponibles) et forment, dans la pratique, deux couples homosexuels. La même formule est utilisée pour l’insémination artificielle qui permet ainsi aux deux couples d’avoir des enfants, le tout sans que les familles d’origine ne soient au courant de la réalité. Si le premier bébé qui naît et un garçon, il est, semble-t-il, élevé par le couple d’hommes et si c’est une fille par le couple de femmes. On peut comprendre que, dans un milieu plus traditionnel où on ne parle pas d’homosexualité, le premier lieu d’exploration pour les jeunes collégiens soit Internet (Qiuju & Geng, 2006) et aussi d’identification pour plusieurs gays et bisexuels (Sun, Farrer & Choi, 2006; Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Certains préfèrent parler de « tongzhis » (dont la traduction littérale signifie camarades) plutôt que de gais, ce qui inclut plus largement les MSM et non seulement ceux qui s’identifient comme homosexuels et aussi distingue de la vision occidentale de l’homosexualité (Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Selon certains auteurs, ce qui distingue le plus les gais chinois des gais occidentaux c’est la pression très forte pour se marier qui existe en Chine (mariage hétérosexuel on comprend puisque le mariage avec conjoint du même sexe est interdit) (Yinhe dans Zhongxin, Farrer & Choi, 2006). Enfin, il semble bien que l’ouverture sur le monde, notamment par Internet et le ratio élevé d’hommes par rapport aux femmes seraient deux facteurs qui contribuent au développement des réalités gaies (plus de personnes qui s’identifient comme gais, plus de visibilité, plus de services).
Lee (2005) rapporte qu’à Hong Kong, concept de santé des hommes est de plus en plus en vogue. Il note notamment que de plus en plus d’hommes surveillent leur alimentation, vont au gym, participent à des séances d’information sur la santé, etc. Cependant, cela ne semble pas être le cas dans toute la Chine. Par exemple, l’usage du tabac augmente sans cesse au cours des années contrairement à ce qu’on observe chez nous (Cheng et al., 1997). Les Chinois, les hommes surtout, sont réputés pour être de gros fumeurs. Ainsi, l’espérance de vie des hommes est de 69 ans, soit trois ans de moins que celle des femmes (72 ans) mais plus élevée lorsque l’on regarde l’espérance de vie en santé (Jie & Kanji, 2003). De plus, on observe une augmentation substantielle du nombre d’hommes qui vivent les effets de l’andropause de manière précoce.
De manière générale, la culture chinoise n’encourage pas l’expression des émotions, cela étant vu comme offensant. Parler de ses problèmes à un étranger est mal perçu, voire honteux. Les problèmes doivent être traités dans la famille. On comprend alors que les gens ont peu recours aux services publics pour régler leurs problèmes psychosociaux (Lee, 2005). En fait, la culture chinoise est basée sur des liens familiaux solides, incluant la famille étendue (Harper et al., 2005).
Il nous reste à remercier en premier lieu notre amie Cristina pour son hospitalité, mais aussi toute sa gentillesse à notre égard. Nous avons pu apprécier la femme de cœur qu’elle est. Nous remercions aussi ses collègues et amis que nous avons eu l’occasion de rencontrer et qui nous ont alimentés dans réflexions. Merci aussi aux deux hommes que j’ (Gilles) ai interrogés et dont je dois taire les noms par souci de confidentialité.
Références
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Fang, G. (2007). Qualitative Study on the Construction of Money Boy’s Male Temperament. Papier présenté à International Conference on Sexuality in China, 18-20 juin 2007, Beijing. Institute for Research on Sexuality and Gender,
Fang, G. (2006). The Marginalized Group’s Marriage and Reproductive Rights. Papier présenté lors de la Second Asia Pacific Conference on Reproductive and Sexual Life. Institute for Research on Sexuality and Gender,
Harper, D., Fallon, S., Gaskell, K., Grundvig, J., Heller, C.B., Huhti, T., Mayhew, B. & Pitts, C. (2005).
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